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«Sam l’Africain», un opposant ivoirien d’origine libanaise dans la tourmente
L’opposant ivoirien d’origine libanaise Sam Mohamed Jichi, alias «Sam l’Africain», a été arrêté le 17 mars 2017 à Abidjan et aussitôt placé sous mandat de dépôt. Il est accusé d'avoir tenu des propos «xénophobes» et d’avoir soutenu que le président Ouattara était d’origine burkinabè. Portrait d’un Ivoiro-Libanais qui rêvait d’être député en Côte d’Ivoire.
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«Sam l’africain» a gagné son statut de vedette en 2016, en témoignant à visage découvert pendant trois semaines au procès de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo à la Haye où il est jugé pour crimes contre l’humanité. Pendant ses auditions, il a plutôt défendu Gbagbo alors que le parquet le présentait comme un témoin à charge.
«Je cautionne la CPI : je suis d’accord qu’on poursuive ceux qui ont commis des crimes. Mais je constate que cette cour n’est pas libre et indépendante. La politique y a fait intrusion», déclare-t-il aux juges du tribunal.
Contrairement aux autres témoins qui parlent le visage caché et la voix brouillée pour les protéger, il martèle qu’un témoin n’a pas besoin de se cacher: «Celui qui vient dire la vérité, qui a vécu les faits doit parler à visage découvert.»
Fidèle à lui-même, Sam Mohamed Jichi qui se sent totalement ivoirien a voulu confondre ceux qui le traitent d’étranger en Côte d’Ivoire en comparant son statut d’ivoirien à celui du président Alassane Ouattara.
«Si je suis Libanais, c’est qu'Alassane est Burkinabè. Parce qu’il a eu des papiers ivoiriens. Moi aussi j’ai eu des papiers ivoiriens», lance-t-il devant ses sympathisants qui l’applaudissent.
Des propos qui rappellent le débat interminable sur la nationalité d’Alassane Ouattara et sur l’Ivoirité lancée par ses adversaires politiques qui l’accusaient d’être d’origine burkinabè.
«Moi, ma femme est Ivoirienne»
Au cours de son meeting tenu à Abidjan le 11 mars, «Sam l’Africain» a rappelé fièrement que sa femme était ivoirienne contrairement à celle du chef de l’Etat qui est de nationalité française.
«Lorsqu’il y a eu les mutineries, la première personne qui a fui la Côte d’Ivoire, c’est sa femme. Elle a fui en passant par le Ghana. Et donc si demain la Côte d’Ivoire brûle, elle va nous laisser pour partir. Mais moi, ma femme va aller où? On va brûler ensemble ici.»
Pour le procureur de la République qui l’a fait arrêter, ses propos «incitent à la haine tribale et à la xénophobie au moment où les plus hautes autorités du pays œuvrent à la réconciliation nationale et à la restauration de la cohésion sociale».
Son rêve, être élu député de Côte d’Ivoire
Agé de 54 ans, Sam Mohamed Jichi est né au Liberia avant d’immigrer très jeune avec ses parents en Guinée et de passer son adolescence en Côte d’Ivoire où il a épousé une Ivoirienne avec laquelle il a eu quatre enfants.
Comme la plupart des Libanais de Côte d’Ivoire, il se lance dans le commerce, avant d’être piqué par le virus de la politique. Celui qu’on appelle aussi «le Libanais de Gbagbo» dirige un petit parti, La Nouvelle alliance de la Côte d’Ivoire pour la Patrie, qu’il a pris en main en 2012. Il s’était présenté, sans succès, aux élections législatives de 2016.
«Sam l’Africain» parle d’une réconciliation en trompe l’œil en Côte d’Ivoire et accuse une petite élite appartenant au pouvoir «de s’enrichir avec boulimie» au détriment de la population.
L’opposition demande sa libération immédiate
Son procès devrait s’ouvrir le 31 mars. Mais d’ores et déjà, l’opposition ivoirienne exige sa libération immédiate.
«Cette énième arrestation est une grave atteinte aux libertés d’opinion et d’expression. Elle dévoile une logique de musèlement de l’opposition et d’intimidation de ses leaders», dénonce le président du Front populaire ivoirien, Affi N’Guessan, également président de l’Alliance des forces démocratiques de Côte d’Ivoire.
La communauté libanaise de Côte d’Ivoire compte 80.000 personnes. C’est la plus importante d’Afrique. Installés depuis quatre générations, ils sont nombreux à avoir obtenu la nationalité ivoirienne comme «Sam l’Africain».
A ses détracteurs qui l’accusaient en 2016 de jouer le jeu de certains politiciens, d’amuser la galerie voire d’être un opportuniste, «Sam l’Africain» avait lancé au journaliste de l’AFP qui l’interrogeait: «Yalla! J’avance.»
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