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Angola: que faire quand il n’y aura plus de pétrole?

Second producteur d’or noir du continent africain, l’Angola s’interroge sur l’après-pétrole. Une autre ressource naturelle, la pêche, s'annonce prometteuse. Mais le manque de moyens limite, pour l'heure, son potentiel. Conclusion : la reconversion économique risque de prendre beaucoup, beaucoup de temps…
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Dans le port de Benguela (centre-ouest de l'Angola) le 12 février 2018 (AMPE ROGERIO / AFP)

Le président angolais Joao Lourenço le répète à l'envi: le salut de l’économie en crise passe par la fin de l'ère du tout-pétrole. Ex-ministre de la Défense, il  a succédé en septembre à Jose Eduardo dos Santos, à la tête du pays pendant trente-huit ans, en promettant rien moins qu'un «miracle économique».
           
Il y a urgence. En 2014, la chute des cours de l'or noir, qui fournit à l'Etat 70% de ses recettes fiscales, a plongé l'Angola en plein marasme. D’autant qu’«environ 63% des exportations du pétrole angolais sont à destination de la Chine», comme l’a expliqué à Géopolis la chercheuse américaine Deborah Bräutigam. Car le pays doit rembourser de cette manière les prêts qu’il a contractés vis-à-vis de Pékin.

Une situation d’autant plus inconfortable pour l’Angola que plus de la moitié de sa population vit aujourd'hui avec moins de 2 dollars par jour, selon l'ONU.

Pour relancer la machine économique, le nouveau chef de l'Etat compte sur ses 1600 km de côtes, atlantiques. «La diversification de l'économie est notre priorité. Nous allons relancer la pêche et l'agriculture, et ouvrir le pays aux investissements étrangers», a-t-il récemment assuré.
           
En février 2018, Joao Lourenço a visité trois usines de Tombwa, dans la province de Namibe (sud-ouest). On y congèle les poissons, dont une part est transformée en huile, utilisée pour les cosmétiques et la pharmacie, ou en farines, prisées dans l'élevage. Leur production est avant tout destinée à l'exportation.
           
Le plan élaboré par le gouvernement pour la période 2017-2022 s'est fixé pour priorité «d'améliorer les infrastructures pour soutenir la pêche et le développement de l'industrie de transformation et traitement du poisson». Le volume de poissons pêchés doit passer de 528.000 à 614.000 tonnes par an, celui des farines de 20.000 à 30.000.

Femmes triant le poisson sur le port de Benguela (centre-ouest de l'Angola) le 12 février 2018. (AMPE ROGERIO / AFP)
           
Une tâche titanesque
Mais réduire la dépendance au pétrole s'avère une tâche titanesque pour le 2e producteur africain. Lequel a tout misé, depuis des décennies, sur ses seuls hydrocarbures.

«Nous pouvons transformer le poisson en farines et en huile mais nous n'avons pas la capacité de satisfaire le marché international», reconnaît Jose Gomes da Silva, le directeur de l'administration des pêches pour la province de Benguela (centre-ouest).

«Mais nous n'avons pas assez de bateaux. Et nous disposons d’une seule usine pour fabriquer farines et huile», déplore-t-il. A Benguela, capitale de la province, la pêche emploie déjà 13.200 personnes. Le directeur aimerait pouvoir disposer d’effectifs plus importants. Notamment pour rouvrir l'usine de conserves de sardine qui y existait juste après l'indépendance en 1975.

Dans la région de Baia Farta, à 30 km de Benguela, l'usine Pesca Fresca transforme du poisson congelé en farines et huile de poisson, vendues ensuite en Amérique latine, en Chine ou, plus près, en Namibie et en Afrique du Sud. L'entreprise privée s'approvisionne auprès d'industriels mais aussi beaucoup de pêcheurs artisanaux, comme Orlando Eduardo.

«La pêche nous a sauvés», témoigne cet homme de 32 ans. Dans un contexte de chômage très élevé, ce secteur artisanal est déjà le refuge de nombreux sans-emplois. Sur une plage écrasée de soleil, des pêcheurs déchargent sardines, bars et chinchards de leur petite embarcation colorée. Les bons jours, Orlando gagne jusqu'à 20.000 kwanzas (75 euros). Plus que le salaire minimum mensuel de 18.000 kz.
 
Où sont les chalutiers?
Malgré cet apport, Pesca Fresca, qui emploie 200 salariés, peine à acheter assez de poisson pour satisfaire la demande. Compte tenu de son prix, «très bas pour une protéine animale de haute qualité», «la demande est très élevée», explique son directeur, José Neves. La tonne de farine de poisson se vend ainsi 300.000 kwanza (environ 1100 euros).
           
Marché aux poissons à Benguela (centre-ouest de l'Angola) le 29 janvier 2010. (KHALED DESOUKI / AFP)
Mais le manque de gros bateaux de pêche et d'usines de transformation limite la production. De plus, les chalutiers déjà en service restent parfois à quai. «Nous sommes confrontés à des difficultés de maintenance qui nuisent gravement à l'industrie», regrette le directeur.

L'accès aux pièces détachées vire au casse-tête. Faute de magasins spécialisés, elles arrivent d'Afrique du Sud ou du Brésil, souvent des semaines voire des mois après leur commande. Pour doper le secteur de la pêche, l'Angola doit viser la production industrielle. Dans ce but, le ministère des Pêches a annoncé l'achat d'un navire pour 3,7 millions de dollars (3,08 millions d’euros). Ce qui est loin d’être suffisant.
 
«Le secteur de la pêche représente moins de 1% du produit intérieur brut. Je ne vois pas comment il pourrait jouer un rôle utile dans la diversification», tempère Alves da Rocha de l'université catholique d'Angola à Luanda. Et d’ajouter: «L'agriculture en revanche me paraît plus pertinente, l'industrie manufacturière ou la construction aussi. Le "miracle économique" va prendre beaucoup de temps.»

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