L'Afrique subsaharienne progresse, mais pas assez, malgré son potentiel, analyse le FMI
"La croissance 2019 est estimée à 3,2% pour l'Afrique subsaharienne et elle devrait augmenter à 3,6% en 2020", estime le Fonds monétaire internationaI. Mais il reste "énormément de choses à faire. Notamment pour atteindre les objectifs de développement durable".
L'Afrique subsaharienne a beaucoup progressé en trente ans mais il reste "énormément de choses à faire" pour qu'elle émerge, estime Papa N'Diaye, du Fonds monétaire international. Lequel a présenté le 30 octobre 2019 à Abidjan ses perspectives économiques régionales pour le continent.
"Il y a eu pas mal d'avancées: le taux de pauvreté a baissé énormément en Afrique subsaharienne. On est parti de 60% dans les années 1990 (pour arriver) à 40% aujourd'hui. C'est (encore) très élevé mais c'est un progrès", affirme Papa N'Diaye, chef de division Afrique au FMI, qui a supervisé le rapport intitulé Faire face à l'incertitude. "Le taux de mortalité infantile a baissé. Les conditions de vie sont meilleures qu'il y a 20 ans", estime-t-il. Il cite aussi la modernisation du continent et la transformation de villes comme Dakar ou Abidjan.
Toutefois, il reste "énormément de choses à faire. Notamment pour atteindre les objectifs de développement durable".
"La croissance 2019 est estimée à 3,2% pour l'Afrique subsaharienne et elle devrait augmenter à 3,6% en 2020", selon le FMI. Mais il y a une "forte hétérogénéité entre les pays exportateurs de pétrole ou riches en ressources minières", qui patinent, et les pays dont les exportations sont plus diversifiées. Lesquels atteignent des taux de croissance d'à peu près 6% voire 7% ou 8%.
L'économiste nuance toutefois le constat: "En PIB par habitant, c'est beaucoup moins", du fait de l'importante croissance démographique (2 à 2,5% par an).
Il faut une croissance supérieure à l'augmentation de la population
12 pays d'Afrique subsaharienne devraient même avoir une croissance par habitant négative en 2019. Et les deux géants économiques du continent, le Nigeria et l'Afrique du Sud, devraient stagner.
Il faut pouvoir générer une croissance supérieure à l'augmentation de la population, estime le FMI. "C'est là l'un des principaux défis", note Papa N'Diaye. A l'horizon 2030, il faut créer 20 millions d'emplois chaque année pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, soit le double de ce qui a été fait sur la période 2017-2019.
"Je ne dirai pas c'est impossible, mais" cela nécessite "la collaboration de plusieurs acteurs. Pas uniquement le public. Mais aussi le secteur privé, l'international ainsi que les donneurs et les bailleurs de fonds", avance-t-il. Il faut qu'à "terme, les gouvernements s'attèlent à ce que la croissance soit plus inclusive", c'est-à-dire mieux partagée, souligne le responsable.
Autre souci pour le continent : le jihadisme dans la zone sahélienne qui outre les pertes en vie humaines, a fait "augmenter les dépenses militaires" de pays disposant déjà de peu de ressources. Cela représente "4% du PIB, 20% des recettes fiscales. L'argent est dévié" vers les dépenses sécuritaires au lieu de servir à des fins sociales, d'éducation ou de santé.
Là aussi, "c'est un problème qui va requérir la collaboration de plusieurs acteurs (...). Il faut une collaboration internationale", estime M. N'Diaye.
La corruption coûte cher
Pour l'économiste, le grand marché unique africain, la Zone de libre-échange continentale (Zlec), officiellement lancée en juillet 2019 à Niamey, va "créer des possibilités" et améliorer la concurrence. Même si la tâche à accomplir est immense pour réduire les barrières douanières et les barrières non-tarifaires (comme le mauvais état des routes) qui freinent les échanges.
Le rapport souligne d'ailleurs que la concurrence est moins importante en Afrique subsaharienne que dans le reste du monde. Cette situation entraînerait à la fois une plus faible compétitivité des entreprises et des prix plus élevés. "Le prix des produits de première nécessité ou du panier individuel du consommateur est plus élevé de 20% en Afrique que dans autres pays en développement", selon le document.
La corruption reste également un sujet de préoccupation. "La (mauvaise) gouvernance coûte cher. A la croissance, à l'Etat, à la crédibilité de l'Etat. Elle réduit la confiance des citoyens. Elle gangrène le climat des affaires", ajoute le représentant du FMI, selon qui des points de croissance pourraient être gagnés en réduisant la corruption.
Papa N'Diaye se veut cependant optimiste: "L'Afrique fait face à des défis de grande ampleur. C'est un continent qui a énormément de potentiel. Il est là, palpable, atteignable !". Toutefois, la condition pour réussir, selon le Fonds, c'est que les bonnes réformes soient menées.
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