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En Afrique, le "prêt adossé à des ressources naturelles", un financement à hauts risques

L'étude d’une ONG met en garde contre des accords opaques qui peuvent provoquer le surendettement de pays entiers. 

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
La plus grande entreprise minière de Guinée, la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), à Kamsar, une ville au nord de la capitale Conakry. Le pays est le premier exportateur mondial de bauxite. 


 (GEORGES GOBET / AFP)

Les prêts adossés à des ressources naturelles ont contribué à des niveaux d’endettement accablants en Afrique subsaharienne, selon Natural Resource Governance Institute (NRGI). Dans un récent rapport, l’organisation explique pourquoi ces contrats peuvent être des pièges.

Des fonds nécessaires

Les pays en développement sont souvent perçus comme des Etats fragiles et à risques et ont du mal à obtenir des crédits internationaux. Mais avec le prêt adossé à des ressources naturelles, l’accès à des financements est beaucoup plus simple puisque le prêteur est sûr d’être remboursé grâce à l'exploitation directe de pétrole ou de mines, ou bien aux revenus de ces productions.

Théoriquement, c’est une bonne chose car les fonds sont principalement destinés au développement des infrastructures. Mais les choses ne se passent pas toujours comme prévu.

 Les dirigeants africains ont souvent contracté ces prêts pour contribuer à leurs propres ambitions politiques à court terme, leurs pays se retrouvant par voie de conséquence lourdement endettés

Evelyne Tsague, codirectrice Afrique du Natural Resource Governance Institute

Des accords opaques

Ce qui pose problème, c’est le manque total de transparence, comme le souligne le rapport qui passe au crible plusieurs accords conclus entre 2004 et 2018 par une dizaine de pays d'Afrique subsaharienne. Selon les auteurs de l'étude, les prêts aux gouvernements sont hors de contrôle et les accords sont généralement négociés par des entreprises publiques mal gérées qui contournent souvent les parlements et les budgets nationaux.

Ces transactions ressemblent souvent à des prêts sur salaire : les échéances sont courtes, les taux d’intérêt et les frais élevés, et aucun engagement n’est pris à l’égard de l’utilisation de l’argent emprunté.

David Mihalyi, co-auteur du rapport du Natural Resource Governance Institute

Risques de corruption

Selon le rapport, la majorité des pays africains ayant contracté des prêts gagés sur des ressources naturelles ne respecte pas les mesures de transparence, ce qui multiplie les risques de corruption. A titre d’exemple, l’Angola, le pays qui a conclu le plus grand nombre d’accords de ce genre, est actuellement plongé dans une affaire de corruption à grande échelle impliquant son entreprise pétrolière publique, la Sonangol. La République démocratique du Congo (RDC) a, de son côté, été impliquée dans un scandale majeur où des représentants d’un géant du négoce des matières premières ont soudoyé des fonctionnaires publics pour avoir accès aux marchés pétroliers.

Des niveaux d’endettement accablants

Mais le risque majeur de ces prêts adossés est le surendettement. Le rapport identifie quatre pays où ces prêts gagés sur des ressources naturelles ont contribué de manière significative à de graves crises financières : l’Angola, le Tchad, le Soudan du Sud et la République démocratique du Congo.

L’un des exemples frappants est celui de Kinshasa où la dette publique est montée en flèche après la chute des prix du pétrole en 2014. Le pays a du mal à rembourser ses prêts et, selon le FMI, le passif de l’un des projets signés avec un consortium d’entreprises chinoises en 2008, représente à lui seul un peu moins de la moitié de la dette extérieure du pays.

Et encore des prêts risqués

Malgré les nombreuses expériences négatives avec des prêts pas toujours bien négociés, certains pays continuent de prendre des risques. Le rapport cite notamment l’exemple de la Guinée qui a conclu en 2017 un accord pour 20 milliards de dollars avec une entreprise chinoise. Un montant énorme qui représente l’équivalent de 200% du PIB du pays. La production de bauxite destinée à rembourser le prêt a déjà commencé, mais les Guinéens ne savent pratiquement rien sur les modalités du financement, ni comment leur pays remboursera ses dettes.

Le rapport insiste sur la prudence et la transparence pour ne pas tomber dans les pièges des prêts adossés aux ressources naturelles. Il rappelle que les prêts peuvent être renégociés pour en améliorer les conditions et ne pas plonger le pays dans des dettes colossales.

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