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Implication démentie de la France au Burkina : "Il y a une hostilité aggravée par les maladresses des dirigeants français", estime un spécialiste

Le Burkina Faso est en proie à un coup d'État depuis la chute du chef de la junte militaire, vendredi 30 septembre. La France dément les accusations des putschistes qui l'accusent de préparer une "contre-offensive".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un véhicule militaire devant le bâtiment de la télévision nationale du Burkina Faso, à Ouagadougou, samedi 1er octobre 2022. (OLYMPIA DE MAISMONT / AFP)

Alors que les militaires ayant pris le pouvoir au Burkina Faso accusent la France d'aider le lieutenant-colonel Damiba renversé vendredi 30 septembre, ce que Paris dément, le professeur de géopolitique Michel Galy estime, ce samedi 1er octobre, sur franceinfo que la France "n'a pas d'intérêt" à défendre dans le pays. "Le problème, c'est qu'il y a des précédents, regrette ce spécialiste de l'Afrique. Il y a une perte d'influence, voire une hostilité, qui est aggravée par les réseaux sociaux et par un certain nombre de maladresses des dirigeants français."

franceinfo : Ce coup d'État n'a-t-il qu'une dimension intérieure ou bien internationale ?

Michel Galy, professeur de géopolitique, spécialiste de l'Afrique : La dimension internationale vient en fait se rajouter à une crise interne entre deux factions de l'armée burkinabé. L'une s'organise autour de l'ancien président, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba. L'autre soutient le nouvel homme fort, le capitaine Ibrahim Traoré. Les deux factions s'affrontent en ce moment et il y a effectivement des accusations, un peu comme au Mali, d'ingérence de la part de l'armée française puisqu'il y a une base militaire française - un contingent réduit - pour ce qu'on appelle l'opération Sabre de lutte antijihadiste.

Cette ingérence française, démentie par Paris, est-elle crédible ou absolument rocambolesque ?

Le problème, c'est qu'il y a des précédents. Par exemple, au moment de la chute de Blaise Compaoré qui a longtemps été soutenu par la France, il est vrai que les armées française et ivoirienne l'ont exfiltré de sorte qu'il a échappé à la vindicte populaire et à un procès. On se souvient aussi du Tchad, où à la mort du maréchal Idriss Déby, Emmanuel Macron s'est précipité avec son ministre des Affaires étrangères pour organiser la succession. Mais en l'occurrence, dans le cas du Burkina, ça m'étonnerait beaucoup parce que ce serait extrêmement maladroit étant donné qu'il y a ces crispations autour de la présence de l'armée française.

La France a-t-elle des intérêts à défendre au Burkina Faso ?

Non, absolument pas. Ce sont des rumeurs de réseaux sociaux. La France n'a pas d'intérêt autour des minerais ou des ressources pétrolières. Elle a simplement un intérêt géopolitique pour contenir, voire faire régresser, les attaques jihadistes qui contrôlent quand même au moins un tiers du territoire burkinabé.

L'influence de la France en Afrique de l'Ouest est-elle en train de craquer partout ?

Tout à fait. En plus de ceux qui s'en prennent à l'ambassade de France à Ouagadougou et au centre culturel français de la seconde ville du Burkina Bobo-Dioulasso, il y a une perte d'influence, voire une hostilité, qui est aggravée par les réseaux sociaux et par un certain nombre de maladresses des dirigeants français. Par exemple, dans le cas du Mali, à l'époque du président Hollande, c'est la France qui a fixé la date des élections. Il y a une sorte de gouvernance à distance. Surtout, dans toute la région du Sahel, la force Serval puis la force Barkhane françaises étaient en quelque sorte dans une situation d'extraterritorialité au dessus des États et des armées nationales. C'est une situation qui est très difficile à vivre pour les populations et les classes politiques et qui ne pouvait pas durer très longtemps.

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