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A quoi ressemble le patrimoine mondial détruit à Tombouctou ?

MALI - Sept des seize mausolées de la ville ont été pris pour cible par les islamistes d'Ansar Dine, qui contrôlent le nord du pays. Ils estiment que ces monuments relèvent de l'idôlatrie.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Destruction d'un mausolée à Tombouctou, au Mali, le 1er juillet 2012. (AFP)

Elle est surnommée "la cité des 333 saints". Depuis samedi 30 juin, la ville de Tombouctou, au Mali, voit ses mausolées détruits un à un par les islamistes du groupe Ansar Dine, qui contrôlent le nord du pays depuis début avril. A quoi ressemblent ces tombes ? Que symbolisent-elles et pourquoi sont-elles prises pour cible ? FTVi vous présente ce patrimoine mondial "en péril".

Pourquoi ces mausolées sont-ils sacrés ?

Classés patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988, ils abritent des saints pour les musulmans d'obédience soufie. Ces saints sont considérés, à Tombouctou, comme des protecteurs. Ils "représentent ceux que, dans la culture [catholique] occidentale, on appelle les saints patrons", explique un expert malien, spécialiste de l'histoire de Tombouctou et originaire de la ville. Certains sont sollicités pour les mariages, pour implorer la pluie, contre la disette... Ces mausolées sont "des composantes essentielles du système religieux dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers", affirme l'Unesco sur son site internet.

Comme on peut le voir sur ces images diffusées par France 2, certains des sites détruits comportaient des statues et des insignes funéraires.

  (FRANCE 2)

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Tombouctou compte par ailleurs trois grandes mosquées : Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia, joyaux architecturaux témoignant de l’apogée de la ville aux XVe et XVIe siècles. Toutes trois figurent sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.

La mosquée de Sankoré, à Tombouctou, au Mali. (NICOLAS THIBAUT / AFP)

• Quels sites ont été détruits ces derniers jours ?

Sept des seize mausolées de Tombouctou, pour la plupart en terre crue, ont été détruits en deux jours. Ces sites sont situés en ville, dans les mosquées ou dans des cimetières en périphérie de la cité. Samedi, les mausolées des cimetières de Sidi Mahmoud, dans le nord de la ville, d'Alpha Moya, dans l'est de la cité, et de Sidi Moctar, dans le nord-est, ont été pris pour cible. Voici des images de destruction tournées au cimetière de Sidi Mahmoud et diffusées par Al Jazeera sur YouTube (en anglais).

Dimanche, les hommes du groupe Ansar Dine ont également démoli à coups de houes et de burins quatre autres mausolées, dont celui de Cheikh el-Kébir, situés dans l'enceinte du cimetière de Djingareyber (sud).

L’AFP a publié lundi des images de la destruction d’un mausolée à Tombouctou, sans préciser où il se situe exactement.

Destruction d'un mausolée à Tombouctou, au Mali, le 1er juillet 2012. (AFP)

Des saints sont également enterrés dans les mosquées de Djingareyber et Sidi Yahia, selon un expert malien cité par l’agence de presse française. Lundi matin, des islamistes ont détruit l'entrée de la mosquée Sidi Yahia. Selon des témoins, "ils ont arraché la porte sacrée qu'on n'ouvrait jamais".

• Pourquoi sont-ils pris pour cible par les islamistes ?

Les salafistes d'Ansar Dine, qui veulent instaurer la charia (loi coranique) au Mali, estiment que ces mausolées érigés par les musulmans d'obédience soufie relèvent d'une idolâtrie bannie par l'islam. "La construction de mausolées funéraires est contraire à l'islam et nous les détruisons parce que la religion nous l'ordonne", a justifié Oumar Ould Hamaha, qui se présente comme un porte-parole de ce groupe lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Les islamistes affirment aussi réagir à la décision de l’Unesco, le 28 juin, d’inscrire Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril, qui compte 38 sites au total. Le tombeau des Askia, situé à Gao, autre ville du Nord malien tenue par des islamistes, a également été inscrit sur cette liste.

Le tombeau des Askia, situé à Gao, au Mali.  (SEUX PAULE / AFP)

• Quels sont les recours de la communauté internationale ?

L'Unesco a appelé au secours ses partenaires pour tenter de trouver une solution. Mais les organisations internationales ont peu de pouvoir.

L'Unesco lance un appel international pour le Mali ( EVN)

Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale, a déclaré dimanche à Dakar (Sénégal) que ces actes pouvaient être considérés comme un "crime de guerre", et donc passibles de poursuites. "Mon message à ceux qui sont impliqués dans cet acte criminel est clair : arrêtez la destruction de biens religieux maintenant, a-t-elle lancé. C'est un crime de guerre pour lequel mes services sont pleinement autorisés à enquêter."

Le gouvernement malien a également dénoncé pendant le week-end "la furie destructrice assimilable à des crimes de guerre" d'Ansar Dine. Et menacé leurs auteurs de poursuites au Mali et à l'étranger.

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