Accès aux archives classifiées : "La mémoire peut trahir, les faits sont irréfutables" et peuvent "rapprocher" la France et l'Algérie, estime un politologue
Le politologue Kader Abderrahim se réjouit de la décision d'Emmanuel Macron de faciliter l'accès à des archives sur la guerre d'Algérie.
"Avec les archives, nous serons tous face aux faits", se réjouit le politologue Kader Abderrahim. Invité mardi 9 mars sur franceinfo pour réagir à la décision d'Emmanuel Macron de faciliter l'accès aux archives classifiées de plus de 50 ans, et donc notamment celles sur la guerre d'Algérie (1954-1962), il explique que contrairement à la mémoire qui "peut trahir", "les faits sont irréfutables". Selon le directeur de recherches à l’Institut de prospective et de sécurité en Europe, cet accès aux archives permet "d'entrevoir la construction d'une histoire commune qui pourrait rapprocher" la France et l'Algérie.
franceinfo : Comment l'accès à ces archives peut-il réconcilier les mémoires ?
Avec les archives, nous serons tous face aux faits et non plus face à des témoignages. La mémoire peut trahir alors que les faits sont irréfutables. Ils permettent d'entrevoir la construction d'une histoire commune qui pourrait rapprocher les deux pays sur cette construction mémorielle et non pas sur cette exploitation mémorielle idéologique et instrumentalisée. Il y a beaucoup de gens, notamment en Algérie, qui continuent à faire de cette histoire le fond de commerce d'un régime qui n'a pas beaucoup de légitimité. Symboliquement, la décision du président de la République après le rapport de Benjamin Stora est importante et cela va dans le bon sens. C'est aussi une demande qui est très ancienne de la part du monde de la recherche et je crois que le président de la République l'a enfin entendu.
Que peut-il y avoir dans ces archives et quelles recherches sont-elles susceptibles de faire avancer ?
On a seulement eu la semaine dernière la reconnaissance par le président de la République que Ali Boumendjel, l'un des avocats du FLN, était mort sous la torture. C'est important pour les familles. C'est important pour l'histoire. C'est important pour nos descendants, afin qu'ils sachent exactement ce qui a pu se passer. Les archives nous permettront aussi de découvrir des choses, pas nécessairement désagréables, qui ont été entreprises et dont on a perdu la trace. Tout n'est pas toujours négatif, sombre et sordide. L'histoire des Hommes doit être prise dans son intégralité. On ne peut pas prendre les aspects qui conviennent à untel ou untel, ou qui servent un régime politique. L'histoire est l'histoire. Elle est la trajectoire humaine et c'est à partir de cette trajectoire que l'on peut tenter de tracer des perspectives pour l'avenir.
Est-ce que ces archives peuvent, a contrario, loin de l'apaisement, être potentiellement compromettantes pour la France ou pour l'Algérie ?
Peut-être. Nous verrons bien. Tout le monde, évidemment, n'a pas intérêt à ce qu'on exhume un certain nombre de faits. Mais s'il y avait un secret défense, c'est souvent parce que l'on considérait qu'il pouvait y avoir des descendants encore vivants et qu'on voulait éviter les règlements de comptes. Aujourd'hui, on n'est pas dans ce cas de figure-là. Si toutefois c'était le cas, il appartient alors aux chercheurs de faire la part des choses entre ce qui relève de la décision d'une personne et celle d'un régime politique. Il y aura un travail pédagogique et un travail de nuance à apporter le moment venu.
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