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On vous explique pourquoi l'UE a échoué à adopter la neutralité carbone d'ici à 2050

Quatre pays se sont opposés, jeudi, à l'accord : la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et l'Estonie. Les 24 autres Etats s'étaient pourtant prononcés pour le texte.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le Premier ministre croate Andrej Plenkovic (à g.), le Premier ministre néerlandais Mark Rutte (au centre) et le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki (à droite), le 21 juin 2019 à Bruxelles.  (DURSUN AYDEMIR / ANADOLU AGENCY)

Mauvaise journée pour les ambitions environnementales de l'Union européenne. Jeudi 20 juin, à Bruxelles, les dirigeants européens réunis en Conseil n'ont pas réussi à s’accorder sur un objectif de neutralité carbone en 2050. La France et l'Allemagne, qui soutiennent ce projet, se sont heurtées à l'opposition de la Pologne, soutenue par la Hongrie, la République tchèque et l’Estonie. "Nous ne pouvions prendre d'engagement sans en connaître le coût", a déclaré un diplomate de l'un des pays opposés au projet. 

"Il faut continuer à convaincre", a martelé de son côté la députée européenne LREM Nathalie Loiseau, précisant toutefois que 24 pays membres avaient déjà adhéré à l'objectif.

Mais au fait, que recouvre le terme de "neutralité carbone" ? Et pourquoi ces quatre Etats de l'Est n'ont pas adhéré à l'objectif 2050 ? 

Qu’est-ce que la neutralité carbone ?

Le principe de neutralité carbone consiste à ne pas émettre plus de gaz à effet de serre qu’un pays ne peut en absorber grâce, notamment, à ses écosystèmes. De ce principe découle celui de "compensation carbone" qui consiste, pour les Etats, à réduire leurs émissions de CO2 en finançant des systèmes de compensation. Plusieurs possibilités existent : planter des arbres par exemple, ou investir dans des énergies renouvelables.

Le principe de neutralité carbone est inscrit dans l’Accord de Paris. Ce texte a été adopté lors de la COP21, en décembre 2015. Les pays signataires s’étaient engagés à annoncer, d’ici à 2020, de nouveaux efforts pour tenter de contenir le réchauffement de la planète en dessous de 2 °C. Les Nations unies incitent les gouvernements à réduire de 45% leurs émissions de gaz à effet de serre sur les dix ans à venir pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Sous l'impulsion de la France, 18 pays se sont engagés sur cet objectif, notamment l'Allemagne, marquée par la forte progression des Verts lors des élections européennes, et l’Italie, qui a récemment publié des notes dans ce sens. Le Royaume-Uni a aussi annoncé que l'objectif serait prochainement inscrit dans la loi, alors que la Finlande vise même la neutralité carbone en 2035.

Pourquoi les chefs d’Etat européens ne sont pas parvenus à un accord ?

Réunis à Bruxelles pour attribuer les grands postes du futur exécutif européen, les dirigeants des 28 Etats membres devaient également définir les modalités pour atteindre cet engagement.

Après cinq heures de difficiles négociations, 24 des 28 Etats membres ont basculé en faveur de cet objectif. La Pologne, la Hongrie et la République Tchèque et l'Estonie s'y sont opposés. Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a dit avoir "défendu les intérêts de la Pologne". Il a expliqué  qu'il ne voulait pas que "les entrepreneurs polonais subissent des coûts hors de proportion avec leur consommation d'énergie et les émissions de CO2 qu'elle entraîne".

La Pologne et la Hongrie de Viktor Orban réclament des fonds européens supplémentaires pour financer leur transition écologique. Ces pays la jugent en effet plus coûteuse que celle de leurs voisins européens. La part des énergies fossiles reste en effet élevée dans ces Etats. Le charbon est la principale source d'énergie de la Pologne et, à un degré moindre, de la République tchèque. Il est beaucoup moins important pour la Hongrie, tandis que l'Estonie est concernée car elle puise l'essentiel de son énergie dans les schistes bitumineux.

Côté tchèque, le Premier ministre, Andrej Babis, a qualifié d'"hystérie écologique" les efforts en vue de fixer des objectifs plus stricts en matière de climat, selon le quotidien économique Hospodarske Noviny.

Peut-on espérer arriver à un futur consensus ? 

Jeudi soir, les diplomates tentaient de relativiser cet échec : "Cela n’est pas la fin de l’histoire, notre ambition reste intacte et nous tenterons de nouveau de nous entendre à l’unanimité avant décembre", expliquait l'un d'eux au Monde. Faute d'accord, le Conseil européen s'est borné à mandater la Commission pour travailler "les conditions, les incitations et le cadre à mettre en place, afin de déterminer comment assurer une transition" vers les objectifs fixés par l'Accord de Paris, sans toutefois mentionner de date. "Il faut aider ces pays à faire la transition, qui est plus difficile que pour d'autres, plus avancés en matière d'énergies propres", a souligné une source à l'Elysée. Mais cela ne doit pas "servir d'alibi pour de faibles engagements climatiques", a ajouté la même source. 

Car les dirigeants européens ont la pression. Après le bon score des écologistes aux élections européennes le 26 mai, une tribune de sept ONG, publiée le 15 juin dans le Journal du dimanche, demande à l'UE de "placer la lutte contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité au cœur de leurs actions". Surtout, l'Union européenne, troisième pollueur mondial après la Chine et les Etats-Unis, risque désormais d'arriver sans engagement commun au sommet Action climat organisé par les Nations unies le 23 septembre. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a d'ailleurs décidé de mettre la pression en incitant les Etats à venir avec des plans "réalistes et concrets", et non pas des discours.  

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