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Vidéo L'homme au coeur du climat, le projet de Vincent Hilaire au Groenland

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min - vidéo : 4min
Vincent Hilaire et le projet Greenlandia
Vincent Hilaire et le projet Greenlandia Vincent Hilaire et le projet Greenlandia (M. Herenstein / S. Tallois / V. Dessoudres / FranceTélévisions)
Article rédigé par Marie Herenstein
France Télévisions - Rédaction Culture

Amoureux des régions polaires qu'il arpente depuis plus de 10 ans, Vincent Hilaire s'est lancé dans un projet ambitieux : recueillir et transmettre la parole des populations soumises aux changements climatiques. La partie scientifique du projet Greenlandia devait débuter cet été à Ittoqqortoormiit, petit village de la côte Est du Groenland. Conséquence de la pandémie de Covid-19, le départ a été retardé.

C'est un petit village au nom difficilement prononçable au premier abord: Ittoqqortoormiit, 360 âmes, est isolé par 70° nord, sur la côte Est du Groenland. Seule communauté à des centaines de kilomètres à la ronde, elle est située à proximité de l'embouchure du Scoresby sund, le plus grand système de fjords au monde. C'est dans cet environnement rude et difficilement accessible que Vincent Hilaire, journaliste, photographe et écrivain, avait choisi de débuter l'aventure de Greenlandia, un programme d'ethnologie climatique sur lequel il travaille depuis plus de 5 ans.  

C'est à Ittoqqortoormiit, village de la côte est du Groenland, que débute le projet Greenlandia (GOOGLE MAPS)

Le projet, minutieusement préparé après plusieurs repérages sur place et des échanges fructueux avec les villageois, avait déjà surmonté bien des difficultés. Le décompte pour le départ de la première mission s'égrénait au rythme des secondes sur le site internet : plus que quelques mois avant août 2020 et l'embarquement d'une équipe pour Ittoqqortoormiit ! Et puis est arrivée la crise mondiale liée au Covid-19 qui a tout chamboulé. Incertitudes sur l'ouverture de l'espace aérien vers le Groenland (via le Danemark), sur les obligations de "quatorzaine", même avec une option bateau, des risques de surcoût ingérables ... "On ne coche pas la case sanitaire, regrette Vincent Hilaire.

On est susceptible de contaminer une population jusqu'à présent préservée.

Vincent Hilaire

Nous avons donc pris la décision de poursuivre mais de faire les choses dans un ordre différent." C'est donc avec une mission pédagogique que Greenlandia va entrer dans le vif du projet, en mettant en relation, à la rentrée de septembre si tout va bien, le collège d'Ittoqqotoormiit et un établissement breton en périphérie de Rennes. Des contacts sont déjà bien engagés pour mettre au point les contenus et permettre des échanges, au moins virtuels, entre élèves. Ce temps modifié permettra aussi de concrétiser des partenariats et d'en chercher de nouveaux, indispensables financièrement. Les missions scientifiques sur le terrain et les reportages photos et documentaires attendront des jours meilleurs, sans doute en 2021.

Le village d'Ittoqqortoormiit, sur la côte est du Groenland (©Vincent Hilaire)

Greenlandia, c'est le fruit d'années de voyages au long cours auxquels Vincent Hilaire a participé, notamment à bord de la goelette Tara en Arctique. "A germé en moi cette idée que c'est essentiel de faire de la science pour comprendre pourquoi le climat se dérègle" raconte-t-il. Ainsi que l'envie de transmettre au plus grand nombre. "Mais est-ce que cette science est audible par le public quand on lui dit qu'en 2100, l'océan pourrait monter de 6 mètres ? On a du mal, ça nous dépasse. On a besoin de choses plus concrètes. Je pense que le meilleur moyen de sensibiliser, de partager, de transmettre, c'est d'aller voir les populations et de leur demander comment elles s'adaptent. Très souvent, on porte cette parole à travers notre vision. Mais leur culture et la notre ne sont pas les mêmes. Mettre l'homme au coeur du projet, c'est le principe même de Greenlandia."

Les premières oies sont déjà là!

Et il y a urgence. "On sait que l'Arctique se réchauffe deux fois plus qu'ailleurs dans le monde" poursuit-il. Depuis 2015 et la première mission de repérage, les températures ont grimpé de 3 degrés en moyenne chaque année ! Au dessus des 2 degrés prévus par l'accord de Paris... "Ici, la banquise fond. Il y a une dizaine d'années, on disait qu'elle avait perdu 70% de son volume. Aujourd'hui on serait à 90%. Ce qui veut dire que le territoire de chasse de toutes ces populations est en train de disparaitre." 

Les habitants confirment que la qualité de la banquise est de moins en moins bonne, que les ours blancs viennent plus fréquemment roder près du village, avec les problèmes de sécurité que cela engendre. Ils disent aussi qu'il y a de plus en plus de tempêtes et de pluie. En ce printemps 2020, Scoresby Hammeken "Inuta", doyen des chasseurs du village - qui correspond via les réseaux sociaux avec Vincent Hilaire-, lui a raconté que la débacle avait commencé cette année avec un mois d'avance et qu'il avait vu arriver les premières oies, bien plus tôt que d'habitude. C'est le fragile équilibre de tout l'écosystème qui se trouve menacé ainsi qu'une partie du mode de vie des habitants, quand bien même les Groenlandais ont la réputation d'être des "champions de l'adaptation".

Moins de chiens, moins de chasseurs, une banquise plus fragile, les conditions de vie ont beaucoup changé (©Vincent Hilaire)

Aujourd'hui, 360 personnes vivent à Ittoqqortoormiit contre près de 800 il y a un siècle, à l'installation de cette petite communauté. En 2004, on comptait 500 chiens de traineaux, indispensables pour se déplacer et chasser sur la glace pendant le long hiver. Aujourd'hui il y en a moitié moins. Le nombre de chasseurs n'a cessé de diminuer lui aussi. Ils étaient une centaine il y a près de cinquante ans, qui pourvoyaient 80% de la nourriture du village. Ils ne sont désormais plus qu'une dizaine mais fournissent encore 90% des protéines animales fraiches (ours, phoques, boeufs musqués...). Le reste se trouve au supermarché où les prix sont élevés. "Tout le poids est sur leurs épaules et ils sont de moins en moins nombreux à faire le choix de ce métier" constate Vincent Hilaire. 

Dans les pas du commandant Charcot

Pour rendre compte le plus précisément de toutes ces évolutions, Vincent Hilaire a décliné son projet en trois volets : pédagogique donc, mais surtout scientifique et documentaire. La partie scientifique - ethnologie, sciences humaines et sociales, géologie - se fera notamment en collaboration avec le muséum d'histoire naturelle de Paris. Dans la collection de minéralogie du musée sont d'ailleurs stockés les échantillons de roches rapportés par le commandant Charcot lors de ses expéditions dans le Scoresby sund avec le Pourquoi Pas, entre 1915 et 1936. "Il y avait une dimension symbolique, une suite historique, l'envie, très modestement, de poursuivre son oeuvre" s'enthousiasme Vincent Hilaire. 

Dans la réserve du Museum d'histoire naturelle de Paris, les tiroirs contenant les roches rapportées par le commandant Charcot. (©France Télévisions / Marie Herenstein)

Pendant que certains recueilleront les témoignages des villageois, d'autres seront chargés d'échantillonner l'environnement pour recueillir des données en climatologie, météorologie, glaciologie, biologie... Dans le même temps, le directeur de Greenlandia souhaite développer une partie documentaire, avec la production de photos, d'articles, de films pour la télévision, qui serviront de support à des conférences ou des expositions, avec l'idée de "créer un fond documentaire pour montrer comment le monde change et faire évoluer les consciences".

"On est à un moment clé de l'humanité. Très modestement, avec Greenlandia, on veut être des passeurs, que l'homme reste connecté à l'homme pour ne pas que certains décident à la place des autres" conclut Vincent Hilaire. Et de rêver déjà à d'autres rencontres, ailleurs, autour de la problématique des inondations au Bangladesh ou de l'agriculture sur les contreforts des Andes par exemple. Le monde est vaste et partout les hommes tentent de s'adapter.

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