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"Tout a été arraché" : des sinistrés reviennent chez eux pour la première fois après les inondations dans l'Aude

Article rédigé par Clément Parrot - Envoyé spécial à Trèbes (Aude)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'appartement de Sophie et Raphaël après les inondations à Trèbes (Aude), le 16 octobre 2018. (CLEMENT PARROT / FRANCEINFO)

Sophie et Raphaël se sont retrouvés pris au piège dans leur appartement de Trèbes, situé tout près de l'Aude. Mardi, ils sont retournés dans leur logement dévasté. Franceinfo les accompagnait.

Sophie et Raphaël n'ont pas besoin de franchir le seuil de leur appartement pour constater les dégâts. La porte est au sol. De la rue, on aperçoit le couloir, où stagnent quelques centimètres d'eau, et la fenêtre de la salle de bains, qui donne de l'autre côté du bâtiment. "Tout a été saccagé. Là, il y avait deux chambres et il n'y a plus rien", constate Raphaël en entrant. Comme de nombreux habitants de Trèbes, le jeune couple a été victime des débordements impressionnants de l'Aude, lundi 15 octobre.

Après avoir passé la nuit au dojo, un gymnase de la ville mis à la disposition de la municipalité pour accueillir les sinistrés, ils reviennent pour la première fois dans leur logement, situé au rez-de-chaussée d'un petit immeuble et dont ils sont locataires depuis deux ans. La scène les laisse sans voix. Le mur entre les deux chambres a cédé sous la pression de l'eau et les meubles encombrent l'espace, dans tous les sens. En se retirant, l'eau a laissé place à d'innombrables débris. "Tous les compteurs, tout a été arraché", souffle Raphaël, qui porte un pull que lui ont prêté les sapeurs-pompiers. Lui-même est pompier volotaire. 

Dans le salon, la télé a échoué au sol et le frigo est couché sur le dos. Il ne reste plus grand chose non plus de la salle de bains, au fond de l'appartement. Avant d'entamer le déblayage, Sophie prend des photos du capharnaüm pour les assurances. Le couple tente de sauver ce qui peut encore l'être. La jeune femme de 23 ans ramasse une pochette contenant des papiers. Raphaël cherche, lui, sa sacoche où est rangé son ordinateur contenant toutes leurs photos personnelles : "Tout ce qu'on peut récupérer, on essaye." Ils poursuivent leur exploration, poussant régulièrement des soupirs de désolation.

Piégés par la montée des eaux

Tout en ramassant des affaires, Raphaël revit l'épreuve qu'ils ont traversée la veille. Vers 4h40 du matin, dans la nuit de dimanche à lundi, le jeune homme de 24 ans est réveillé par un bruit de ruissellement. "La lumière ne fonctionnait pas, j'ai pris mon téléphone et vu que j'avais de l'eau au niveau de mes chevilles. J'ai réalisé qu'il y avait un problème", raconte-t-il. "Premier réflexe : on essaie de prendre des vêtements pour se couvrir parce que l'on se dit que l'on va avoir froid." 

Raphaël tente alors d'ouvrir la porte du salon pour récupérer leurs portefeuilles et leurs papiers d'identité. En vain. Une baie vitrée lâche et l'eau commence à s'engouffrer rapidement, très rapidement. La porte d'entrée cède également. Le couple sait qu'il est pris au piège, n'ayant pas d'étage où se réfugier. "Là on réfléchit, et on se dit 'Qu'est-ce qu'on peut faire ?'. On réalise qu'on ne peut rien faire", se souvient Raphaël.

Lutter pour ne pas être emportés

"On attend que le niveau de l'eau monte au maximum et à un moment on n'avait pas d'autres choix que de sortir", ajoute-t-il. Entre temps, le couple a pu appeler les secours pour expliquer sa situation. Mais en attendant l'arrivée de sauveteurs, il faut tenir et ne pas se faire emporter par le courant.

On s'est agrippés sur les fenêtres, avec les jambes dans les coins. On attendait avec la tête qui dépassait de l'eau. Mais l'eau continuait à monter. L'attente est longue dans ces cas-là...

Raphaël

à franceinfo

Raphaël et Sophie patientent plus de quatre heures, le corps immergé dans l'eau. "On commençait à avoir des crampes aux jambes, aux bras, partout", frissonne encore la secrétaire comptable. Il faut tenir à bout de bras El Chapo – "Oui, comme le narcotrafiquant", sourit la jeune femme –, le jeune bouledogue âgé de 1 an, pour lui maintenir la tête hors de l'eau. "On a voulu sauver le chien. On l'a pris, même s'il était lourd [10 kg], on s'est dit qu'on ne le lâcherait pas parce qu'on y tient", explique Raphaël. L'animal aussi est traumatisé. Quand son maître le prend dans ses bras, il s'agrippe comme s'il ne voulait pas se faire emporter par les flots.


"On a cru qu'on allait mourir"
, lâche finalement Raphaël. D'ailleurs, vient le moment où, accrochés à leurs fenêtres, ils décident d'appeller leurs familles pour leur dire qu'ils ne sont pas être sûrs de survivre à la montée des eaux.

Les secours nous disaient qu'ils allaient arriver, mais on se doutait qu'il y avait des besoins partout.

Raphaël

à franceinfo

Les voisins, eux, ne peuvent pas leur venir en aide. Faute de mieux, la voisine du dessus leur lance un drap qui va leur servir à indiquer qu'ils sont toujours en vie, en le tirant à intervalles réguliers. Et les secours finissent par arriver. Le couple se fait hélitreuiller avec El Chapo dans les bras, avant d'être acceuilli au dojo de Trèbes.

L'évocation de ces souvenirs reste difficile pour Sophie qui ne peut retenir ses larmes quand ses parents les retrouvent sur place mardi soir. La mère de Sophie ne peut cacher son soulagement de voir sa fille en vie et craque également. "On a eu si peur", explique-t-elle, avant de remercier à maintes reprises Raphaël d'avoir pris soin d'elle. Pour Sophie et Raphaël, il va désormais falloir nettoyer, vider et reconstruire. Il faudra également gérer le choc psychologique de cette épreuve. En attendant, Raphaël résume l'essentiel : "Le plus important, c'est que l'on soit en vie tous les trois."

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