L'Afrique continent poubelle: retour sur la tragédie du Probo Koala
Le scandale avait fait grand bruit en Côte d’Ivoire. Un cargo battant pavillon panaméen, transportant plusieurs tonnes de déchets toxiques, avait déversé sa cargaison mortelle à Abidjan, faisant officiellement dix sept morts et 43.000 intoxications.
Il a fallu attendre une décennie pour que les sites intoxiqués soient décontaminés. Mais plusieurs milliers d’ivoiriens, empoisonnés par ces déchets, attendaient toujours des réparations de la multinationale Trafigura, spécialisée dans le courtage pétrolier et affréteur du bateau incriminé.
Les victimes avaient déposé plainte le 27 août 2014, auprès de la haute Cour de justice de Londres qui vient de leur donner raison.
«La Haute Cour de justice de Londres a ordonné au cabinet Leigh Day de dédommager les 4.752 victimes qui ont été privées de leur compensations. C’est avec beaucoup de joie que nous avons accueilli le verdict. Nous pensons que justice a été rendue», a expliqué le président de l’Union nationale des associations des victimes ivoiriennes, Denis Yao Pipira, après l’annonce du verdict.
Chaque plaignant va donc recevoir 750.000 francs CFA, soit 1.150 euros. C’est ce qui avait été convenu au terme d’un accord signé en 2009 à Londres avec la multinationale Transfigura. Mais toutes les victimes n’avaient pas été indemnisées par le cabinet chargé de la transaction financière.
«Les eaux sales du Probo Koala»
La cargaison du Probo Koala aurait dû être décontaminée aux Pays Bas. Il n’en a rien été. Les déchets ont été acheminés à plusieurs milliers de km jusqu’en Côte d’Ivoire. Des déchets présentés comme «des eaux sales» à la filiale ivoirienne de la multinationale, avec mission de s’en débarrasser.
A leur grande surprise, les habitants de plusieurs communes d’Abidjan se réveillent un matin en se plaignant d’odeurs insupportables. Les déchets dégagent des gaz mortels dans les décharges à ciel ouvert où ils ont été déversés à la hâte.
«Les eaux sales» du Probo Koala se révèlent être des résidus d’hydrocarbures à composition très toxiques. Ils sont répartis de manière anarchique dans plusieurs point de la ville, parfois à quelques mètres seulement des habitations, sans qu’aucune précaution particulière ne soit prise.
Les déchets toxiques ayant été déversés pendant la saison des pluies, les eaux de ruissellement ont drainé une bonne partie de ces produits vers d’autres sites, contaminant ainsi de nombreux produits maraîchers et cultures.
Un drame sanitaire sans précédent
En janvier 2007, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme avait envoyé une équipe sur place pour constater les dégâts.
«Dès le 20 aout 2006, des odeurs pestilentielles se sont répandues dans tout le district d’Abidjan et ont pollué l’air, contaminant la population environnante. Très vite, de nombreux Abidjanais se sont plaints de violents malaises. Des milliers de personnes ont afflué vers les centres de soins, note le rapport de la FIDH(Nouvelle fenêtre)», .
Les victimes se plaignent de difficultés respiratoires, de douleurs thoraciques et abdominales, de nausées et de vomissements. Elles sont prises de vertige, de convulsions et de perte de connaissance.
Officiellement, il y a eu dix sept morts. Selon la FIDH, plus de 100.000 autres victimes auraient également été intoxiquées. Un drame sanitaire sans précédent aux conséquences à long terme.
Un accord à l’amiable avec l’Etat ivoirien
Le gouvernement ivoirien a diligenté une enquête sur ces déchets toxiques.
Dans son rapport du 19 février 2007, la Commission internationale d’enquête, créée à cet effet, a estimé que l’affréteur du Probo Koala devait assumer la responsabilité première des dommages causés à Abidjan.
Mais toutes les procédures engagées à Abidjan ont été balayées par l’accord passé entre l’Etat ivoirien et Trafigura le 13 Février 2007. La multinationale s’engageait à verser 95 milliards de francs CFA, l’équivalent de 153 millions d’euros à l’Etat ivoirien, qui s’engageait à son tour à renoncer définitivement à toutes les poursuites contre l’affréteur du cargo de la mort.(Nouvelle fenêtre)
Une partie de cet argent a servi à la réparation des préjudices subis par la Côte d’Ivoire ainsi qu’à l’indemnisation des victimes et à la décontamination des sites pollués.
Cette affaire aura laissé un gout amer aux responsables des associations qui se sont battues pour défendre les victimes de ce drame.
«Dans cette affaire, beaucoup d’acteurs ont détourné énormément de fonds destinés aux victimes», regrette Maître Yacouba Doumbia, du Mouvement ivoirien des droits de l’homme.
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