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A table ! Le chef est une femme: Nathalie Brigaud Ngoum
Nathalie Brigaud Ngoum a décidé toute petite qu'elle serait écrivain-cuisinière. Depuis, elle n'a eu de cesse d'y parvenir, et entre mets et mots, elle refuse de trancher. Son credo, étudier et faire à manger. Elle sera le 7 juillet 2018, au premier festival des cuisines africaines «We eat Africa» avec 15 autres chefs, présents pour faire découvrir la cuisine africaine traditionnelle et revisitée.
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Née au Cameroun, elle y a passé toute son enfance et son adolescence. Une famille très groupée autour d'une maman qui passe son temps à cuisiner, en plus de son travail. D'ailleurs, tous les membres de la famille Ngoum donnent sans arrêt à manger autour d'eux.
Le reproche le plus fréquent à l'égard de la cuisine africaine ce n'est pas relatif au goût, mais à la présentation. «Ma mère disait toujours "on mange aussi avec les yeux", elle a donc toujours fait très attention au dressage des assiettes.»
Table ouverte
Après l'école primaire, Nathalie devient interne dans un lycée qui met à rude épreuve ses délicates papilles. Il avait beau être situé dans un autre quartier de Douala, sa mère n'hésitait pas à affronter les embouteillages tous les jours pour lui apporter son déjeuner. Sa maman y était d'ailleurs «célèbre» vu qu'elle apportait de telles quantités, qu'elle nourrissait aussi d'autres personnes.
Son bac littéraire en poche, elle part à 400 kilomètres de là, à l'université de Yaoundé, faire des études de Lettres modernes. Distance pas suffisante pour dissuader sa mère, qui continue d'approvisionner Nathalie et son frère dans leur appartement estudiantin. «J'étais une des rares étudiantes à avoir un congélateur dans sa chambre à la fac! Maman savait qu'on aimait les bons petits plats. Elle nous en préparait, et nous apportait en plus des produits. Elle nous fumait du poisson, par exemple, et moi je cuisinais. Mon frère avait plein d'amis qui venaient manger chez moi tous les midis.» Ça a duré ainsi des années.
Des mots sur des mets
Pendant toute cette période, Nathalie cuisine pour tout le monde. Elle reproduit les recettes traditionnelles, mais se lance aussi dans de l'expérimentation, avec des cahiers où elle consigne ses essais et ses recettes. «J'ai toujours aimé mélanger des choses, j'appelle ça "faire des mariages de produits". Les gens venaient manger et disaient: "C'est bizarre, mais c'est très bon"» Elle invente, goûte et décrit ses plats.
Sa Licence obtenue, retour à Douala. Après avoir travaillé pendant quelques années, elle décide de reprendre ses études et c'est le départ pour la France. Elle y continue ses études de Lettres modernes. Elle obtient un DEA, se marie, a un enfant, enchaîne avec une formation en marketing, tout en travaillant. Et elle continue de cuisiner pendant tout ce temps.
Si les choses intellectuelles sont importantes tout comme les improvisations, une formation aux techniques et pratiques de base avec l'apprentissage de la discipline et de la rigueur est essentielle pour s'en émanciper. Elle se met enfin en disponibilité de son travail et la voilà partie pour un CAP de cuisine, qu'elle obtient dans la foulée «parce qu'avant de s'envoler dans sa créativité, il faut certaines bases et un diplôme ça fait toujours plus sérieux».
Cuisine et indépendance
Elle décide alors que c'est bien de faire ses expériences et de les noter, mais que c'est mieux de les partager avec le plus grand nombre. Elle crée donc sous le nom d'Envolées gourmandes un blog qui allie recettes, transmission de ses connaissances sur les produits africains et poésie. Elle développe aussi des «ateliers d'écriture et de cuisine» à destination des entreprises et des particuliers. Dans un très proche avenir, elle compte publier un livre à l'image de son blog, plein de recettes, de textes, de vie et de
poésie. Quelques activités de traiteur viennent soutenir le tout. Une débutante pleine de projets, d'envies et d'énergie.
We eat Africa va permettre de découvrir l'Afrique et grâce à elle le Cameroun. «Le panafricanisme, okay – j'aime les autres pays –, mais j'estime qu'on vient d'abord de quelque part. Et que ce n'est pas mauvais non plus d'en parler. Quand un Français dit qu'il fait de la cuisine de telle ou telle région, on parle de cuisine du terroir. Mais à l'inverse, c'est comme si un Africain était obligé de dire "je fais de la cuisine africaine", alors que ça n'existe pas. Comme il n'y a pas de cuisine européenne! Donc on vient de quelque part, avec des techniques de quelque part, et on va ainsi montrer l'Afrique dans sa diversité!»
Festival «We eat Africa»,
45 bis, avenue Edouard Vaillant,
92100 Boulogne-Billancourt
Le 7 juillet 2018 de 9h à 18h
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