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Municipales en Afrique du Sud : un test pour l’ANC et le président Zuma

26 millions de Sud-Africains sont appelés le 3 août 2016 pour élire leurs maires et leurs conseillers municipaux. Ces élections locales sont un test pour l’ANC, le parti au pouvoir, et le président Jacob Zuma, affaiblis par l’usure du pouvoir, des scandales et une situation économique morose.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Des militants de l'ANC participant à la campagne pour les élections locales à KwaMashu (est de l'Afrique du Sud) le 2 août 2016. (REUTERS - Rogan Ward)

Pour le vice-président de la commission électorale, Terry Tselane, cité par Le Figaro, il s’agit du «scrutin le plus difficile que l’Afrique du Sud ait jamais organisé» depuis l’avènement de la démocratie en 1994.  La campagne a été violente. Selon les autorités, 13 personnes sont mortes lors d’affrontements internes à l’ANC, surtout dans la province du Kwazulu-Natal (est). Certains habitants critiquent le choix des candidats et/ou le découpage électoral. En juin, des émeutes dans des townships de Pretoria ont fait 5 morts.

Trois villes sont au centre de toutes les attentions: la capitale politique Pretoria, Johannesburg (la capitale économique) et Port Elizabeth, cité industrielle au bord de l'océan Indien.

Dans ces métropoles, la lutte promet d'être serrée entre le Congrès national africain (ANC), actuellement au pouvoir dans la plupart des 278 villes du pays, et l'Alliance démocratique (DA). Le principal parti d'opposition de centre-droit gouverne déjà la capitale parlementaire, Le Cap (sud). Selon les sondages de l'institut Ipsos South Africa, c'est à Port Elizabeth que l'opposition a le plus de chances de l'emporter. Dans cette ville, où le chômage bat des records (36% contre 26,7% au niveau national), les déçus de l'ANC sont nombreux.

Les raisons de la colère
«L'ANC a échoué lamentablement. Après 1994, ils nous ont promis le paradis sur terre. On attend toujours», s’emporte Mlungiseleli Kwanini, un chômeur sexagénaire, devant un journaliste de l’AFP. «Ils nous font des promesses vides. Regardez, j'ai 60 ans et je ne me souviens même plus de la dernière fois que j'ai eu un emploi», poursuit-il.

Plusieurs zones du pays, notamment les townships, sont toujours privées des services publics de base comme l'eau ou l'électricité. Ce qui accentue le mécontentement des plus défavorisés qui jugent que trop peu a été fait pour eux depuis la fin de l'apartheid. «Si d’importants progrès ont été enregistrés depuis (cette période), en particulier sur le plan de la réduction de l’extrême pauvreté (passée de 11,5 % en 1994 à 5 %), de l’accès à l’électricité (disponible pour 83 % des ménages) ou du logement (76 % des ménages désormais résident dans des maisons en dur), le pays souffre encore de profondes inégalités sociales et raciales, en large partie héritées de l’apartheid», note le site du ministère français des Affaires étrangères.

D’une manière générale, la situation économique est morose. «La croissance tend à s’essouffler depuis 2012 compte tenu de l’atonie de la demande externe mais surtout de difficultés internes de plus en plus marquées, comme la multiplication des délestages électriques qui pèsent lourdement sur la croissance (entre 0,5 et 0,75 % de moins)», explique le Quai d’Orsay.

Le président Jacob Zuma en campagne à Pretoria, capitale de l'Afrique du Sud, le 5 juillet 2016. (REUTERS - Siphiwe Sibeko)

Autre problème majeur : la corruption, «particulièrement sensible au niveau local, où les conseillers profitent de leurs positions pour distribuer des faveurs à leurs proches», constate RFI.

La corruption touche le plus haut sommet de l’Etat. Le 24 juin, la justice a maintenu sa décision de poursuivre le président Zuma dans une affaire de contrat d’armement. La justice lui a par ailleurs demandé de rembourser 500.000 dollars d’argent public utilisés pour sa résidence privée. L’un de ses proches, l’ancien responsable de la police criminelle Richard Mdluli, est, lui, accusé de meurtre

L'ANC divisée
Dans ce contexte, le scrutin apparaît comme un test national pour l’ANC, usé par le pouvoir que le parti de Nelson Mandela exerce depuis 22 ans.

Tout au long de la campagne, l'opposition n'a pas hésité à utiliser le nom consensuel de Nelson Mandela pour convaincre les électeurs que l'ANC les a aujourd'hui trahis. «Ce n'est plus l'ANC de Madiba (nom de clan de Mandela, ndlr), ce n'est plus l'ANC pour laquelle j'ai voté en 1999. C'est un parti différent, corrompu et qui n'a pas d'intérêt pour les gens ordinaires», a ainsi lancé, le 2 août, Mmusi Maimane, le leader de la DA.

En face, le parti au pouvoir tente de ne pas paniquer. Ces dernières semaines, les cadres de l'ANC - y compris le président Jacob Zuma - ont fait campagne pour tenter de rassurer leur électorat. Le mot d’ordre interne est l’unité. Mais les adversaires de Zuma n’hésitent pas à s'afficher. Notamment les anciens présidents Kgalema Mothlante et Thabo Mbeki.

Ces divisions pourraient profiter aux Combattants pour la liberté économique (EFF), formation de gauche radicale emmené par le populiste Julius Malema. Fondé en 2013 par cet ancien leader des jeunes de l'ANC, les EFF vont participer à leur premier scrutin municipal. Ils devraient grignoter des parts de l'électorat le plus radical du parti au pouvoir. Leur parti défend «un discours fort sur la réappropriation des terres par la majorité noire et la nationalisation des mines» (France Inter). Mais Julius Malema n'exclut pas la possibilité d'une coalition avec un autre parti d'opposition si l'ANC était mise en minorité dans une grande ville. Même avec le centre-droit.

Pour autant, le parti au pouvoir n’est pas encore battu. «L'ANC est sous pression mais il y a toujours un grand nombre de votants indécis. Il ne faut jamais sous-estimer ce parti», estime Judith February, chercheur à l'Institut des études de sécurité (ISS), cité par l’AFP.

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