Les orages dans le Sud et le temps sec dans le Nord sont-ils anormaux ? "On a une fausse image du printemps", répond un prévisionniste météo
De violents orages ont secoué la moitié sud de la France, samedi 3 et dimanche 4 juin. L'équivalent d'un mois et demi de précipitations s'est ainsi abattu en une heure sur Lyon. Pendant ce temps, la moitié nord de l'Hexagone profitait d'une nouvelle journée ensoleillée et sèche. A Paris, il n'a pas plu depuis trois semaines, pointait dimanche l'agrométéorologue Serge Zaka sur Twitter. Une distinction géographique qui contredit les clichés associant le beau temps aux latitudes les plus méridionales. "La météo perd le nord", titre mardi 6 juin Le Parisien / Aujourd'hui en France. Prévisionniste pour Météo France, Patrick Galois nuance ce constat auprès de franceinfo.
Franceinfo : La moitié nord de la France vit un temps chaud et sec depuis la mi-mai, tandis que dans le sud, la période est plus arrosée. Est-ce une situation anormale ?
Patrick Galois : On a une fausse image du printemps, véhiculée par les clichés que l'on peut tous avoir dans la tête. Le mois de mai est en général assez arrosé, c'est même l'un des mois les plus arrosés dans certaines régions. Y voir des orages n'est donc pas anormal. D'autant que la distinction Nord-Sud est assez vague : le Sud-Ouest, l'Aquitaine notamment, n'a pas le même climat que la Côte d'Azur.
De même, on peut avoir des anticyclones qui remontent et génèrent des séquences de beau temps dans la moitié nord, davantage qu'au sud. Souvenez-vous qu'en 2020, pendant le premier confinement, Le Touquet (Pas-de-Calais) avait été la ville la plus ensoleillée de France.
Peut-on établir un lien entre ces deux phénomènes simultanés ? Le terme de "marais barométrique", parfois utilisé pour désigner la situation actuelle, est-il juste ?
Les anticyclones, qui en migrant vers le nord assurent du beau temps, peuvent dévier la trajectoire des perturbations vers la Méditerranée. Je ne pense pas, en revanche, que le terme de "marais barométrique" soit adapté. Il décrit une situation dans laquelle la France entière connaîtrait peu de flux, c'est-à-dire ni anticyclone ni dépression. Or, ce n'est pas le cas : dans la moitié nord, il y a un anticyclone et du vent.
Il est vrai que c'est moins le cas sur la moitié sud. Cela explique aussi que les orages, quand ils ont lieu, se déplacent lentement, entraînant des précipitations disparates selon les lieux et importantes localement.
On peut craindre une sécheresse importante pour le deuxième été consécutif. La météo de ces dernières semaines a-t-elle changé la donne, positivement dans le sud ou négativement dans le nord ?
Dans la moitié nord, on ne peut pas dire qu'il y ait eu un beau printemps. La pluviométrie était excédentaire jusqu'à la mi-mai. Là, trois semaines sans pluie se sont succédé, mais ce n'est pas non plus exceptionnel et on attend le retour de la pluie et des orages pour la fin de semaine.
Inversement, dans le sud, les sols étaient exceptionnellement secs. Certes, la situation s'est améliorée avec des orages, mais par définition, ils apportent des pluies très hétérogènes, certains endroits étant moins bien arrosés que d'autres. Au printemps, ces pluies ont aussi pour défaut d'être en grande partie absorbées par la végétation. Elles ne ruissellent pas autant dans les sols jusqu'aux nappes phréatiques que lors de la saison de recharge, qui dure de septembre à mars. Ces quelques semaines ont donc permis une amélioration superficielle, mais on constate encore des situations de stress important, notamment vers le Languedoc-Roussillon.
De tels phénomènes peuvent-ils devenir plus courants du fait du dérèglement climatique ?
Il ne faut pas mélanger météo et climat. La séquence sèche de quelques semaines que l'on a connue, on en a vécu d'autres dans le passé. Ce qui peut jouer, c'est que les températures atteintes sont plus hautes, donc provoquent une sécheresse plus intense. Mais en elle-même, la séquence dans le nord n'est pas de l'ordre de l'inédit, pas plus que les orages dans la moitié sud de la France. Certaines sécheresses qui existaient déjà climatiquement pourraient devenir plus fréquentes, plus longues et avoir plus d'impact. Mais ce sont des phénomènes naturels qui s'accroissent.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.