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Avec "La Nage de l’éléphant", le photographe François-Xavier Gbré poursuit sa lecture du développement économique et urbain de la Côte d’Ivoire

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1 min

A travers ses photographies d’architectures à l'abandon et d’espaces oubliés à Abidjan, François-Xavier Gbré se confronte au changement, à l'essor économique, aux grands travaux d'urbanisation et aux traces d'une Côte d'Ivoire de l'entre-deux.

Visible jusqu’au 19 février 2022 à la Galerie Cécile Fakhoury d'Abidjan, l’exposition La Nage de l'éléphant réunit un ensemble d’œuvres réalisées au cours des deux dernières années par François-Xavier Gbré. Le photographe continue son exploration des territoires de la Côte d’ivoire et questionne ainsi l’évolution du pays.

"En prise avec le temps et la géographie, son travail convoque le langage de l’architecture comme témoin de mémoire et des changements sociaux. Des vestiges coloniaux aux paysages redéfinis par l’actualité, il explore des territoires et revisite l’Histoire (…) Dans le large corpus de photographies inédites que l’artiste dévoile dans l’exposition La Nage de l’éléphant, la ville d’Abidjan tient encore et toujours une place symbolique, tant elle est la vitrine du pouvoir en place", déclare la galerie.

D’origine ivoirienne, François-Xavier Gbré est né en 1978 à Lille, en France. Après avoir passé un diplôme de photographe, il décide de se consacrer entièrement à son travail artistique et commence à travailler dans un studio. Son premier reportage sur des usines désaffectées sera les prémices de son langage photographique, en grande partie consacré à l’architecture, aux lieux désertés comme vecteurs de mémoire. François-Xavier Gbré a beaucoup voyagé et posé ses valises dans différents pays (Israël, Italie, Bénin, Mali, Togo…) pour réaliser d’innombrables clichés de ces lieux délaissés. Aujourd’hui, sa vie se partage entre La Rochelle et Abidjan où il s’est installé en 2013.    (FRANÇOIS-XAVIER GBRE)
A la question de son attrait pour les friches urbaines, les endroits délabrés ou en devenir, il explique dans un entretien en 2013 à "africultures" : "J’ai grandi dans une région sinistrée par la crise industrielle et textile en particulier. J’ai vu ces vieilles usines se vider, se détériorer et aujourd’hui se transformer en loft de haut standing. Finalement, c’est cet entre-deux, ce moment charnière qui m’intéresse. Aujourd’hui, dans ce monde où la prolifération d’images donne accès à tout et à tout le monde, il me plaît à témoigner de cette absence, de ces vides et de leurs possibles."      (FRANÇOIS-XAVIER GBRE)
Ses photographies portent en elles les traces sociales et politiques de leur pays. François-Xavier Gbré interroge son propre monde en pleine évolution, témoigne de ces instants de basculement révélés avec force par l'architecture. "Je veux lire les mutations de la ville en me posant la question de la représentation d'une nation dans l'espace public", explique-t-il sur RFI.      (FRANÇOIS-XAVIER GBRE)
Au fil de ses différentes séries – les usines d’Unilever à Lille (France), la piscine olympique du stade Modibo Keita à Bamako (Mali), l’imprimerie nationale de Porto Novo (Bénin), le palais du Gouverneur à Lomé (Togo) –,  tous ces lieux désaffectés, abandonnés ou en rénovation mettent en relation passé et présent. Ils sont la conscience historique et politique des rapports entre le Nord et le Sud, de l’héritage colonial d’une époque révolue. "Quand on travaille sur le bâti, on a besoin de temps. Je m’appuie sur des cartes, des archives, ça construit et ça détruit beaucoup", explique-t-il dans "Fisheye magazine". Tous ces bâtiments fonctionnent "comme des boîtes à secret".        (FRANÇOIS-XAVIER GBRE)
Depuis le début des années 2000, François-Xavier Gbré fait des séjours réguliers en Côte d’Ivoire et arpente les rues d’Abidjan pour photographier la transformation de la ville. En 2020, dans le cadre des Rencontres d'Arles, il remporte (ex æquo avec Poulomi Basu) le Prix Découverte Louis Roederer grâce à sa série "Emergence, Abidjan, Côte d’Ivoire, 2013-2020". Depuis la fin de la crise post-électorale (2011), la Côte d’Ivoire se reconstruit, avec des infrastructures spectaculaires et une redéfinition du paysage individuel et collectif. Ce projet met en lumière les mutations du territoire urbain et documente l’évolution de la ville et de la vie de ses habitants.        (FRANÇOIS-XAVIER GBRE)
"Dans ce nouvel opus, le littoral, la forêt, la terre se mélangent à l’architecture, dans les strates de l’histoire mouvementée d’un pays qui fêtait récemment les soixante ans de son indépendance. Comme partout dans le monde, le développement économique a entraîné une modification profonde de l’environnement naturel, dans une Côte d’Ivoire qui a été à la fois admirée et exploitée pour la richesse de ses ressources, la vitalité de sa faune et de sa flore. Un territoire (re)nommé non pas exactement d’après un animal, l’éléphant, mais d’après l’ivoire. Un paradoxe qu’évoque le titre de l’exposition, métaphore de la marche du pays, entre l’exploit, la maladresse ou même l’absurde", déclare la galerie.      (FRANÇOIS-XAVIER GBRE)
A propos de ses dernières photos réalisées en période de pandémie, l’artiste déclare : "La photographie prend racine dans les épreuves de la vie. Douleurs et doutes se trouvent au centre du paysage. Des arbres mutilés ou les cicatrices du cœur, un bateau échoué ou la perte de liberté de mouvement, un mur de flammes dans une fumée noire ou l’anéantissement de toute vision positive du futur, un pont écroulé ou la difficulté de créer du lien." Cette ouverture intime et personnelle amplifie la force évocatrice de l’ensemble de ces œuvres. En donnant un visage humain aux questions environnementales, François-Xavier Gbré rappelle que l’histoire collective est faite avant tout d’une multitude d’histoires personnelles.      (FRANÇOIS-XAVIER GBRE)

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