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Au centre du Mali, l’insécurité grandissante vise le patrimoine
«Le centre du Mali est un immense territoire livré à lui-même», écrit «Le Monde Diplomatique». Un territoire livré à la guerre et aux rivalités entre communautés, notamment peule et dogon. Alors qu’il n’y a pas si longtemps, la région de Mopti et celle de Bandiagara (le pays dogon) accueillaient de nombreux touristes. Les sites les plus remarquables, comme les falaises de Bandiagara, sont menacés.
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Alors que les Maliens doivent voter le 29 juillet 2018, l’ONU s’inquiète de la situation sécuritaire au Mali, comme le rapportait Géopolis le 6 juillet. «Non seulement les djihadistes n’ont pas disparu, mais ils se sont multipliés», observe de son côté Bakary Sambe, directeur du groupe de réflexion Timbuktu Institute à Dakar.
Dans la nuit du 28 au 29 mars 2018, au moins deux personnes ont ainsi été tuées à Bandiagara, au cours d’une attaque, selon des communiqués de l’armée et du ministère de la Sécurité cités par l’AFP. La localité touristique avait été visitée deux jours plus tôt par le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga.
Ce dernier avait assisté à une rencontre de réconciliation entre des dirigeants peuls et dogons à Koro (centre), où des dizaines de personnes ont péri dans de récents affrontements entre ces deux communautés. «Nous allons désarmer les milices de gré ou de force. L'Etat ne sous-traite pas sa sécurité», a-t-il assuré devant plus de mille personnes.
De leur côté, les membres de la communauté peule accusent régulièrement les autorités de tolérer, voire d'encourager les exactions de groupes de chasseurs traditionnels à leur encontre, au nom de la lutte contre les djihadistes. Ce que démentent catégoriquement les représentants de l'Etat.
Engrenage
«Les politiques de développement de l’agriculture sédentaire, décidées à Bamako (…), ont bouleversé les équilibres locaux, déjà fragiles, entre éleveurs (pour la plupart des Peuls ou des Touaregs), cultivateurs (des Bambaras ou des Dogons) et pêcheurs (des Bozos)», analyse de son côté Le Monde Diplomatique (lien payant). «Des villages peuls ont été incendiés (…), du bétail a été volé. En représailles, des villages dogons ont été attaqués.»
Conséquence, déjà notée en 2016 par l’ONG International Crisis Group (ICG): «Des groupes armés, y compris radicaux, se développent et profitent du discrédit de l’Etat auprès d’une partie des populations locales.» Ce qui créé un dangereux engrenage. Et incite l’ICG à évoquer «la fabrique d’une insurrection»…
Les djihadistes sont intervenus dans ce contexte, comblant le vide laissé par l’absence d’Etat. Aux dires de témoins cités par Le Monde Diplomatique, on les trouve dans tous les villages où ils lèvent des impôts, installent des tribunaux... Ils apportent ainsi «aux éleveurs une forme d’ordre et de sécurité que l’Etat ne leur assurait pas».
«Culture fascinante»
Une telle situation ne peut que contribuer à faire fuir un peu plus les touristes dans des régions au patrimoine très riche comme Tombouctou ou le pays dogon. Un «pays» vanté par les tours operators pour «ses paysages étonnants, sa culture fascinante et son peuple accueillant». Et donc «la promesse d’un voyage mémorable»… Aujourd’hui, on en est loin.
Ce n’est sans doute pas un hasard si en mars 2018 à Bandiagara, des éléments djihadistes s’en sont pris à l’hôtel La Falaise. Tout un symbole: une manière de viser à la fois les touristes et l’un des sites les plus connus du pays dogon (et d’Afrique de l’Ouest), les falaises de Bandiagara, classées en 1989 au Patrimoine mondial de l’Unesco. Un classement intervenu notamment en raison des «paysages exceptionnels de falaises et de plateaux gréseux intégrant de très belles architectures (habitations, greniers, autels, sanctuaires» et togunas (cases à palabres).
Dans une région à l’insécurité grandissante, les éléments du patrimoine ne sont plus une préoccupation première. Conséquence: ils subissent «régulièrement dégradations et pillages», rapporte le site dune-voices.info. A commencer par les fameuses falaises.
Des djihadistes s’en seraient pris à des sites toloys (du nom des premiers habitants des falaises), vestiges qui remonteraient aux IIIe et IIe siècles de notre ère. Selon dune-voices.info, le groupe Mujao aurait détruit le toguna de la ville de Douentza. Des édifices similaires auraient été incendiés sur d’autres sites. Des totems auraient été détruits à Sangha, localité considérée comme la capitale culturelle du pays dogon. Les islamistes visant apparemment les croyances animistes des Dogons.
Dans le même temps, les sites archéologiques ont apparemment été pillés, alimentant des trafics.
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