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Evacuations en Afghanistan : on vous résume les enjeux autour de la date de départ des Américains, fixée au 31 août

Les talibans s'opposent à la poursuite des évacuations au-delà de la fin du mois, et les Etats-Unis estiment qu'il leur est possible d'évacuer leurs derniers soldats de l'aéroport le 31 août. Mais les Européens jugent ce délai trop court.

Article rédigé par Rachel Rodrigues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les forces américaines évacuent des personnes à bord d'un avion militaire, le 20 août 2021, depuis l'aéroport international de Kaboul (Afghanistan). (SGT GLEN MCCARTHY / AUSTRALIAN DEFENCE FORCE)

Depuis la prise de pouvoir éclair par les talibans en Afghanistan, et leur conquête de Kaboul le 15 août, le chaos règne autour de l'aéroport de la capitale. Des milliers d'Afghans s'y pressent, dans l'espoir de pouvoir monter dans un des avions affrétés par les pays occidentaux. Mais les Afghans qui espèrent fuir le régime islamiste fondamentaliste pourront-ils encore le faire après le 31 août, date annoncée du départ des dernières troupes américaines qui contrôlent et sécurisent l'aéroport ? Rien n'est moins sûr. Explications.

Un report de la date butoir évoqué prudemment par Joe Biden

Le président américain, Joe Biden, a évoqué, lors d'une conférence de presse dimanche 22 août, la possibilité de prolonger au-delà du 31 août la présence américaine à l'aéroport de Kaboul, où sont retranchés les derniers soldats et diplomates occidentaux qui coordonnent les évacuations. Il avait auparavant fixé cette date pour l'achèvement du retrait des derniers militaires américains d'Afghanistan. Joe Biden avait cependant ajouté qu'il espérait ne pas avoir à prolonger la présence de ses troupes au-delà du mois d'août, laissant planer le doute.

Mais lundi 23 août, la Maison Blanche est revenue sur ces déclarations, en réaffirmant son objectif de boucler les évacuations de ses ressortissants avant la date fixée. "Comme le président l'a déjà dit, nous pensons avoir le temps, d'ici au 31 [août], d'évacuer tous les Américains qui le souhaitent", a indiqué lors d'un point presse le conseiller du président Joe Biden à la sécurité nationale, Jake Sullivan.

Les talibans refusent tout report

Les talibans s'opposent catégoriquement à une prolongation des opérations de l'armée américaine à Kaboul. Interrogé par la chaîne de télévision Sky News (en anglais) lundi, le porte-parole des combattants islamistes, Suhail Shaheen, a déclaré que les Américains s'exposaient à des "conséquences" s'ils ne respectaient pas la date de départ prévue. "C'est une ligne rouge, a affirmé le porte-parole, ajoutant que si les Etats-Unis prolongeaient leur présence, "cela signifie qu'ils prolongent l'occupation, alors que ce n'est pas nécessaire".

La menace talibane s'applique également au reste de la communauté internationale présente sur place. "Si les Etats-Unis ou le Royaume-Uni demandent davantage de temps pour poursuivre les évacuations, la réponse est non. Ou il y aura des conséquences", a assuré le porte-parole du mouvement.

Les talibans ont encore durci le ton, mardi 24 août, en prévenant que "les Occidentaux" ne devaient évacuer d'Afghanistan "que des étrangers, et non les Afghans les plus qualifiés". Des "experts afghans", tels que des ingénieurs, sont exfiltrés du pays par les Américains et leurs alliés, et "nous leur demandons d'arrêter cela", a déclaré un porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid, lors d'une conférence de presse à Kaboul. Il a également réaffirmé le refus des talibans d'étendre le délai consacré aux opérations d'évacuations.

Les Européens demandent un délai supplémentaire aux talibans

Plusieurs pays européens s'inquiètent de ne pas parvenir à exfiltrer tous leurs ressortissants et les candidats à l'exil d'ici la date butoir. Le délai du 31 août "ne suffira pas" pour évacuer du pays "tous ceux que nous voulons faire sortir", a ainsi redouté, mardi, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, dans un entretien à Bild

"Un délai supplémentaire est nécessaire pour mener à bien les opérations en cours", a insisté le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, lundi. Son chef de cabinet a expliqué mardi que le pont aérien que Paris a mis en place entre l'Afghanistan et la France pourrait prendre fin "jeudi soir" si les Etats-Unis maintiennent leur retrait au 31 août, en raison du "rétroplanning" – un terme employé par les militaires sur place, qui signifie que les troupes françaises devraient se retirer cinq jours avant la date de départ des soldats américains.

En Espagne, l'inquiétude est la même, alors que les conditions d'évacuation se compliquent. Le gouvernement espagnol a affirmé, mardi, que toutes les personnes qu'il souhaitait évacuer d'Afghanistan ne pourraient pas être exfiltrées de Kaboul, à cause de la situation "vraiment dramatique" sur le terrain. "Les talibans deviennent plus agressifs, il y a des tirs, il y a une situation de violence plus évidente, les contrôles sont chaque fois plus durs. (...) La situation est vraiment dramatique et ça devient chaque jour de pire en pire, parce que les gens sont conscients que les délais se réduisent", a averti mardi la ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, sur la radio espagnole Cadena Ser. 

"Si les Américains partent, les Européens n'ont pas la capacité militaire d'occuper et de sécuriser l'aéroport militaire et les talibans prendront le contrôle."

Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne

à l'AFP

Amnesty International a appelé à ne pas céder à l'ultimatum. "On ne peut pas laisser tomber l'aéroport simplement parce que les talibans le réclament", a affirmé, mardi à l'AFP, Agnès Callamard, secrétaire générale de l'ONG. Le sujet a été au centre d'un sommet virtuel des dirigeants du G7 mardi. Les dirigeants des grandes puissances posent comme "première condition" aux talibans après leur arrivée au pouvoir de "garantir un passage sûr" pour ceux qui veulent quitter l'Afghanistan "jusqu'au 31 août et au-delà", a averti le Premier ministre britannique, Boris Johnson, qui préside le groupe. La communauté internationale tente donc de continuer de faire pression pour poursuivre les évacuations.

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