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À Soweto : "J'attends que monsieur Mandela parte pour pleurer"

REPORTAGES | Les habitants de l'ancien fief de la résistance à l'apartheid se résignent à voir disparaître leur "tata" (père) de 94 ans, placé sous assistance respiratoire. Les médias du monde entier se sont installés devant l'ancienne maison de Nelson Mandela, transformée en musée. Nos envoyés spéciaux sont sur place.
Article rédigé par Antoine Krempf
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Franceinfo (Franceinfo)

La rue Villa Kasi est la plus animée du township de
Soweto. C'est ici que se trouve l'ancienne maison de Nelson Mandela, des murs
de briques rouges transformés en musée il y a une quinzaine d'année. Les
habitants du haut-lieu de la lutte contre l'apartheid attendent avec
résignation la mort de "Madiba".

"Il ne faut plus qu'il souffre.
Si on lui a mis des tuyaux pour respirer, il faut les retirer. Nous, les noirs,
il faut nous laisser partir quand c'est l'heure
", dit un voisin venu
remplir une bouteille de Coca consignée à l'épicerie du coin. Un autre explique
qu'il n'achète plus le journal "parce que c'est tous les jours la même
chose. On nous donne aucun détail sur l'état de santé de Madiba
".

Saison basse pour les commerçants

Sur les trottoirs, les marchands ont du mal à vendre leurs
casquettes et leurs drapeaux sud-africains. Même le t-shirt Nelson Mandela à
cinq euros ne part pas. "C'est l'hiver ici, la saison morte. Les touristes
se dépêchent d'aller au musée avant que la nuit tombe
", explique Monique. Mais
la jeune femme a trouvé une parade.

Comme des dizaines d'autres riverains, elle
a loué son allée de parking à une chaîne de télévision. D'après un
voisin, les médias sont prêts à débourser 150 Rand (environ 14 euros) par jour
pour garer leur camion satellite. Les enfants aussi cherchent à s'occuper
pendant leurs vacances scolaires et jouent aux gardiens de parking.

"Un mouvement, une agitation, et je saurais "

Elisabeth, elle, s'est assise sur l'un des plots en béton
qui jalonnent la rue du Township. Ce n'est pas pour se recueillir qu'elle vient
s'installer depuis près d'une semaine devant l'ancienne maison de Nelson
Mandela. À 67 ans, elle regarde les nombreux journalistes présents : "Vous
autres, les médias, vous serez les premiers à savoir si Tata meurt. Je ne veux
pas attendre l'annonce devant ma télévision. Alors je vous observe. J'attends
un mouvement, une agitation. À ce moment-là, je saurai. Je pourrai pleurer.
"

Elisabeth peut encore attendre. Le président sud-africain,
Jacob Zuma, a une nouvelle fois pris la parole ce mercredi pour dire que "Madiba
reste dans un état critique mais stable. Nous devons continuer à prier chaque
minute pour lui et sa famille
". Nelson Mandela est placé depuis plusieurs heures sous assistance respiratoire ; le président Jacob Zuma a annulé un voyage prévu de longue date au Mozambique, alimentant les inquiétudes.

Pourtant, Elisabeth pensait que ce serait pour aujourd'hui. La réunion de famille dans le village de naissance de "Madiba", "c'est pour demander aux anciens de l'accueillir parmi eux. C'est comme ça qu'on fait, nous les noirs ".

La vie continue

L'inquiétude n'empêche pas les habitants du township de poursuivre leur vie quotidienne. C'est ce qu'ont pu constater Véronique Rebeyrotte et Gilles Gallinaro.

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