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Le Maroc, pionnier dans le traitement des déchets médicaux en Afrique

C’est un casse-tête pour les autorités sanitaires africaines. Les déchets médicaux s’entassent dans des décharges en plein air. On les retrouve parfois près des ordures ménagères. Avec tous les risques de contamination des populations. Pourtant, ces déchets «regorgent de richesses» qui ne demandent qu’à être valorisées. C’est ce qu’explique à Géopolis, Brahim Bakhis, co-président de C3Medical.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les seringues usagées font partie des déchets médicaux collectés dans les hôpitaux. Le Maroc en produit 6000 tonnes par an. (Photo AFP/Andrew Brookes)

Il ne s’agit pas de déchets ordinaires. Ce sont des déchets dangereux qui peuvent avoir de graves conséquences sanitaires et environnementales, explique Brahim Bakhis.

«Quand vous allez dans un hôpital, c’est tout ce qui est seringue usagée, tout ce qui est poches de sérum ou de sang, tests de laboratoire, tubulaires… tous ces tuyaux utilisés pour injecter des médicaments…»

Brahim Bakhis s’est particulièrement intéressé au Maroc qui dispose d’importantes infrastructures hospitalières. Ses cliniques et ses hôpitaux produisent chaque année quelques 6000 tonnes de déchets médicaux.

Comment s’en débarrasser sans faire trop de dégâts ?
Les autorités sanitaires ont d’abord mené une politique de prévention des risques de ce type de déchets. Le personnel médical et paramédical a été formé à cet effet. Des guides et des manuels pour le tri et le traitement des déchets ont été mis à la disposition des professionnels.

«Dans n’importe quel hôpital du Maroc, dans n’importe quelle clinique, des petits boîtiers hermétiques ont été installés pour recevoir les déchets médicaux. Les hôpitaux sont obligés de faire appel à des sociétés externes qui viennent collecter ces déchets et qui sont censées les traiter», explique Brahim Bakhis à Géopolis.

Les déchets médicaux sont, soit détruits dans des incinérateurs, souvent en dehors du pays, ce qui coûte très cher, soit ils sont enfuis sur place au Maroc.

«Les détruire par incinération coûte excessivement cher, parce qu’il faut des fours spéciaux pour éviter les problèmes de pollution. Le plus simple et le plus rentable, c’est l’enfouissement dans des décharges creusées à même le sol très profondément. C’est un moindre mal.»

Brahim Bakhis est co-président de la société C3 Medical. Il a acquis une forte expérience dans la gestion financière de start-ups et le financement de projets innovants. (Photo/Nicolas Roux Dit Buisson)

Un casse-tête pour les autorités sanitaires
Malgré une forte mobilisation des autorités sanitaires marocaines, une partie des déchets collectés dans les hôpitaux du pays finissent malgré tout dans des décharges en plein air. Ils y traînent parfois pendant des mois en attendant d’être enfuis. Le risque est malheureusement évident.

«Il suffit qu’un enfant qui joue dans une décharge ramasse une seringue et se pique avec. Elle a peut être servi à prélever du sang d’une personne qui était hospitalisée pour une hépatite A, B ou C. Et l’enfant va malheureusement être contaminé. Il suffit de ramasser une poche de sérum vide et d’y introduire des aliments pour contaminer toute la chaine alimentaire familiale», déplore Brahim Bakhis.

Des déchets qui regorgent de richesses insoupçonnées
Comment dès lors se débarrasser sans risque de ces milliers de tonnes de déchets sales qui finissent dans des décharges publiques un peu partout en Afrique ? Les solutions existent désormais, assure le co-président de C3Médical, grâce à de nouvelles technologies qui permettent de les trier, de les désinfecter, de les traiter et de les valoriser.

«De les trier par exemple en récupérant avec des fours thermiques le plastique de ces seringues et en transformant ce plastique désinfecté en granulés, en petites boules de plastique qui peuvent être utilisées dans diverses industries comme dans l’automobile pour en faire des pare-chocs.»

«L’intérêt est de rendre ces technologies abordables»
Considéré comme pionnier dans le traitement et la collecte des déchets, le Maroc va le devenir aussi pour la valorisation de ces déchets. C’est dans ce pays que pourrait bientôt débuter les premiers tests d’une machine mise au point par une société suisse qui œuvre avec l’entreprise C3Medical.

«Il faut procéder aux tests avant de commercialiser. Les techniques sont au point, le problème maintenant est d’avoir les autorisations… Cela va coûter cher dans un premier temps. Mais par expérience, ce qui est cher aujourd’hui ne le sera pas demain. L’intérêt, c’est de rendre abordable ces nouvelles technologies pour qu’elles soient à la portée des pays africains.»

Brahim Bakhis en est convaincu : les gouvernements africains ont tout intérêt à élaborer des plans nationaux de gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques. Il assure que si aujourd’hui les hôpitaux paient des sociétés extérieures pour récupérer leurs déchets médicaux, ce sont ces sociétés qui, demain, «iront leur acheter ces mêmes déchets pour récupérer le métal, le plastique et d’autres produits», pour les réinjecter dans le circuit économique.

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