Cacao: les producteurs africains veulent une filière plus équitable
Le Salon du chocolat se tient à Paris du 30 octobre au 3 novembre 2019 alors que la Côte d'Ivoire et le Ghana, principaux producteurs mondiaux de cacao, tentent d'imposer des prix de vente plus rémunérateurs.
Parrainé par Dominique Ouattara, l'épouse du président de Côte d'Ivoire, premier pays producteur de cacao du monde, le Salon du chocolat a contribué à consacrer une génération de maîtres-chocolatiers et pâtissiers stars. Aujourd'hui, les responsables de la manifestation entendent servir de trait d'union entre les consommateurs occidentaux et les petits planteurs, dont beaucoup vivent sous le seuil de pauvreté de 1,20 dollar par jour, selon les chiffres de la Banque Mondiale. Alors que la transformation de la matière première, opération très rentable, est rarement assurée dans les pays producteurs. A titre d'exemple, la Côte d'Ivoire, qui produit 2 millions de tonnes à l'année, en transforme moins de 25%. Aujourd'hui, ces Etats ne l'entendent plus de cette oreille.
"Cette année, nous avons voulu mettre l'accent sur l'importance des pays producteurs de cacao qui seront tous présents, de la Côte d'Ivoire à l'Indonésie en passant par le Ghana ou l'Amérique du sud", a indiqué à l'AFP Sylvie Douce, fondatrice et organisatrice de la manifestation chocolatière. "Le salon, c'est plutôt la réjouissance, mais le fait d'inviter Mme Ouattara est symbolique, cela veut dire que les pays producteurs veulent exister et nous voulons montrer leur importance", a affirmé la responsable.
Le salon s'est ouvert en 2019 dans un contexte exceptionnel de confrontation au sein de la filière cacao. Confrontation entre les deux premiers producteurs, la Côte d'Ivoire et le Ghana, qui représentent à eux deux plus de 60% de la production mondiale de cacao, et les négociants de cacao et industriels mondiaux du chocolat. Lesquels avaient tendance à garder la valeur ajoutée pour eux. Petite précision : "Sur les 100 milliards de dollars que représente le marché mondial du cacao, seuls 6 milliards reviennent aux agriculteurs", révèle Capital. "Un juste prix des fèves de cacao serait une grande aide pour appuyer les investissements du gouvernement dans les infrastructures rurales et pour améliorer les conditions de vie", explique le vice-président du Ghana, Mahamadu Bawumia, cité par Capital.
Résultat: en juin, Côte d'Ivoire et Ghana ont suspendu pendant plusieurs semaines la vente des récoltes 2020-2021. Le moyen d'imposer aux marchés et aux multinationales un prix minimum plus rémunérateur et moins lié à la volatilité des cours, qui ne soit pas en-deçà de 2600 dollars la tonne.
L'initiative africaine regardée avec intérêt par les producteurs latino-américains
Après des semaines de pression, de nombreux géants du secteur, dont les groupes suisse Barry Callebaut et Nestlé, ont accepté de payer un "différentiel de revenu décent" (DRD, nom donné à un mécanisme de soutien aux planteurs). Et ce à la suite d'annonces faites lors d'une réunion de la Fondation mondiale du cacao (forum qui réunit les multinationales) à Berlin les 23 et 24 octobre 2019. Le "différentiel de revenu décent" s'élève "à 400 dollars par tonne", auquel s'ajoute "un prix plancher de 2600 dollars la tonne", explique Jeune Afrique.
"Malgré cette hausse du prix plancher, les prix restent encore trop bas pour avoir un niveau de vie convenable en Côte d'Ivoire", relativise Fatah Sadaoui, de l'ONG SumOfUs, qui soutient les petits producteurs. En Amérique Latine, où le cacao est en général acheté un petit peu plus cher qu'en Afrique, l'initiative ouest-africaine est regardée avec beaucoup d'intérêt par les producteurs.
"Ce qui est en train de se passer est très intéressant, et constitue un moment important, car il s'agit d'une tentative de rééquilibrage du pouvoir dans la filière" cacao mondiale, analyse Abel Fernandez, producteur de cacao en République Dominicaine et dirigeant d'une coopérative en commerce équitable Fair Trade-Max Havelaar.
"En moyenne, en Afrique de l'ouest, les producteurs de cacao reçoivent seulement 60% du prix de base d'exportation car les Etats appliquent une imposition élevée, alors qu'en Amérique latine, ils reçoivent de 80% à 85% du prix d'exportation", déclare ce responsable à l'AFP. "Mais nous regardons quand même de très près ce qui est en train de se développer dans les semaines et mois à venir en Afrique de l'ouest, car cela peut nous amener à questionner les acheteurs pour obtenir nous aussi des prix plus élevés", a-t-il ajouté.
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