Le journaliste béninois Ignace Sossou écope de 6 mois ferme en appel pour "harcèlement"
Détenu depuis décembre 2019, il devrait retrouver la liberté en juin.
La peine de prison du journaliste d'investigation béninois Ignace Sossou a été réduite en appel. Il a été condamné le 19 mai 2020 à une peine de 12 mois de prison, dont six mois ferme, par la cour d'appel de Cotonou, pour "harcèlement" sur les réseaux sociaux, a annoncé son avocate.
"Il a été condamné à six mois ferme et 6 mois de sursis avec une amende de 500 000 francs CFA" (environ 762 euros), a précisé à l'AFP son avocat, Me Prisca Ogoubi, regrettant que la cour d'appel n'ait "pas requalifié les faits" reprochés à son client, condamné pour "harcèlement par le biais de communications électroniques". Ayant déjà purgé une partie de sa peine, il devrait être libéré le 24 juin, a précisé son avocate.
Ignace Sossou avait été interpellé le 19 décembre 2019 à son domicile par des éléments de l'Office central de répression de la cybercriminalité, avant d'être placé sous mandat de dépôt fin décembre 2019. La veille de son arrestation, le journaliste avait posté sur ses pages Facebook et Twitter des propos attribués au procureur de la République Mario Metonou, intervenant lors d'une conférence organisée à Cotonou par l'Agence française de développement média (CFI) pour débattre des "fake news". Les propos relayés semblaient plutôt critiques de l'attitude du pouvoir béninois vis-à-vis de la liberté d'expression. "La coupure d'Internet le jour du scrutin (législatif) du 28 avril est un aveu de faiblesse des gouvernants", aurait notamment déclaré le procureur, qui n'a pas publié de démenti par la suite.
"Acharnement judiciaire"
Ignace Sossou travaille pour le média en ligne Bénin web TV et collabore avec plusieurs collectifs comme le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) et le Réseau 3i (Initiative, Impact, Investigation). Il a déjà fait l'objet d'une condamnation récente par un tribunal béninois à une peine de prison avec sursis pour "publication de fausses nouvelles" après des révélations sur des comptes offshore et des sociétés écran visant des hommes d'affaires béninois et français.
Le président Patrice Talon, élu en avril 2016, est régulièrement accusé d'avoir opéré un virage autoritaire dans ce pays habituellement salué pour le dynamisme de sa démocratie. La quasi-totalité de ses principaux opposants vivent actuellement à l'étranger, visés par des affaires judiciaires au Bénin.
L'ONG Amnesty International a dénoncé le 19 mai "un mauvais signal pour les libertés d'expression et de presse au Bénin", affirmant que "la place d'un journaliste n'est pas en détention". A l'instar de l'ONG Reporters sans frontières (RSF) qui "se réjouit" de la prochaine libération du journaliste mais "dénonce néanmoins une décision lourde, injustifiée et très dangereuse pour l’avenir du journalisme dans le pays". William Bourdon, Elise Le Gall et Henri Thulliez, les avocats internationaux du journaliste, ont estimé pour leur part que leur client faisait l'objet d'"un acharnement judiciaire totalement insensé" .
CFI, dont une lettre a servi à l'accusation avant d'être déclarée nulle parce qu'elle n'avait pas "suivi la procédure de validation interne", a souligné que "le jugement rendu en première instance n’en demeure pas moins incompréhensible (...)". "Si CFI considère que cette remise de peine est une avancée pour la libération du journaliste, seule la relaxe d’Ignace Sossou et sa remise en liberté immédiate auraient été une issue recevable", a estimé Alan Dréanic, directeur général adjoint de CFI dans un communiqué.
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