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Afghanistan : "Il n'y a pas plus de talibans modérés que de nazis modérés au siècle dernier", estime le journaliste Pierre Servent

Le spécialiste des questions de défense et de stratégie militaire rappelle que les talibans essaient "d'avoir l'air le plus honorable possible pour pouvoir discuter" notamment avec la France.

Article rédigé par franceinfo
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Des combattants talibans gardent un barrage routier à proximité de la place Zanbaq à Kaboul en Afghanistan le 16 août 2021. (WAKIL KOHSAR / AFP)

"Les talibans essaient de se refaire une virginité depuis qu'ils sont arrivés au pouvoir", a déclaré Pierre Servent, journaliste spécialiste des questions de défense et de stratégie militaire dimanche 29 août sur franceinfo. "Ils essaient d'avoir l'air le plus honorable possible pour pouvoir discuter avec tout le monde. D'ailleurs ils le font, puisque des contacts ont été engagés avec la France pour faciliter les évacuations", a-t-il poursuivi. Mais, a-t-il averti "ne nous faisons pas d'illusion, il n'y a pas plus de talibans modérés que de nazis modérés au siècle dernier".

"Un certain nombre de problèmes", notamment financiers à régler

"Entre 1996 et 2001, ils ont été absolument incapables de gérer l'Etat", a rappelé Pierre Servent. "L'Afghanistan était sous perfusion des ONG alors que les talibans ne s'occupaient que des problèmes de charia, d'exécution de femmes, du ministère du vice et de la vertu", a-t-il précisé, estimant qu'ils vont devoir désormais résoudre "un certain nombre de problèmes", notamment financiers, pour gouverner.

Concernant leur prise de pouvoir rapide, Pierre Servent a expliqué que les talibans avaient "grignoté du terrain en continu" à partir des années 2004-2005, "constatant les difficultés des Américains en Irak", jouant sur "l'absence de véritable sentiment national" et le fait qu'une partie de la population reste "nostalgique" des talibans, adhérant à l'idéologie de la charia et conservant des années 1996-2001 "le souvenir de plus de sécurité".

"Les formations des militaires étaient bonnes, efficaces sur le terrain, mais cela n'a pas tenu parce qu'on a découvert ces derniers mois que des bataillons entiers étaient des bataillons fantômes"

Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et de stratégie militaire

franceinfo

Par ailleurs, "les talibans ont payé des seigneurs de guerre pour qu'ils ne combattent pas, rendant la corruption extrêmement active". "Tout l'Etat s'est déglingué et s'est vidé de son essence", a expliqué le journaliste et spécialiste des questions de défense et de stratégie militaire.

Selon lui, jusqu'au 31 août et le retrait des Américains, la menace terroriste reste forte. "C'est certain que les Américains risquent de devoir frapper à nouveau s'il y a des attentats", a-t-il indiqué, estimant que 'l'État islamique' "cherche à frapper l'opinion et à accentuer ce sentiment de désarroi vis-à-vis des Américains."

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