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"Les plis de l’âme" : onze œuvres monumentales et inédites d'Abdoulaye Konaté à la Galerie 38 de Casablanca

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1 min

Les dernières œuvres de l'artiste malien Abdoulaye Konaté ont été réalisées durant le confinement, spécialement pour l'exposition "Les plis de l'âme".

Jusqu’au 29 juillet 2021, la Galerie 38 à Casablanca, au Maroc, présente les nouvelles créations de l'une des grandes figures des arts plastiques dans le cadre de l'exposition Les plis de l'âme. Depuis plus de 40 ans, Abdoulaye Konaté teint, découpe, coud des morceaux de tissus pour créer des paysages-patchworks, des tapisseries-tentures, des sculptures-textiles. Son art n'est aucunement décoratif. Il aborde à travers ses œuvres tous les maux qui agitent aujourd'hui l'Afrique, mais aussi le reste du monde : racisme, corruption politique, conflits ethnico-religieux, changement climatique…

"Je ne veux pas qu’on regarde d’abord le tissu, je l’utilise comme une palette, parfois pour traiter de thèmes très violents. Je souhaite qu’on voie d’abord la couleur et le thème. (…) Je ne dirais pas que je suis un artiste engagé, mais je m’intéresse aux problèmes sociaux. Je vois la souffrance humaine. Généralement, les gens la traitent sous un angle politique, moi je la présente toujours sous un angle social", déclare l'artiste malien.

Abdoulaye Konaté, né en 1953 à Diré au Mali, se forme à l’Institut national des Beaux-Arts de Bamako, puis à l’Institut supérieur des Arts de La Havane, à Cuba. En 1996, il est lauréat du Grand Prix de la Biennale de l’Art Africain Contemporain de Dakar. Son approche contemporaine métissée, associe modernisme occidental et symbolique traditionnelle africaine. Mondialement reconnu, il a été exposé sur tous les continents dans de nombreuses foires, biennales et expositions, dont la célèbre exposition itinérante Africa Remix (2004-2007).    (ABDOULAYE KONATE)
Si Abdoulaye Konaté puise son inspiration dans l’actualité internationale, il la trouve aussi du côté de la spiritualité, de la nature ou des traditions africaines. Au sujet des nombreux symboles utilisés dans son travail, il précise : "Je m’intéresse plus au côté esthétique du symbole qu’au sens qu’il véhicule. On a des symboles sur le vent, des formes de losanges, de triangles... qui sont inspirés de formes traditionnelles qu’on trouve dans le textile marocain et celui des Peuls chez nous. Je les combine avec d’autres formes et je crée moi-même mon propre symbole qui, pour moi, a une vision esthétique."        (ABDOULAYE KONATE)
L’artiste a longtemps travaillé l’acrylique, la gravure et la sérigraphie, mais a intégré dès les années 1990 le textile dans ses réalisations. Les innombrables lames de tissus, découpées et cousues, sont utilisées comme autant de coups de pinceaux pour former des Å“uvres aux dimensions imposantes de 2 à 4 mètres de côté. Il utilise aujourd’hui principalement le bazin, un tissu brillant teinté artisanalement. Au Mali,ce tissu au prix élevé est souvent porté par les femmes lors des grandes occasions.    (ABDOULAYE KONATE)
"Pour cette exposition, je me suis basé essentiellement sur la couleur et beaucoup sur le fond patrimonial de grandes zones : marocaine et malienne (Touaregs et Peuls). C’est un travail qui, pour moi, est axé sur la sensibilité, dans le sens : qu’est ce qui peut attirer, impressionner ou être considéré comme Amour ? Une sorte de sensibilité esthétique que nous avons tous en nous pour sentir les choses. Le titre de cette exposition fait également référence à la bande qu’on retrouve dans mes Å“uvres, et au rythme qu'elle a, en sens vertical et horizontal. Sachant que toutes ces bandes sont pliées deux fois et cousues trois ou quatre fois", explique l’artiste à "L’Observateur du Maroc & d’Afrique".   (ABDOULAYE KONATE)
  Les vêtements, les textiles anciens, la façon dont s’habillent les populations sont autant de références patrimoniales pour l’artiste. Avec "Motif Arkilla Kerka", Abdoulaye Konate s’inspire des tentures de mariages peuls.    (ABDOULAYE KONATE)
"Un modéliste n’est pas un couturier. Mais lorsqu’il joint les deux, il appelle à la réflexion, invite au toucher, pas forcément physique. (…) Le tissu l’enveloppe intellectuellement, le hante spirituellement, le fait internationalement acteur incontournable du signe et de l’enfoui. Pour lui, le tissu est une toile blanche qu’il teinte de thèmes et de couleurs. Dans ses multiples réalisations, il y a du bonheur et de la douleur, de l’importance des deux", précise "L’Opinion".   (ABDOULAYE KONATE)
Dans les Å“uvres de Konaté, une palette de couleurs se décline pour former un spectre chromatique complet. Comme dans une variation musicale, tonalité et harmonie des couleurs – gris, bleu, vert, rouge, mauve, violet, orange, jaune mais aussi noir et blanc – s’entrelacent en une mélodie picturale parfaite. Couleur chaudes et froides, claires et foncées se fondent en de subtils camaïeux.   (ABDOULAYE KONATE)
"Abdoulaye Konaté produit des couleurs-mouvements qui vibrent autant à la verticale qu’à l’horizontale. La répétition alternée des coloris des lames de tissus, l’oscillation des timbres et des nuances, impulsent un rythme qui monte en douceur. Le résultat est somptueux sans clinquant, brillant sans vernis, bref une ‘toile’ apaisée et apaisante, sans concession au primitivisme", commente Yacouba Konaté, professeur de philosophie et critique d'art.    (ABDOULAYE KONATE)
Si le bleu peut faire référence aux vêtements des Touaregs, il est aussi celui de la mer et du ciel. Abdoulaye Konaté analyse ces différentes teintes, mélange les nuances pour créer ainsi sa propre gamme.    (ABDOULAYE KONATE)
Ses Å“uvres intitulées "Zaïane" sont un hommage à une tribu berbère du Moyen Atlas qui résista à la conquête française et dont le nom signifie "fils de l’ombre".      (ABDOULAYE KONATE)
"Dans ce monde toxique, fait de bruit et de fureur qu’est celui de l’art contemporain, l’artiste malien a toujours veillé à ne pas trop élever la voix. (…) Abdoulaye Konaté que je connais depuis quelques décennies me fait parfois penser à Benvenuto Cellini (sans l’arrogance affichée du maître de la Renaissance) qui, lorsqu’on lui demandait son métier, répondait : ’Je suis un artisan.’ (…) L’artisan, par sa posture, nous rappelle cette humilité lumineuse, ce talent qui ne s’auto-proclame pas, mais apparaît dans toute sa nature à travers l’œuvre", déclare Simon Njami, écrivain et spécialiste de culture contemporaine africaine.    (ABDOULAYE KONATE)

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