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Vidéo Marseille : immersion au cœur du trafic de drogue

Publié
Durée de la vidéo : 6 min
Oeil du 20H
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
Depuis le début de l'année, 17 personnes sont mortes, en lien avec le trafic de drogue, à Marseille. Comment expliquer ce déchaînement de violence ? L'œil du 20h a posé sa caméra dans les quartiers Nord de Marseille. Une immersion rare au cœur du trafic de drogue.

RDV est pris dans les quartiers Nord de Marseille, à cité Consolat. Un dealer accepte de nous parler à condition de rester anonyme. En pleine guerre pour le contrôle des points de deal, il y voit l’opportunité de montrer qu’il règne sur le trafic. Il nous montre le point de deal : "C'est ici que ça vend. Juste en haut des escaliers, c'est le point stup, c’est là où ça vend de la drogue. Ici, ça vend shit, beuh, coke, ça vend en détail, semi-gros, ça vend même en gros".

Alors même que leur activité est complètement illégale, les dealers n’ont pas peur d’afficher les prix de la drogue, sur le mur, devant l’entrée de l’immeuble. La cocaïne est vendue 20 euros le demi-gramme, et 40 euros le gramme.

Un point de deal comme celui que nous avons filmé peut rapporter jusqu’à 100 000 euros par jour. Les clients se succèdent 24h sur 24h. Ce jour-là, nous croisons une jeune fille de 12 ans à peine, venue acheter de la drogue pour son grand frère. 

"Tu me sors le calibre, je te sors le calibre"

Le dealer assume être armé devant notre caméra, pour se protéger en cas de règlement de compte. "On ne sait jamais, si je m’embrouille ou quoi.  Moi tu me sors le couteau, je te sors le couteau, tu me sors le calibre, je te sors le calibre. Si tu veux qu’on se batte avec les poings. On se bat avec les poings, c’est comme ça, c'est Marseille".

Depuis janvier, déjà 17 personnes sont mortes en lien avec le trafic de drogue. Comme ce jour-là en mars dernier lorsqu'un jeune homme en poursuit un autre et l’abat à bout portant, en pleine rue, une scène de crime filmée. 

Un trafic de plus en plus violent de l’aveu même des dealers : "Il n'y a jamais eu ça, même à l’époque de nos grands frères, de nos parents, la drogue n’a jamais fait autant de dégâts. Il n'y a jamais eu autant de guerres. Ça tire au hasard, avant ça visait des personnes, maintenant, ça ne vise plus des personnes, ça vise des zones géographiques. C’est la guerre".

Une guerre qui nécessite une main d'œuvre docile, avec des jeunes qui viennent parfois de très loin pour rejoindre le trafic à Marseille. Désormais, ils sont recrutés sur les réseaux sociaux. 

Recrutement de dealers sur les réseaux sociaux 

Dans une vidéo aux allures de clip promotionnel, des trafiquants recherchent des "guetteurs et des vendeurs", "vifs d’esprit et à l'affût", écrivent-ils. Sur certains forums de discussion, il y a également ce type d’annonces : "Cherche guetteurs et vendeurs très très bien payés, logement compris". Je prétends être intéressée, je reçois une réponse en quelques secondes : "Y'a appart si tu viens, payé 180 euros, pas de guerre". Le recruteur me promet 180 euros par jour, soi-disant sans danger, pour devenir guetteur. 

Et c’est ainsi, attirés par l’appât du gain, que sont recrutés de plus en plus de mineurs originaires de toute la France. Ils se retrouvent à la merci des trafiquants. Comme l’a constaté Mohamed Benmeddour, éducateur qui sillonne les quartiers Nord de Marseille depuis plus de 10 ans. Il nous emmène devant la cité de la Paternelle : "c'est un quartier qui est difficile, il y a eu pas mal de jeunes qui se sont fait tuer dans ce quartier là", regrette-il.

Selon lui, les réseaux préfèrent avoir recours aux petites mains non originaires de Marseille, car sans attache, ils se retrouvent entièrement dépendant des trafiquants. "Quand on n'est pas issu de la ville, on ne connaît personne. Quand le jeune est issu de Marseille, il a de la famille, des grands frères, si certains veulent s'en prendre à lui, ils y réflechissent à deux fois. Mais quand le jeune n’est pas de la ville, demain si on s’en prend à lui, qui va venir le défendre ? Personne".

"T'as choisi le mauvais camp. Bienvenue à Guantanamo. Fils de … !"

C’est ce qui est arrivé à un jeune homme, originaire d'une autre région, menacé et accusé d’appartenir à un clan rival. Une vidéo où il est deshabillé et molesté a été diffusée par les trafiquants eux-mêmes, "t'as choisi le mauvais camp. Bienvenue à Guantanamo. Fils de … !", le menace un dealer sur la vidéo. 

La violence a atteint un tel niveau que le tribunal pour enfants de Marseille sonne l’alerte publiquement. Eric Mangin, juge des enfants au tribunal de Marseille, affirme que 40% des mineurs arrêtés pour trafic de drogue ne sont pas originaires de la ville. "C'est du trafic d’être humain, on abuse de leur pauvreté. Ils sont logés dans des hôtels de fortune, et ils travaillent pour certains de 10h à minuit. c’est vraiment du trafic d’être humain", s'alarme le juge. 

Face à ces règlements de compte en série, la police dit agir. Une trentaine de kalachnikovs et 400 armes à feu ont été saisies depuis le début de l’année. 

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