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Quatre questions autour du projet de loi sur la fin de l'exploitation des hydrocarbures

L'Assemblée nationale a adopté mardi 10 octobre, en première lecture, le projet de loi sur la fin de l'exploitation des hydrocarbures en France d'ici 2040. Le texte est porté par le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le site d'exploitation du gaz de Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, pris en photo le 9 octobre 2013. (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

Le candidat Emmanuel Macron avait promis de sortir la France des énergies fossiles. Le président a-t-il tenu son engagement ? Mardi 10 octobre, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi "Hulot", qui met fin à l'octroi de permis de recherches d'hydrocarbures. Faut-il voir la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine ? Eléments de réponse, autour de quatre questions.

1Que contient le projet de loi ?

Le texte prévoit de ne plus délivrer de nouveau permis d'exploration d'hydrocarbures, liquides ou gazeux. Le charbon est également concerné. L'objectif est de permettre une cessation progressive, d'ici 2040, de la recherche et de l'exploitation des gisements d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels (gaz de schiste, sables bitumineux, hydrates de méthane...).

Ce projet de loi complète la loi de 2011, qui interdisait l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels avec l'emploi de la technique de la fracturation hydraulique. Le nouveau texte prévoit que les concessions d'exploitation accordées après la promulgation de la loi à un titulaire d'un permis de recherches (en vertu du "droit de suite") ne pourront aller au-delà de 2040.

Le non-respect de l'interdiction peut entraîner le retrait du permis de recherches, et une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.

Enfin, pour les hydrocarbures non conventionnels, l'extraction est désormais interdite, quelle que soit la technique utilisée. Exception faite du gaz de mine (le grisou, composé essentiellement de méthane) pour des raisons de sécurité, notamment. Ce dernier continuera d'être capté pour éviter son évacuation dans l’atmosphère, qui peut créer des risques d'explosion et l’émission de grandes quantités de gaz à effet de serre.

2Quels sont les reculs du texte ? 

Lors des débats dans l'hémicycle, les députés ont voté des exceptions, justifiées, selon eux, par la nécessité de "sécuriser" juridiquement le projet de loi. 

Un industriel pourra poursuivre l'exploitation s'il n'est pas rentré dans ses frais. Un amendement du gouvernement a en effet été voté qui prévoit une exception à l'échéance pour les industriels ayant engagé des dépenses de recherche, dès lors qu'ils pourront prouver que les frais engagés ne sont pas couverts. Une fois la rentabilité atteinte, a précisé Nicolas Hulot, le titulaire du permis devra "laisser les hydrocarbures restants dans le gisement". 

Une dérogation a été consentie pour le bassin de Lacq. Une autre dérogation a été votée pour permettre la poursuite de l'exploitation du soufre du bassin de Lacq, près de Pau. Cette proposition est venue des députés des Pyrénées-Atlantiques, au nom du maintien des emplois sur place.

3Pourquoi la majorité parle-t-elle de progrès ?

Chef de file des députés La République en marche sur ce texte et ex-bras droit du ministre à la Fondation Hulot, Matthieu Orphelin vante "de vraies avancées, n'en déplaise à certains", et un travail parlementaire "qui a dépassé les clivages politiques".

Pour lui, la promesse a été tenue : "On fait ce qu'on a dit", proclame-t-il sur Twitter.

Sur son site, il parle d'"avancées majeures". Il évoque notamment deux points. D'abord, "un meilleur encadrement du droit de suite. La règle change : dorénavant, les premières concessions seront limitées à 2040. Cette avancée a été confirmée et sécurisée lors de la séance publique." Ensuite, "une mobilisation de l’Etat pour accompagner les territoires, les entreprises et les salariés dans cette transition et anticiper les conversions professionnelles". 

4Pourquoi est-ce insuffisant pour les ONG ?

Globalement, les associations écologistes Les Amis de la Terre et 350.org jugent que "l'Assemblée nationale gâche une opportunité unique". De la même manière, Europe écologie-Les Verts considère que "la riposte des lobbies pétroliers a conduit à nombre de reculs". Les industriels se sont conduits "en représentants de commerce" à tous les niveaux de décision, ont assuré à l'AFP plusieurs parlementaires. Le parti écologiste voit dans le texte la traduction "des rapports de force gouvernementaux, laissant à Hulot la liberté communicationnelle mais l'empêchant de mener à terme ses réformes".

Economiste et auteur de l'essai Sortons de l'âge des fossiles ! (Seuil), Maxime Combes a résumé en un tableau les principales critiques :

"Au gré d'amendements d'un gouvernement et de députés plus enclins à écouter les tenants de l'immobilisme que ceux qui, depuis des années, se mobilisent pour mettre fin aux énergies fossiles, le projet de loi a été affaibli", estime Maxime Combes dans une tribune publiée sur le Huffington Post.

"Ainsi, par exemple, poursuit-il, la fin annoncée de l'exploitation des énergies fossiles en 2040 est désormais assortie de trop nombreuses exceptions : pour le gisement de Lacq qui, toute proportion gardée, est à la France pour le gaz ce que Pittsburgh est aux États-Unis pour le charbon, pollutions locales comprises. Exception, également, pour les concessions déjà délivrées dont le terme va au-delà de 2040. Exception, toujours, pour les concessions qui ne permettraient pas aux industriels de rentrer dans leurs frais à temps."

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