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"Relier tout événement ponctuel au réchauffement climatique serait un raccourci" : un prévisionniste de Météo France a répondu à vos questions

La France est touchée par une vague de chaleur étouffante qui a entraîné le placement de 78 départements en vigilance orange canicule. Une situation inédite décryptée par un spécialiste de Météo France.

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Canicule (illustration). (/NCY / MAXPPP)

Du jamais vu. Météo France a placé, mercredi 26 juin, 78 départements en vigilance orange canicule. Un record. Pour décrypter cette vague de chaleur étouffante qui devrait se poursuivre jusqu'à la fin de la semaine, franceinfo a invité Sébastien Léas, prévisionniste à Météo France, pour répondre aux questions des internautes.

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Les épisodes caniculaires vont-ils être plus fréquents ? La canicule est-elle liée au réchauffement climatique ? Peut-on d'ores et déjà prévoir de nouvelles vagues de chaleur cet été ? Voici les réponses aux 14 questions que vous lui avez posées.

Est-ce qu'il va faire de plus en plus chaud d'ici à la fin de la semaine ? Des records seront-ils battus au niveau des températures ? (@Florent)

On a déjà battu des records hier en montagne, du côté de Val-d'Isère et du Grand-Bornand. On a battu aussi des records mensuels de douceur nocturne, à Nice notamment (26 °C). On attend également cet après-midi 41 °C à Limoges (Haute-Vienne), alors que le record historique est de 37,3 °C.
La vague de chaleur va s'accentuer encore avec un pic national demain et après-demain. Vendredi, on pourrait approcher, voire dépasser, le record national historique qui est détenu aujourd'hui par Conqueyrac (Gard), avec 44,1 °C. Ce record date du 12 août 2003.

Pensez-vous que la vigilance rouge (niveau 4/4) risque d’être enclenchée sur certaines régions ? (@anonyme)

Jusqu'ici il n'y a jamais eu de vigilance rouge à la canicule. Elle a été mise en place après la vague de chaleur de 2003 : nous avons fait des simulations avec des critères qui auraient mené, à l'époque, au passage en vigilance rouge de nombreux départements. La vigilance rouge ne se fait pas exclusivement sur des paramètres de températures, il faut aussi des "retours terrains" pour savoir s'il y a déjà des conséquences (notamment l'engorgement des hôpitaux). Météo France n'est pas le seul décisionnaire de cette mesure : elle est prise en collaboration notamment avec le ministère de la Santé.

Assistons-nous à la canicule la plus prématurée jamais connue depuis vous êtes prévisionniste météo ou les médias font-ils du cinéma ? (@Patrick)

Non, la plus précoce avait démarré le 18 juin 2017. En revanche, cette canicule est exceptionnelle par son intensité, car les indicateurs thermiques sont équivalents à ceux de la canicule de 2003. En 2003, elle avait toutefois duré presque trois semaines, contre une semaine pour la vague de chaleur actuelle.

Les épisodes caniculaires seront-ils plus fréquents en Europe selon les différents modèles climatiques que vous étudiez ? (@Ice-melting)

Oui, les projections font état de périodes de chaleur plus intenses, mais aussi plus étendues dans les années à venir. La saison estivale sera de plus en plus longue. Si on prend l'exemple des trois derniers étés, ces projections se vérifient. En 2016, il y a ainsi eu une canicule très tardive, entre le 23 et 28 août. En 2017, nous avons enregistré la canicule la plus précoce de l'histoire. Et en 2018, nous avons eu un des étés les plus chauds, avec 2003.

La canicule est-elle liée au réchauffement climatique comme prônée par les écologistes ? Ou alors est-ce seulement une exception dont l'origine vient du climat du désert saharien ? (@Cindy65000)

Relier tout événement ponctuel au réchauffement climatique serait un raccourci. En revanche, le réchauffement climatique a effectivement un impact sur les canicules, avec des vagues de chaleur plus intenses et plus longues. Nous sommes dans les projections de ce que l'on attend : d'ici la fin du siècle, les températures qu'on a observées pendant la canicule de l'été 2003 pourraient devenir la norme.

Peut-on d'ores et déjà prévoir de nouveaux épisodes caniculaires pour cet été ? (@Will)

On ne peut pas l'exclure. Rien ne dit aujourd'hui que nous n'aurons pas un été normal, nous n'avons pas de projections à si longue échéance. Cet épisode très précoce n'est pas forcément annonciateur d'un été qui sera très chaud en continu. En revanche, dans les prévisions saisonnières de la période juin-juillet-août, il y avait des signaux d'un été chaud. C'était déjà le cas en 2018. Nous sommes donc dans le cadre de ces projections mais rien ne dit, à ce stade, comment sera le reste de l'été.

On lit ici et là que la température n'est pas le seul paramètre à prendre en compte pour évaluer la dangerosité de la situation, et qu'il faut considérer les indices WBGT ou Humidex. Cette canicule se distingue-t-elle des précédentes sur ce point de l'humidité relative ? (@anonyme)

 Il y a effectivement un impact non négligeable de l'humidité sur les organismes. Cette canicule arrive tôt dans l'été, à un moment où les sols sont encore humides. Cette chaleur va accentuer l'évaporation et va davantage solliciter les organismes que si on avait une vague de chaleur équivalente, mais plus sèche, par exemple début août.

L'humidex est un indicateur qui prend en compte la température et l'humidité relative de l'air ambiant. Il ne prend pas forcément en compte le rayonnement solaire ou le vent, mais il donne un indicateur d'inconfort du corps. Ce n'est pas une température, c'est un indicateur (comme une taille de pantalon).

Devons-nous redouter des épisodes orageux importants et des fortes précipitations suite à cette canicule ? (@Nicolas)

Pas forcément. Souvent, après une vague de chaleur intense, on peut s'attendre à de forts orages du fait du potentiel énergétique et thermique. Ça ne semble pas vraiment le cas en ce moment. Les prévisions actuelles annoncent toutefois quelques orages, principalement sur un axe allant des Pyrénées au Jura et aux Alpes, mais ce phénomène ne sera pas nécessairement généralisé. Et ces tendances restent à confirmer.

Comment expliquer que nos amis Bretons sont épargnés à chaque canicule ? (@Lethe)

Parce que c'est le meilleur pays du monde ? :) Plus sérieusement, il y a souvent une influence océanique. Il y a eu des développements d'orages, jusqu'à ce matin encore, qui ont empêché la chaleur de se propager. Mais les Bretons ne seront pas épargnés. L'axe d'air chaud va englober jusqu'aux régions de l'Ouest. Dès demain, on attend plus de 30 °C sur une large partie de la Bretagne, à l'exception des côtes nord. Cet épisode sera plus court et moins intense que dans d'autres régions de l'Hexagone.

Comment expliquez-vous que le record de chaleur à Paris, enregistré au Parc Montsouris, date toujours de 1947 et n'ai jamais été battu ? A vous faire relativiser l'idée qu'il y a des canicules tout le temps (@Montchat)

Le record date effectivement de 1947 (c'est d'ailleurs la seule fois où on a dépassé les 40 °C à Paris), mais on a eu des situations proches de pouvoir l'atteindre, notamment en 2003 et en 2015. Au début des prévisions de la vague de chaleur, on pouvait s'attendre à atteindre les 38 à 40 °C, mais le vent de Nord-Est modère un peu ces températures. Les prévisions ont été revues à la baisse, avec 37 °C annoncés cet après-midi et samedi.

Quelle est la ville française où il a fait le plus chaud ces dernières années ? Quelle température relevée ? (@Ulysse)

Le record national historique est détenu conjointement par Conqueyrac et Saint-Christol-lès-Alès (Gard), avec 44,1 °C enregistrés le 12 août 2003. Ce record sera possiblement atteint voire dépassé lors de la journée de vendredi, peut-être au même endroit ou à Carpentras, Nîmes, etc.

Comment Météo France s'est adapté entre la canicule de 2003 et celle de 2019 ? Qu'est-ce qui a changé ? (@Franklin)

Nous avons aujourd'hui le paramètre canicule, qui n'existait pas en 2003. C'est justement la canicule historique qui a permis de mettre en place ce paramètre. Les cartes de vigilance sont assez récentes et datent des années 2000. Nous avons, au fur et à mesure, rajouté des paramètres. Nous avons aussi davantage de connexions avec les services publics, comme le centre opérationnel de gestion interministériel de crise (Cogic). Et les médias sont aussi plus présents pour prévenir les gens et relayer ces informations, ce qui n'était pas le cas avant. La synergie avec les médias est donc importante.

Vos études en tant que prévisionniste météo vous permettent-elles de prévoir le temps en 2050 par exemple avec certitude ? Quelle est la limite de la météorologie ? (@Castor)

Il faut bien faire la différence entre météorologie et climatologie. La météorologie va nous permettre de faire des prévisions sur une semaine ou deux, probablement un peu plus dans les années qui viennent. Les projections à l'horizon 2050 prennent en compte d'autres paramètres et les échelles sont différentes. Pour la climatologie, on va s'intéresser au globe et à des tendances avec des interactions océan-atmosphère qui sont plus profondes et moins sujettes à des variations quotidiennes.

Je me suis toujours posé la question. Quels sont les sites ou applications mobiles fiables pour suivre la météo ? Où se renseigner sans se faire avoir ? (@Valentin)

Météo France, évidemment ! ;) Nos prévisions sont expertisées par des prévisionnistes locaux, qui connaissent bien les disparités climatologiques de chaque région. Cette expertise s'est construite au fil des années, grâce à l'implantation des prévisionnistes sur place et à des centres disséminés partout en France.

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