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La revue "The Eyes" interroge par la photographie la notion d'"afropéanité"

Article rédigé par franceinfo Afrique
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Entre revue indépendante engagée – sans publicité – et livre d’art bilingue français/anglais, "The Eyes" explore dans son dernier numéro intitulé "B-SIDE" ce que signifie d’être "afropéen", à la fois noir et européen.

Fondée en 2013, The Eyes décrit les enjeux culturels et sociétaux à travers le prisme de la photographie. Le numéro 12 sorti en novembre 2021 interroge la possibilité d’une "fusion" de l’Afrique et de l’Europe, et plus particulièrement de cet "entre-deux" caractéristique des identités diasporiques à travers une approche décalée – notamment inspirée par le domaine musical.

"Inventée au début des années 1990 par le groupe Zap Mama, l’afropéanité trouve ses racines dans le domaine musical, et c’est donc assez naturellement que nous y puisons l’inspiration pour ce numéro", déclare dans son introduction Taous Dahmani, historienne de la photographie et rédactrice dans The Eyes.

Intitulé B-SIDE, ce numéro donne carte blanche à Johny Pitts, photographe et auteur britannique qui dirige la revue en ligne Afropean.com et a écrit Afropean : Notes from Black Europe (éditions Penguin Random House, 2020). "Pour moi qui était une personne à la peau brune grandissant en Europe, le néologisme afropéen, apparu dans les années 1990, semblait célébrer de multiples allégeances culturelles, mais suggérait également une façon de me penser et de penser ma communauté́ qui était entière et sans division."

Au long de ses 240 pages, The Eyes présente une sélection de livres fondateurs et de revues pionnières, les textes de nombreux collaborateurs sur l’afropéanité, un entretien avec le légendaire producteur de dub Mad Professor qui a popularisé les faces B dans la musique britannique, des playlists… et plusieurs portfolios d’artistes internationaux, dont franceinfo Afrique présente dix extraits.

"Au départ, je voulais qu’’afropéen’– terme inventé par les musiciens David Byrne (Talking Heads) et Marie Daulne (Zap Mama) en 1991 – suggère quelque chose de totalement inspirant. (…) Les musiques produites aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne étaient souvent simplement qualifiées de ‘musiques’, alors que la musique créée hors des Etats-Unis ou d’Europe était qualifiée de ‘musique du monde’ ; le terme est donc coupable de se focaliser sur les puissances hégémoniques – ‘l’Ouest et le reste’ –, ce qui explique le cynisme de certain·e·s à ce sujet. Il me semble, cependant, qu’il y avait là une réelle tentative de se retrouver autour d’expériences partagées et de points communs entre les cultures, ce qui, finalement, est mon objectif avec ‘afropéen’ : reconstituer cette scène ’mondiale’ d’une manière ou d’une autre, en utilisant l’Afropéen·ne comme réussite du multiculturalisme", déclare Johny Pitts.   (JOHNY PITTS)
  Jazz Grant est née en 1992 à Londres et a grandi à Brighton. Ses grands-parents paternels étaient arrivés de Jamaïque en 1957 et 1959, dix ans après l’Empire Windrush, auquel on doit l’expression "génération Windrush", désignant les immigrants des Caraïbes qui s’installèrent en Grande-Bretagne à cette époque. Grâce à ses études au London College of Fashion, elle découvre la pratique du collage. Fascinée par la création de nouveaux mondes qu’autorise cette pratique, elle privilégie cette technique pour présenter ses idées et ses concepts.    (JAZZ GRANT)
Mohamed Bourouissa est né en 1978 à Blida, en Algérie. Ses premières œuvres illustrent les tensions et les enjeux auxquels sont quotidiennement confrontés les jeunes dans les banlieues françaises. Inspiré par la peinture classique, Mohamed Bourouissa construit ses photographies comme des tableaux. Après une longue phase d’immersion, il fait poser les sujets dans des mises en scène étudiées. Des images saisissantes naissent de cette combinaison entre les contenus de style documentaire et les compositions formelles.      (MOHAMED BOUROUISSA)
Né en 1929 au Ghana, James Barnor débute une carrière de portraitiste à Accra au début des années 1950. Il ouvre un studio baptisé "Ever Young" et travaille en parallèle comme photojournaliste pour la presse locale et internationale. Installé à Londres durant les années 1960, il photographie alors le "Swinging London" et le quotidien de la diaspora africaine.  En 1969, de retour au Ghana, il fonde le premier laboratoire couleur du pays et le studio X23 à Accra. Il travaille comme photographe indépendant ou au service d’agences d’Etat. Sur chacun des deux continents, ses portraits témoignent d’une société en transition : le Ghana marchant vers l’indépendance, Londres devenant une métropole multiculturelle. En Europe, son regard se tourne sur les couples, ces duos amoureux qui incarnent des parcours personnels et des récits familiaux tissés de récits de l’immigration post-coloniale.     J


 (AMES BARNOR, COURTESY GALERIE CLEMENTINE DE LA FERONNIERE)
Eddie Otchere, né en 1974, est un photographe et commissaire d’exposition noir britannique dont les projets utilisent l’image et le son pour raconter l’expérience noire britannique. Il a réalisé les portraits des plus grands rappeurs et DJ des années 1990 dont Jay Z, Aaliyah et le Wu-Tang Clan. Ses photos ont contribué à façonner l’histoire visuelle du hip-hop. Il déclare à propos de son travail : "J’ai pris des photos pour immortaliser notre culture, l’esprit de la danse et les producteurs extraordinaires qui ont créé des morceaux qui claquent."    (EDDIE OTCHERE)
Cédrine Scheidig, née en 1994, est une photographe française et caribéenne dont le travail s’appuie sur les notions d’insularité, d’imaginaires diasporiques et d’hybridation culturelle et est inspiré par le poète et philosophe Edouard Glissant,      (CÉDRINE SCHEIDIG)
Tabita Rezaire d’ascendance danoise et guyanaise est née en 1989. Son travail de plasticienne et de vidéaste se situe dans le prolongement de ses réflexions sur l’histoire coloniale et ses ramifications contemporaines, et porte un regard critique sur les systèmes mondiaux d’information et de communication. Ses images et ses vidéos reprennent et détournent les codes esthétiques des plateformes en ligne, en abordant souvent la discrimination et les stéréotypes qu’elles propagent. Dans la série "Sorry For Real", elle imagine de manière ironique l’Occident appelant au téléphone pour demander pardon aux pays colonisés.    (TABITA REZAIRE, COURTESY OF GOODMAN GALLERY)
Délio Jasse est né en 1980 en Angola. Au début des années 2000, il apprend la sérigraphie à Lisbonne. Sa pratique artistique repose sur l’utilisation de documents d’archives et d’images trouvées portant des indices de vies antérieures. Travaillant sur la matérialité de la photographie, il développe ses propres techniques d’impression et utilise souvent des procédés photographiques historiques, tels que le cyanotype, le tirage au platine-palladium ou encore le Van Dyke. Ces procédés lui permettent de subvertir la reproductibilité du support photographique en obtenant chaque fois de subtiles variations.    (DELIO JASSE)
Marvin Bonheur est né en 1991 à Paris. Il a grandi dans différentes villes de Seine-Saint-Denis, où sa famille venue de Martinique s’est établie dans les années 1960. Il se tourne de manière instinctive vers la photographie, utilisant son appareil "comme une feuille de papier, pour écrire". En 2014, il immortalise les lieux de son enfance pour témoigner de la vie ordinaire dans les "quartiers" et donner une vision différente de celles diffusées par les médias. Séjournant plusieurs fois à Londres, il réalise des séries sur les quartiers populaires de Stratford, Brixton, Camberwell et Kannington.    (MARVIN BONHEUR)
Les grands-parents d’origine angolaise de Sofia Yala Rodrigues, née à Lisbonne en 1994, sont arrivés au Portugal au début des années 1950 et 1960. Ses œuvres exploitant des documents d’archives combinés à des "rencontres inattendues dans la vie" proposent un récit qui fait intervenir différents temps, textures et couches. Le collage lui donne la possibilité de représenter, selon ses propres termes, "la dimension hybride et morcelée de son identité". Son travail est centré sur la mémoire collective et la décolonisation des récits et de l’histoire.        (SOFIA YALA RODRIGUES)

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