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Yasmin Warsame, des podiums au grand écran

La top modèle canadienne d'origine somalienne fait une première apparition remarquée au cinéma dans le film du cinéaste Khadar Ayderus Ahmed.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Yasmin Warsame (Nasra) et Omar Abdi (Guled) dans une scène du film "La Femme du fossoyeur" ("The Gravedigger’s Wife"), de Khadar Ayderus Ahmed. 
 (LA FEMME DU FOSSOYEUR)

En dépit des vicissitudes de son personnage, elle est la lumineuse présence du premier long métrage de Khadar Ayderus Ahmed, le réalisateur finlandais d’origine somalienne. La mannequin Yasmin Warsame, révélée sur les podiums parisiens et qui a été le visage du parfum Allure de Chanel, crève l’écran dans son premier rôle au cinéma. Elle est Nasra, la bien aimée de Guled, alias Omar Abdi, dans La Femme du fossoyeur (The Gravedigger’s Wife), un long métrage coproduit par la France et présenté en compétition à la Semaine de la critique, section parallèle du Festival de Cannes qui s’est tenue du 7 et 15 juillet. Son personnage est celui d’une femme, dont le quotidien rime avec souffrance à cause d’une maladie rénale qui mobilise sa famille. Laquelle vit dans la précarité dans les bidonvilles de Djibouti. 

Franceinfo Afrique : Parlez-moi de cette première incursion au cinéma...

Yasmin Warsame : Je dois encore me pincer pour réaliser que je suis une actrice. C’est incroyable ! Tout cela me ravit. Début 2019, Khadar (Ahmed) m’a contactée et j’ai lu le scénario. Je suis littéralement tombée amoureuse du personnage de Nasra. Je la connaissais, elle m’était familière. C’est une femme somali (communauté que l'on retrouve en Somalie, à Djibouti et en Ethiopie, NDLR), je suis une femme somali. Je connais des mères, des voisins et des gens qui ont des histoires similaires et qui possèdent cette force intérieure. Une force que l’on retrouve souvent chez les Africaines. Quel que soit le problème auquel elles sont confrontées, elles ont toujours cette force intérieure qui leur permet d’avancer. Nous l'avons toutes. Je voulais mettre cela en lumière et voir si je pouvais aller la chercher puisque c'était quelque chose qui m’était accessible, compte tenu de mon parcours. Cela m’a aidée mais j’ai aussi eu beaucoup de doutes. Entre autres, parce que je viens du monde du mannequinat. On y dit que les mannequins font de très horribles actrices. J’espère que ce n’est pas vrai (rires) ! Dans le mannequinat, il s’agit de paraître belle par-dessus tout et de cacher la personne vulnérable qui est en vous. Jouer la comédie, c’est tout le contraire et je l’ai appris très vite. La comédie, c’est la vulnérabilité totale et personne ne se préoccupe de votre apparence. Je ne m’en préoccupais pas non plus parce qu’il s’agissait surtout d'explorer les sentiments de Nasra. 

Khadar Ayderus Ahmed vous a-t-il révélé pourquoi il vous avait choisie pour interpréter Nasra 

C’est étrange ! Il m’a tout simplement dit que j’étais faite pour ce rôle et que je pouvais le faire. Je lui ai demandé pourquoi il en était tellement persuadé. Je n’avais pas confiance en moi mais lui savait que j’y arriverais. Il m’a répondu : "J’ai vu tes photos, il y a quelque chose en toi". Il avait dû certainement voir un de ces posters, qui ont la taille d’un building, qui s'étalaient il y a quelques années en Europe. Khadar a dû garder cette image en tête et il a tout simplement cru, encore une fois, que je pouvais incarner ce personnage.

Nasra n'est pas facile à interpréter notamment parce qu'elle est malade. C'est un personnage complexe pour un premier rôle au cinéma. Comment l'avez-vous abordé ? 

Je devais avant tout séparer la souffrance physique et l'état mental de Nasra. Son esprit n’est pas malade, seul son corps souffre. J’ai eu deux enfants sans prendre aucun médicament alors je sais ce que c’est que de souffrir dans son corps. Je devais piocher dans mon expérience personnelle et dans la sensation qu’elle m’avait laissée. Je tremblais quand je tournais cette fameuse scène (où Nasra est en crise). C’était un moment d’une grande émotion et j'ai été moi-même surprise d’ailleurs d’être allée aussi loin. Après, j’ai évacué de mon esprit tout ce que j'avais ressenti. Je suis très spirituelle et je pense qu’il ne faut pas inviter ce type de sentiment dans sa vie. 

Comme vous le disiez, votre personnage est physiquement faible mais demeure le pilier de sa famille...

Tous les hommes qui partagent la vie de Nasra sont préoccupés par son bien-être et par le fait de lui fournir ce dont elle a besoin. Nasra est le point d'ancrage de tous ceux qui gravitent autour d’elle. Son personnage est à l'image de tous les protagonistes féminins du film qui sont des personnes fortes, la glu qui fait tenir ensemble ce petit monde. 

Au final, pensez-vous que ce rôle vous attendait ?

Oui, c'est comme si la boucle se bouclait pour moi. Je m’étais toujours dit que je ferais autre chose que le mannequinat parce que ce n’est pas une profession que l’on respecte notamment dans ma culture. Mes parents ont toujours été contre même si j’ai une longue carrière. J’ai toujours pensé que je devais faire quelque chose d’autre pour que ma famille soit fière de moi. J'étais dans cet état d'esprit quand l'opportunité de faire ce film s'est présentée. Je voulais faire quelque chose pour ma culture et être impliquée dans un projet, qui est d'une certaine façon historique.

De gauche à droite, les comédiens Omar Abdi, Yasmin Warsame et le réalisateur Khadar Ayderus Ahmed le 8 juillet 2021, au lendemain de la projection du film "La Femme du fossoyeur" à la Semaine de la critique pendant le Festival de Cannes.  (FG/FRANCEINFO)

Nous vous reverrons donc bientôt sur grand écran ?

J’espère ! Incha'Allah ("Si Dieu le veut" en arabe). J'aimerais continuer à jouer la comédie. J'ai vécu l'un de ces "Aha moments" (moments décisifs dans une vie) pendant le tournage. Il était 4h du matin et nous étions dans le bidonville qui nous a servi de décor. Tout le monde était épuisé. Le générateur faisait des siennes. Ce n’était pas l’environnement le plus facile pour tourner. Les moustiques me piquaient. Mais j'ai me suis dit que je ne me sentais pas fatiguée, que j'étais pleine d’énergie et que j'adorais être là. Il n’y avait pas d'autre endroit au monde où j'aurais aimé être à ce moment précis. 

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