Cet article date de plus de neuf ans.
Dominique Ouattara : jamais sans Alassane
L'union entre Dominique Ouattara et son époux, Alassane Ouattara, qui brigue un second mandat le 25 octobre 2015, coïncide avec le démarrage d'une carrière politique qui le conduira finalement à la tête de la Côte d'Ivoire, à l'issue de la présidentielle de 2010.
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La campagne pour le premier tour de la présidentielle du 25 octobre 2015 s'achève en Côte d'Ivoire. L’équipe de campagne du Rassemblement des houphouétistes, la coalition qui soutient la candidature du président sortant Alassane Ouattara, a organisé quelques jours avant un concert géant dans le quartier populaire de Yopougon, à Abidjan, la capitale ivoirienne. La première dame Dominique Ouattara assiste à l’évènement. Sous les yeux de son époux, elle va même exécuter quelques pas de danse sur un rythme très en vogue, l'«Akobo poussière». L’Agence ivoirienne de presse note que c’est la deuxième fois qu’on la voit danser ainsi. Les prestations de la blonde first lady de Côte d'Ivoire, française de naissance, ne sauraient passer inaperçues.
C'est peu dire que Dominique Ouattara s'est investie dans la carrière politique de son mari. Son rôle semble inédit sur le continent et même au-delà. Pourtant, son profil n'est ni celui d'une Michelle Obama, dont le capital sympathie aurait permis à Barack Obama d'obtenir un second mandat aux Etats-Unis; ni d'une Simone Ggagbo, égale politique de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo. Sa contribution à l'ascension politique d'Alassane Ouattara se joue à un autre nouveau.
Selon sa biographie officielle, Dominique Claudine Nouvian a vu le jour le 16 décembre 1953 à Constantine, en Algérie. Son père est gendarme. Sa mère, née dans une famille juive, se convertira pour épouser ce fervent catholique (une démarche que n'exigera pas Alassane Ouattara, le musulman, de sa femme catholique). Plus tard, la famille Nouvian s’installe en Allemagne où la jeune Dominique prépare son bac qu’elle obtiendra en 1972. C’est à l’université Paris X qu’elle rencontre son premier époux, Jean Folloroux, raconte le journaliste Vincent Hugeux dans Reines d’Afrique, le roman vrai des premières dames d’Afrique. Il est l’un de ses professeurs. C’est en suivant l'enseignant qu’elle débarque en Côte d’Ivoire au milieu des années 70. Jean Folloroux est affecté à Abidjan. Plus tard, il deviendra le conseiller du directeur général de l’Enseignement technique Bamba Vamoussa. Ce dernier, qui compte dans sa famille le premier gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) Abdoulaye Fadiga, devient un proche du couple Folloroux. La future compagne d'Alassane Ouattara a commencé à se construire un réseau influent.
Aux portes de la primature
En 1983, Dominique Folloroux se retrouve veuve et ses deux enfants, Nathalie et Loïc, orphelins de père. Après avoir été assistante bilingue au bureau des Nations Unies à Abidjan, entre autres, elle décide de faire carrière dans l’immobilier. L'Agence internationale de commercialisation immobilière (AICI), son entreprise, est créée en 1979. La jeune femme obtient ensuite un diplôme d'administrateur de biens en 1987. Deux ans plus tard, elle rajoute à ses compétences «un diplôme d'expertise en immobilier», lit-on sur son site. Parmi les clients d'AICI, le premier président ivoirien Félix Houphouët-Boigny dont Alassane Ouattara deviendra le Premier ministre. Avant d'accéder à la primature, il succèdera en 1988 à Abdoulaye Fadiga à la tête de BCEAO, une institution que l'éconmiste connaît bien.
Quand Dominique Ouattara rencontre son mari la première fois, il est un fonctionnaire international. «Alassane était alors directeur Afrique du FMI à Washington (de novembre 1984 à octobre 1988, NDLR) et il est venu me confier à Abidjan la gestion de ses affaires», rapporte Le Parisien qui cite la première dame ivoirienne. Dans un entretien accordé au mensuel féminin Amina en mai 2013, alors qu’on lui demande si elle influence son mari «pour certaines décisions politiques», elle répond: «Je n'interfère jamais dans les prises de décisions politiques de mon époux. Je préfère, de loin, me consacrer au social.» Sans doute, pour la première dame qui est à la tête de la fondation Children of Africa qu'elle a «officiellement» lancé en 1998 pour venir en aide aux enfants du continent. Cependant, Alassane Ouattara doit beaucoup à sa seconde épouse sur le plan politique. C’est Dominique Ouattara qui aurait soufflé son nom au premier président ivoirien qui cherche alors un technocrate pour redresser son pays au début des années 90, avance Bernard Houdin dans son livre Les Ouattara, une imposture ivoirienne.
Dominique Ouattara était effectivement, semble-t-il, assez proche du «Vieux», comme on surnomme le père de l’indépendance ivoirienne, pour que l’ancien président Jacques Chirac la désigne comme «la femme» d'Houphouët. Et au point que son «mariage à Paris» avec Alassane Ouattara en 1991 ait profondément déplu au chef de l'Etat français. C’est ce que révèle un télégramme secret de l’ambassade américaine daté de 2005 et que Wikileaks a rendu public en 2010. Le câble fait également état de «son influence politique» et «de ses contacts».
«Exclusivement au service de ses concitoyens»
La femme d’affaires, qui a réussi dans l’immobilier au fil des ans, a investi dans d’autres secteurs. En 1993, le cabinet de gestion de syndic de copropriétés, Malesherbes Gestion, est créé à Paris, peut-on lire sur le site de sa Fondation. Trois ans plus tard, elle devient présidente d'EJD Inc., «société qui gère l’Institut Jacques Dessange basé à Washington». En 1998, elle fera l’acquisition «des franchises Jacques Dessange aux Etats-Unis».
En 2011, explique la revue Capital, «le petit empire de madame Ouattara comprend des dizaines de filiales truffées de membres de sa famille». «Son époux, Alassane, et sa sœur, Véronique Nouvian-Cornuel, siègent ainsi au conseil d’administration du groupe AICI, et son frère, Philippe Nouvian, en dirige la prospère filiale gabonaise. Quant à son fils Loïc Folloroux, aujourd’hui âgé de 36 ans, elle l’a bombardé directeur général de Radio Nostalgie Afrique (dont elle est la présidente et l’actionnaire majoritaire). Il est aussi "responsable Afrique" du groupe londonien Armajaro Trading Limited. Fondé par Anthony Ward, un redoutable spéculateur surnommé "Chocolate Finger", ce puissant hedge fund fait quasiment la loi sur le marché du cacao. En particulier en Côte d’Ivoire, le premier producteur mondial. Avec son beau-fils dans la place, Alassane Ouattara sera aux premières loges.»
Non sans mal, l'ancien Premier ministre a fini par accéder à la présidence après plus de deux décennies dans l'arène politique ivoirienne et une crise post-élecorale en 2011 qui provoquera la mort de quelque 3000 personnes. En devenant sa première dame, Dominique Ouattara a «renoncé» aux affaires «pour se mettre exclusivement au service de ses concitoyens», après avoir servi la carrière politique de leur nouveau président. La first lady n’aura ménagé aucun effort pour que leur rêve commun se réalise. Quand elle danse pour faire réélire Alassane Ouattara, «Fanta Gbe», comme les Ivoiriens la surnomment, souhaite que 2015 soit «L’année de (son) année» (l’année de tous les succès)». L'expression est empruntée à une chanson devenue très populaire en Côte d'Ivoire, L'année de mon année. La dernière fois qu'on a vu Dominique Ouattara danser, c’était justement sur ce tube du chanteur ivoirien JC Pluriel.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.