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Le Musée de la Toile de Jouy présente l’exposition "Fibres africaines"

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1 min

Dédiée aux textiles africains, cette rétrospective met en lumière des pièces d’exception reflétant l’histoire du continent.

Présentée au Musée de la Toile de Jouy jusqu’au 5 septembre, "Fibres africaines" réunit deux collections privées exceptionnelles : celle d’Anne Grosfilley, anthropologue et auteure de plusieurs ouvrages de références sur l’histoire des étoffes, et celle de l’Espace Culturel Gacha, partenaire de la Fondation Jean-Félicien Gacha au Cameroun, sélectionné par l’historien de l’art, Danilo Lovisi.

"Fibres africaines" raconte la production des étoffes marquée par des savoir-faire précis, des matières originales et des motifs élaborés. Elle permet de découvrir des œuvres d’un point de vue historique, économique et technique et questionne les enjeux de cette filière pour perpétuer un artisanat faisant l’objet de savoir-faire transmis de génération en génération.

Si depuis plus d’un millénaire, les textiles africains ont principalement servis à créer des vêtements, ils peuvent aussi être regardés comme de véritables œuvres d’art. Tissus en raphia, écorces d’arbres, cotons colorés de teintures naturelles et décorées de motifs variés à vocation symbolique, porteurs de signes et de sens, toutes ces étoffes relient ceux qui les portent à la nature, à une histoire et à des techniques ancestrales.     (COLLECTION ANNE GROSFILLEY)
D'est en ouest, du nord au sud, les savoir-faire, du tissage à la teinture, de la broderie au perlage, chaque peuple a su créer son propre style, reflétant la pluralité culturelle du continent. Indigo ou arc-en-ciel, nouage ou motif à la réserve accentuent l’appartenance à un territoire, à une classe d’âge ou à un statut social. Le vêtement est créé en fonction du prestige de la personne qui le porte et non pas de sa morphologie.    (COLLECTION ANNE GROSFILLEY)
Broderies, impressions, perlages, tampons, teintures, tissages… La richesse et la diversité des techniques artisanales transmises au fil des générations ont permis de créer des liens entre les différentes populations, mais aussi avec les autres continents.      (COLLECTION ANNE GROSFILLEY)
Au XXe siècle, les techniques se sont modernisées. "Même s'il ne remplace pas les tissages artisanaux, le basin devient, par exemple, l'étoffe de prédilection de la teinture. L'usage de colorants de synthèse élargit les possibilités et multiplie la superposition des couleurs, ce qui séduit particulièrement la clientèle des pays africains islamisés. L'introduction des machines à coudre change les étoffes et fait éclore de nouvelles tenues" explique Le Point.        (COLLECTION ANNE GROSFILLEY)
Pourtant ces savoir-faire artisanaux sont en péril. "Aujourd’hui, les chinois copient les techniques, les perles ne sont plus en verre, mais en plastique. Elles ne sont plus perlées selon la technique de perlage bamiliké, mais collées directement sur le tissu ou des objets vendus aux touristes" déclare Danilo Lovisi, historien d’art et responsable de la programmation de l'Espace Culturel Gacha à Paris.        (COLLECTION FONDATION JEAN-FELICIEN GACHA)
D’autre part, la désindustrialisation de la filière empêche désormais les artisans de produire sur place car aujourd'hui, pour s'approvisionner, ces derniers sont dépendants de l'Asie, qui fournit massivement l'Afrique en fil, toiles, basins, voiles et en perles. "Après les indépendances, les pays africains se sont dotés de filatures de coton, pour transformer la matière première. Mais suite à la dévaluation du franc CFA en 1994, l'export de coton brut est devenu deux fois moins rentable. Du jour au lendemain, les usines ont été délaissées. Dix ans plus tard, lorsque l'OMC met fin aux quotas d'importation, le faux wax et des tissus peu chers et de mauvaise qualité ont envahi le continent. Pour les artisans, cela a été dramatique. Même si les dessins font africains, ils ne le sont pas puisqu'ils sont produits en masse dans des usines à l'autre bout du monde."    (COLLECTION ANNE GROSFILLEY)
Sur le blog L'art contemporain d'Afriques et des diasporas, Anne Grosfilley met en garde contre une consommation non-africaine. En effet "si certains tissus panafricains (made in China) sont très à la mode car médiatisés et portés par les plus grandes stars de Maître Gims à Rihanna comme étant des signes d’appartenance et de reconnaissance forts à une communauté afro, ils ne participent aucunement aux économies africaines".    (COLLECTION FONDATION JEAN-FELICIEN GACHA)
Pour sauver ce savoir-faire avant qu'il ne disparaisse et soutenir les artisans, une réforme de l'industrie est indispensable. Aujourd’hui, les jeunes créateurs de mode s’emparent des matières et des techniques artisanales pour les sublimer. "Je constate depuis des années un retour au local plutôt qu’à une mode occidentale, même chez les jeunes !" déclare Anne Grosfilley. Car si le fait de s’habiller en local a pu être boudé pendant une période, la tendance s’est inversée lorsque des stylistes africains, comme le créateur burkinabé Pathé’O, ont vu leur succès s’internationaliser.         (COLLECTION ANNE GROSFILLEY)

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