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Côte d’Ivoire : HRW met en garde contre la justice des vainqueurs

Quel héritage pour le président Ouattara ? C’est la question que pose Human Rights Watch au lendemain de la réélection du chef de l’Etat ivoirien pour un second mandat de cinq ans. HRW avertit : faute de lutter contre l’impunité, la lutte pour la succession du n°1 ivoirien pourrait replonger la Côte d’Ivoire dans de nouvelles violences.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Arrestation de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo par des soldats pro-Ouattara le 11 avril 2011 à Abidjan. (Photo AFP)

La Côte d’Ivoire n’a pas tourné définitivement la page des violences meurtrières qui ont suivi la victoire d’Alassane Ouattara en 2010. Il faut encore régler de profonds défis relatifs aux droits humains, écrit Human Rights Watch dans un rapport publié le 8 Décembre 2015.
 
«Si Ouattara omet de s’attaquer aux défis relatifs aux droits humains qu’il n’a pas réglés durant son premier mandat, la lutte pour sa succession pourrait encore une fois menacer la paix sur laquelle s’est construit le rétablissement de la Côte d’Ivoire», dit le document.

De 2010 à 2011, plus de 3000 ivoiriens sont morts en cinq mois de violences postélectorales causées par le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire de Ouattara. La crise s'était conclue dans la violence et la chute de Laurent Gbagbo.
 
L’impunité sape les espoirs de réconciliation
L’auteur du rapport note que le premier mandat du président ivoirien a été auréolé d’un bon bilan économique. Alassane Ouattara, reconnait-il, a su éloigner progressivement le pays de son douloureux passé. 
 
Mais pour HRW, il devrait faire davantage pour combattre l’impunité et renforcer l’Etat de droit. «Le gouvernement ivoirien n’a arrêté aucun des membres des Forces républicaines pro-Ouattara impliquées dans la violence postélectorale, sapant ainsi les espoirs de réconciliation authentique», écrit Jim Wormington.
 
La justice des vainqueurs
Depuis la fin de la crise, note le rapport, les progrès vers la justice ont été largement unilatéraux. Dans le camp des vaincus, 150 civils et dirigeants militaires pro-Gbagbo ont été accusés. Neuf d’entre eux ont été condamnés devant un tribunal militaire.
 
Dans le camp des vainqueurs, pas un seul membre des Forces républicaines d’Alassane Ouattara n’a été obligé de rendre des comptes.
 

Ouverture du procès de 78 responsables de l'ancien régime, dont l'ex-première dame Simone Gbagbo, le 26 décembre 2014 à Abidjan. Sa condamnation à 20 ans de prison a ravivé les critiques. (Photo AFP/Sia Kambou)

Ce n’est qu’au cours de cette année 2015 que le gouvernement a soutenu la création d’une unité spéciale composée de juges d’instruction et de procureurs chargée d’enquêter sur les atrocités commises durant les violences de 2010-2011.

Des suspects de haut niveau appartenant aux deux camps militaires et politiques opposés ont été  enfin inculpés, mais «les victimes restent sceptiques quant au soutien qu’apportera le gouvernement aux poursuites judiciaires visant les commandants des forces pro-Ouattara… Le gouvernement devrait renforcer le système chancelant de justice militaire et adopter une politique de tolérance zéro pour les abus commis par des membres des forces de sécurité », écrit Human Rights Watch .
 
L’ONG invite les autorités ivoiriennes à accorder la priorité à l’amélioration de l’indépendance du système judiciaire. Le président Ouattara, écrit l’auteur du rapport, sera jugé en fin compte «sur son aptitude à aborder les problèmes bien enracinés qui portent atteinte aux droits humains et menacent la stabilité future».
 
 
 
 

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