Djibouti : une indépendance obtenue en 1977, un an après la prise d'otages racontée par le film "L'intervention"
Le 3 février 1976, un car militaire transportant des enfants, dont les parents sont basés dans le territoire français de Djibouti, est pris en otage par des indépendantistes djiboutiens. Cette prise d'otages, racontée par le film "L'intervention", c'est aussi l'histoire tragique d'une décolonisation qui n'en finit pas.
Au moment où éclate l'affaire de la prise d'otages de Loyada, le territoire de Djibouti (Territoire des Afars et des Issas) est en proie à de nombreuses tensions. A Paris, le gouvernement du président Valéry Giscard d'Estaing a décidé l'indépendance du territoire (qui "avait vocation à devenir un Etat", selon ses mots en 1975), mais rien n'est encore officiellement fait. Les preneurs d'otages remettent en cause le processus mené par les autorités françaises pour aboutir à l'indépendance et demandent que celle-ci soit immédiate.
Ces événements tragiques – qui se soldent par la mort de deux enfants, des preneurs d'otages et sans doute de soldats somaliens – font suite à de nombreux incidents qui éclairent les tensions régnant dans ce petit territoire français de la Corne de l'Afrique. Un an auparavant, l'ambassadeur de France en Somalie (mars 1975) avait été enlevé par des membres du Front de libération de la Côte française des Somalis pour être échangé contre des détenus djiboutiens, ce qui fut fait.
En mai de la même année, des affrontements violents éclatent à Djibouti, faisant des dizaines de victimes. En ce milieu des années 1970, ce petit territoire (25 000 km²), qui porte à ce moment-là le nom de Territoire français des Afars et des Issas, connaît une fin de présence française difficile.
Un territoire occupé sous Napoléon III
Cette présence remonte au siècle précédent. A l'époque, les secrets de la mer Rouge attirent les Occidentaux. Il faut dire qu'en ce mileu du XIXe siècle, les puissances européennes voient le monde comme une terre de conquête. La France de Napoléon III voit plus loin que le canal de Suez, en plein percement. Les Français entendent contrôler cette future nouvelle voie maritime. Les côtes de la mer Rouge prennent ainsi une importance stratégique.
Alors que les Britanniques sont installés à Aden (Yémen) depuis 1839, des Français font affaire avec des chefs installés au sud de la mer Rouge et achètent "les ports, rade et mouillage d’Obock situés près du Cap Ras Bir avec la plaine qui s’étend depuis Ras Aly au sud jusqu’à Ras Doumeirah au nord" en 1862. C'est le début de la présence française sur cette côte de Djibouti. Finalement, Obock est délaissée au profit d'un nouveau lieu, Djibouti, où la IIIe République crée un port en 1888.
Côte française des Somalis
En 1896, le territoire devient officiellement une colonie française sous le nom de Côte française des Somalis. Celle-ci bénéficie d'une situation privilégiée et devient le débouché naturel de l'Ethiopie, seul pays africain à rester indépendant. Un accord est signé avec l'empereur de cet Etat. Un accord qui fait de Djibouti le port de l'Ethiopie et le point de départ de la ligne de chemin de fer, construite entre 1897 et 1917, entre la mer et Addis-Abeba.
Après la période difficile de la Seconde guerre mondiale, la population de Djibouti croît rapidement, passant officiellement d'environ 17 000 habitants en 1947, à 40 000 au début des années 1960, 62 000 en 1967, 118 000 en 1972 pour dépasser 150 000 habitants au début des années 1980. Une croissance qui ne va pas sans provoquer des tensions entre les différentes populations du territoire et des pays voisins, attirés par l'activitité du port et de la base française.
Le Territoire français des Afars et des Issas
Dans une Afrique qui se décolonise massivement au début des années 1960, Djibouti fait exception. En 1958, un vote maintient le caractère français du territoire alors que la Somalie voisine devient indépendante en 1960. En 1966, le passage du président de la République, Charles de Gaulle, donne lieu à des émeutes vivement réprimées. Le territoire est en proie à des aspirations indépendantistes d'une partie de sa population tandis qu'une autre souhaite rester française. Dans ce contexte aggravé par les revendications de la Somalie voisine, la France sait jouer sur les différences ethniques pour maintenir sa présence.
En 1967, un référendum confirme la présence française et la colonie prend le nom de "Territoire français des Afars et des Issas". Au fil des années, la situation devient intenable pour la France. L'assemblée générale de l'ONU réitère ses demandes d'"indépendance immédiate et inconditionnelle".
Les tensions, symbolisées par le drame de Loyada, deviennent trop fortes. "Il n'est guère étonnant – en un temps où les prises d'otages sont devenues l'arme de choix des minorités violentes – que Djibouti soit le théâtre de ce drame. Par malchance, certes, mais aussi par maladresse, la France voit la décolonisation de la moins attrayante de ses colonies se dérouler de la pire façon. Attentats et ratissages engendrent leur habituelle moisson de haines et de rancœurs", écrit, sévère, Le Monde au lendemain de la prise d'otages.
Finalement, un nouveau référendum, annoncé par Paris à la mi-1976, permet au territoire de devenir indépendant en juin 1977 sous le nom de "République de Djibouti". Ce que confirme Valéry Giscard d'Estaing le 26 juin en annonçant "dans quelques heures, à minuit, à la place de l'ancienne Côte francaise des Somalis, devenue le Territoire francais des Afars et des Issas, va naître un Etat independant et souverain : la République de Djibouti".
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