Cinéma: évocations africaines sur les écrans français
«BlacKkKlansman», de Spike Lee
BlacKkKlansman, sorti le 22 août 2018, est le meilleur démarrage en France du réalisateur américain Spike Lee. Et pour cause, le cinéaste a produit, comme souvent, une oeuvre magistrale d'une rare acuité politique. Le film raconte l’histoire vraie de Ron Stallworth, incarné par John David Washington (le fils de Denzel Washington), premier Noir recruté par la police de Colorado Springs. Au début des années 70, armé de son impeccable afro et de son téléphone, il réussit à infiltrer l’organisation suprémaciste blanche grâce à son collègue et «doublure blanche», Flip Zimmerman (Adam Driver).
Autre tour de force: Ron Stallworth parvient à s'attirer la sympathie du «Grand Wizard» du Klan, David Duke, et à prendre la tête du chapitre local du KKK. Les slogans «White power» et «America first» (slogan actuel de Donald Trump) pour le KKK, et «Black Power» mobilisent de part et d'autre. Car l'officier Stallworth va également se rapprocher des militants de la cause noire qui s'organisent. Il va notamment devenir proche d'une militante incarnée par Laura Harrier. L'un des meetings auquel le policier participe est une célébration des origines africaines des Afro-Américains. Spike Lee s'en fait largement l'écho en balayant, avec sa caméra, les visages dans le public tout en mettant en relief la variété de leurs coupes afro.
Le génie de la mise en scène du cinéaste américain réside dans sa faculté à s'appuyer sur le ridicule de la situation - un Noir qui s'approprie le discours raciste des suprémacistes pour mieux les battre à leur propre jeu - pour traiter de cette question raciale qui n'a pas fini de tourmenter l'Amérique. Cette dernière est ravivée depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump dans un pays où les droits civiques des Noirs sont toujours autant bafoués.
Spike Lee s'interdit d'ailleurs de prononcer le nom du dirigeant américain, une façon d'exprimer tout le mépris que lui inspire l'actuel hôte de la Maison Blanche. BlacKkKlansman est un film nécessaire, le dernier coup de gueule en date de Spike Lee qui a insisté notamment à Cannes, d'où le long métrage est reparti avec le Grand Prix de l'édition 2018, sur l'urgence de se mobiliser partout dans le monde contre la faillite morale des responsables politiques. En premier lieu, celle de Donald Trump face au racisme. «Nous devons nous réveiller ! Nous ne pouvons pas rester silencieux ! », a-t-il plaidé sur la Croisette en mai 2018.
«The Last of Us», de Ala Eddine Slim
N, un jeune Subsaharien incarné par Jawhar Soudani, à l'instar de nombre de ses compatriotes, a entamé le périlleux voyage qui devrait le conduire en Europe. L'aventure commence dans le désert, se poursuit à Tunis, capitale de la Tunisie, où il perd son compagnon de voyage, avant de continuer sur une embarcation de fortune qui permettra à N d'arriver en Europe. Alors qu'il semble avoir atteint sa destination finale, le jeune homme est happé par la forêt qu'il traverse. Son périple migratoire prend une autre dimension quand il rencontre M (Fathi Akkari), qui a depuis longtemps appris à maîtriser cet écosystème hostile qu'est la forêt.
«Burning», de Lee Chang-dong
Le drame que raconte Burning (Buh-Ning), du cinéaste sud-coréen Lee Chang-dong, prend corps à la suite d'une escapade africaine. Le film, qui sort en salles le 29 août 2018, est l'adaptation d'une nouvelle de l'écrivain japonais Haruki Murakami, Les Granges brûlées. Sur le continent, Haemi (Jong-seo Jun) est allée à la découverte des Bushmen, peuple indigène d’Afrique australe dont la vision du monde la fascine. Avant de partir, elle a confié son chat à une vieille connaissance, Jongsu (Ah-in Yoo), avec qui elle a entamé une idylle.
Mais de retour d'Afrique, Haemi devient inséparable de Ben, un jeune épicurien incarné par un Steven Yeun inquiétant à souhait. En le présentant à son amant Jongsu, la jeune femme donne corps à un trio dont les relations deviennent très vite ambigües. D'autant qu'Haemi disparaît brusquement. Sur les traces de cette dernière, Jongsu pénètre dans les méandres de la vie de Ben.
Lee Chang-dong livre un thriller psychologique efficace tout en racontant comment la mondialisation est une réalité quotidienne, quel que soit l'endroit où l'on vit sur la planète. Entre les inspirations africaines d'Haemi (qui sont celles insuflées par la co-scénariste de Burning, Oh Jung-mi), Jongsu, qui vit à la frontière avec la Corée du Nord, et Ben, qui déguste du vin français, le réalisateur sud-coréen fait le tour du village global. Burning, en compétition officielle lors de la dernière édition du Festival de Cannes, est reparti avec le prix Fipresci de la critique internationale.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.