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Expropriations des terres en Afrique du Sud: le pire n'est pas forcément à venir

En Afrique du Sud, le projet d'expropriation sans compensation des terres au profit de la population noire alimente les craintes d'un «nouveau Zimbabwe». Pourtant, le gouvernement évalue différentes options dont celle d'une réforme bien moins radicale que le scénario parfois décrit par certains médias et discours politiques.
Article rédigé par Julie Bourdin
France Télévisions
Publié
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Audience publique, à Pietermaritzburg le 20 juillet 2018, du comité d'évaluation de la réforme constitutionnelle sur l'expropriation sans compensation des terres. (REUTERS/Rogan Ward)

La confusion règne en Afrique du Sud à propos de la réforme agraire promise le 31 juillet 2018 par le président Cyril Ramaphosa. Les inquiétudes sont importantes face à cette réforme constitutionnelle censée autoriser l’expropriation sans compensation de certaines terres agricoles au bénéfice de la population noire défavorisée. Certains craignent que l'on aboutisse à une situation «catastrophique», comme les évictions violentes au Zimbabwe dans les années 2000.

Pourtant, un scénario bien plus modéré est également possible, comme le montre une proposition soumise au comité d'évaluation de la réforme constitutionnelle.

Ainsi, selon des experts de l’Institut de recherche sur la pauvreté, la terre et l’agriculture (PLAAS) de l'Université du Cap Occidental, les fermes commerciales appartenant aux fermiers blancs pourraient ne pas être les premières visées par l’expropriation, contrairement à ce qu’affirment certains discours médiatiques et politiques.

Selon le chercheur Dr Ben Cousins, le comité chargé d’examiner la réforme constitutionnelle, censé se prononcer en septembre, aura le choix entre un amendement mineur ou une révision bien plus considérable de la Constitution, réclamée notamment par le parti de gauche radicale Economic Freedom Fighters (Les Combattants de la Liberté Économique) de Julius Manama.

Pour les chercheurs de l’institut PLAAS, un scénario modéré permettrait une réforme agraire plus efficace tout en rassurant les parties concernées. Plutôt que les larges fermes commerciales qui sont indispensables à l'auto-suffisance alimentaire dans le pays, d'autres types de propriétés terriennes pourraient être les premières à voir leurs droits de propriété redistribués.

Des bâtiments des centre-villes dont les propriétaires sont absents
«Dans certains cas, les propriétaires ont abandonné les immeubles, ne les entretiennent plus, ne fournissent plus de services et ne gèrent plus les charges», expliquent les chercheurs de PLAAS. Un transfert des titres de propriété aux occupants de ces bâtiments offrirait une solution partielle à la crise du logement en Afrique du Sud. «Cela contribuerait à transformer les relations de classe» dans des villes encore très ségréguées socialement et racialement, analyse le document du PLAAS.

Des terrains occupés par des bidonvilles et des habitats informels
Selon ce dernier, environ 14% des Sud-Africains vivent dans des habitats informels en bordure des villes. L’expropriation pourrait être un moyen de «sortir de l’impasse» dans ces cas où la terre n’est pas exploitée mais les habitants ne bénéficient pas non plus de reconnaissance formelle.

Des terres occupées et cultivées par des ouvriers agricoles locataires
Certaines familles habitent et cultivent depuis plusieurs générations des terres qui ne leur appartiennent pas, travaillant le plus souvent pour le compte du propriétaire terrien. «Ils font partie des dernières communautés de fermiers noirs qui n’aient pas été annihilées par les déplacements forcés de population [du temps de l’apartheid]», élabore la proposition de PLAAS : «ils ont un droit historique sur ces terres, et ils les cultivent déjà».

Des terrains inutilisés possédés par des entreprises publiques, surtout dans les zones urbaines ou péri-urbaines
Les entreprises publiques possèdent souvent des terrains bien situés dans les villes ou dans les banlieues, dont des zones peu occupées ou inutilisées. L'expropriation de ces derniers serait d’autant plus facile qu’ils appartiennent déjà à l’Etat, expliquent les experts.

Si le discours autour de l’expropriation sans compensation des terres tourne principalement autour de questions raciales et de craintes d’évictions des fermiers blancs, c’est parce que le débat est dominé par le parti radical des Combattants Économiques pour la Liberté d’un côté, et par des groupes de pression défendant les droits de la minorité blanche de l’autre, explique Ben Cousins.

«La population en a assez d’attendre que le gouvernement tienne ses promesses [de réforme agraire]», dans un pays où la minorité blanche possède encore 72% des terres agricoles privées, analyse-t-il. Le risque est aujourd'hui que les discours radicaux et «populistes» prennent le dessus sur une approche plus modérée et «rationnelle» de l’expropriation des terres. Un discours polarisé sur la réforme agraire ne contribuera qu'à alimenter les tensions et les inquiétudes.

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