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Le Niger ne veut plus dépenser des milliards pour des soins à l'étranger

Le gouvernement nigérien a tranché. Il veut en finir avec les dépenses scandaleuses consacrées aux évacuations sanitaires dont bénéficient les privilégiés de la république. Des milliards puisés chaque année dans le trésor public qui devraient servir à améliorer l’état calamiteux des hôpitaux du pays.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min

L’objectif est de réduire sensiblement le nombre d’évacuations sanitaires des députés et des ministres vers les hôpitaux étrangers. Tous ces officiels ne feront plus l’objet d’évacuation aux frais de l’Etat que si les prestations concernées ne peuvent être fournies par l’hôpital général de référence de Niamey, rapporte Télé Sahel, la télévision d’Etat.

Un hôpital de pointe, le plus grand de l’Afrique de l’Ouest.
Selon les médias locaux, le Niger dépense chaque année plus de 5 milliards de francs CFA (10 millions de dollars) pour faire soigner ses officiels en Europe, en Tunisie ou au Maroc. Le pays a donc décidé d’arrêter les frais en investissant dans un centre hospitalier ultra moderne construit par la Chine à Niamey, la capitale nigérienne.

«C’est un hôpital de pointe, de grande capacité. C’est le plus grand centre hospitalier de l’Afrique de l’Ouest. Il est doté de matériels et de spécialistes de grande qualité venus d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient pour travailler aux côtés des médecins nigériens. Aujourd’hui, cet hôpital peut faire face à la plupart des maladies qu’on a coutume d’évacuer à l’étranger», assure le ministre nigérien de la Santé, le docteur Maïnassara, au micro de la BBC.

Des spécialités dignes des grands hôpitaux européens
Selon la presse nigérienne, des spécialistes cubains et turcs rejoindront bientôt leurs homologues chinois déjà présents au sein de cette structure hospitalière qui dispose d'une quarantaine de spécialités dont les services de cardiologie, de gériatrie et toutes les spécialités médico-chirurgicales.


Cette annonce intervient alors que plusieurs audits effectués par des services publics mettent régulièrement en cause la régularité de certaines dépenses liées aux évacuations sanitaires dans le pays. Un problème que le Niger partage avec de nombreux autres pays africains.

«Entre les passe-droits offerts aux uns et aux autres, les petites magouilles dont profitent certains et le laxisme qui prévaut à plusieurs niveaux de responsabilité, le Trésor public en vient à supporter des charges qu’il n’aurait jamais dû supporter», déplore le journal sénégalais Enquête-Plus qui a consacré un dossier à ce phénomène.

«Des évacuations sanitaires dans une totale opacité»
Le journal dénonce une véritable opacité qui règne dans ce domaine. Il explique comment il est difficile de chiffrer les évacuations sanitaires, en termes de coût pour les deniers de l’Etat.

«On ne donne jamais le chiffre exact. Et tout dépend de la personne à évacuer. Si c’est une haute personnalité de l’Etat, la somme est plus importante. Ce qui est déplorable, c’est que des pauvres continuent à mourir dans le pays, à cause d’une simple diarrhée, ou d’un paludisme», écrit le journal qui cite une source médicale sénégalaise.

Des pauvres qui meurent dans les hôpitaux faute de soins, il n’y en pas seulement qu’au Niger ou au Sénégal, mais un peu partout en Afrique où les hôpitaux sont dans un état désastreux.

«Des hôpitaux-mouroirs»
De Ouagadougou à Douala en passant par Dakar et Kinshasa, les cris de détresse se sont multipliés, en vain. Rien n’a changé dans les hôpitaux-mouroirs.

«Les hôpitaux burkinabè sont des mouroirs, parce que les malades y sont juste en sursis, en attendant le jour fatidique si le médecin ne vous demande pas d’aller achever vos derniers jours à domicile», peut-on lire sur le Blog Le Messager d’Afrique du burkinabè Boukari Ouédraogo.

Ces hôpitaux délabrés, sans équipements ni médicaments, se retrouvent parfois investis par toutes sortes de trafics et d’activités incompatibles avec la quiétude due aux malades. C’est le cas à l’hôpital Mama Yemo de Kinshasa dont la renommée ne se discutait pas dans les années 80. Voilà à quoi il ressemble ces dernières années: «Faites un tour à l’entrée de l’hôpital. Tous les espaces entourant l’hôpital sont exploités par des bistrots de tout genre, des églises de fortune, des boutiques transformées en bars dès la nuit tombée et des vendeurs d'effets funéraires. Devant l’entrée principale dorment des indigents qui ont trouvé l’hôpital comme leur dernier refuge», constatait Paul Muland sur son blog Grand Kasai.

«Une honte pour toute l’Afrique»
C’est une honte pour toute l’Afrique, fulmine un observateur sénégalais dans les colonnes du journal Enquête-plus. Nos pays devraient faire des efforts pour soigner leurs malades et arrêter de dépenser des milliards dans des hôpitaux étrangers, plaide-t-il.

C’est la voie choisie par le gouvernement du Niger. Si cette annonce porte des fruits, elle fera peut-être tache d’huile dans d’autres pays africains. 

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