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Afrique du Sud : les fantômes de l’apartheid rôdent sur les campus
Le président sud-africain Jacob Zuma s’en est personnellement inquiété le 6 octobre 2015 et a plaidé en faveur de «l’égalité raciale à l’université». Pour lui, les incidents survenus ces derniers mois «dans plusieurs universités historiquement blanches, sont liés aux inquiétudes suscitées par le rythme trop lent des transformations raciales».
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Les incidents ont démarré en mars 2015 à l’université du Cap dans le sud-ouest du pays. Des étudiants ont recouvert d’excréments la statue géante de Cecil Rhodes, magnat du diamant et personnage historique de la colonisation britannique. Pour ses détracteurs, ce symbole de l’oppression blanche n’avait pas sa place sur le campus.
Une polémique enflammée s’en est suivie sur l’histoire, la race et l’égalité. Les étudiants blancs ont dénoncé «une insulte à l’esprit de recherche inlassable du consensus entre toutes les communautés de Nelson Mandela».
Pour sa part, l’auteur de l’incident a expliqué à la BBC «qu’en tant qu’étudiant sud-africain noir, il considérait tout simplement comme une insupportable humiliation le fait de marcher chaque jour devant une statue glorifiant un véritable raciste». La statue a finalement été retirée du campus.
Les séquelles de la ségrégation raciale
D’autres incidents ont éclaté ces dernières semaines dans la prestigieuse université de Stellenbosch. Là-bas, c’est l’afrikaans, la langue de la minorité blanche, qui suscite la colère. Les étudiants noirs exigent le retrait de cette langue instaurée par l’apartheid. Ils demandent que les cours et les conférences soient dispensés en anglais, comprise par la majorité des Sud-Africains.
Le message a été reçu par le président Jacob Zuma. Devant les présidents des universités sud-africaines qu’il recevait le 6 octobre 2015 à Prétoria, il a souligné que «l’afrikaans ne doit pas être utilisé pour exclure les étudiants noirs»… des campus universitaires.
Des universitaires noirs se sont invités dans le débat sur des stations de radio. Dans leurs propos rapportés par la presse, ils ont dénoncé le fait que «les campus sont encore dominés par des hommes blancs et par une vision du monde anglo-saxon». De quoi réveiller les fantômes du régime de l’apartheid de sinistre mémoire.
Peu d’étudiants noirs réussissent leur cursus universitaire
Tous ces incidents illustrent les difficultés de la politique mise en place depuis l’avènement de la démocratie pour faciliter l’accès des Noirs à l’enseignement supérieur.
Le rapport publié par le conseil sud-africain de l’enseignement supérieur en août 2013 dresse un rapport particulièrement sombre. Il constate que 20 ans après la fin de l’apartheid, les étudiants noirs ont été nombreux à franchir les portes des universités, mais qu’ils peinent à se diplômer. «Seuls 5% finissent leur cursus dans le supérieur, contre 50% pour les Blancs», précise le rapport.
Parmi les principales raisons à l’origine de ces faibles performances académiques, le rapport insiste sur les mauvaises conditions économiques des noirs sud-africains : «Les étudiants noirs viennent de familles à bas revenus qui ne peuvent soutenir la poursuite de leurs études.» Les frustrations ne cessent de s'accumuler.
Les limites de la discrimination positive
Aujourd’hui, l’Afrique du Sud compte près d’un million d’étudiants dans l’enseignement supérieur. Avec un taux d’inscription pour les Noirs estimé à 79% et une représentation noire en augmentation dans l’administration universitaire. En 2005, seuls quatre des vingt-trois établissements publics d’enseignement supérieur sud-africains étaient encore présidés par des Blancs.
Pour combattre «les séquelles de l’apartheid», certaines écoles et universités ont opté pour une politique de discrimination positive. C’est le cas de la prestigieuse Université du Cap qui accepte des étudiants noirs ayant des notes moins élevées que les Blancs. Résultat : «Un grand nombre d’étudiants issus des écoles publiques noires entrent à l’université sans avoir le niveau suffisant et un tiers abandonnent à l’issue de la première année», explique un responsable de l’université.
Tout en reconnaissant que le système est imparfait, l’Université du Cap maintient que c’est la meilleure manière de progresser.
Cette politique dite de «transformation» suscite la controverse en Afrique du Sud. Pour les experts, le problème ne se limite pas seulement à l’enseignement supérieur. Il faut, affirment-ils, sortir l’enseignement primaire et secondaire de la médiocrité pour lutter contre l’exclusion des jeunes Sud-Africains et favoriser leur accès à l’enseignement supérieur. Un véritable défi dans une Afrique du Sud qui peine à effacer les inégalités et les injustices héritées de l’Apartheid.
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