: Vidéo Cheese Challenge : jeter une tranche de fromage au visage d'un bébé, "c'est une agression", dénonce une pédopsychiatre
Les spécialistes de l'enfant Lisa Ouss et Antoine Guedeney s'indignent de ce nouveau défi à la mode sur les réseaux sociaux.
C'est le dernier défi à la mode sur internet : le Cheese Challenge. Le principe est simple : vous prenez une tranche de fromage et vous la jetez au visage d'un bébé, tout en filmant sa réaction. Le but étant que la lamelle colle en plein milieu du visage de l'enfant. Les vidéos d'adultes jouant à cet étrange jeu se multiplient sur les réseaux sociaux.
Introducing Logan, the Cheese Ninja -#cheesechallenge pic.twitter.com/xxXnHO1ou5
— Michael Tsang (@mtsang8) 3 mars 2019
Un jeu controversé
Le plus souvent, les tout-petits apparaissent comme tétanisés. Certains tentent d'attraper la tranche de fromage pour s'en débarrasser. D'autres se débattent. Et quand la caméra capte leur regard, leurs yeux disent tour à tour leur étonnement, leur incompréhension, quand ils ne semblent pas au bord des larmes.
— ørlandø (@Orlandonava1204) 28 février 2019
De nombreux internautes partagent ces vidéos ou les commentent pour en rire, mais d'autres font part de leur indignation devant le sort subi par les très jeunes enfants.
#cheesechallenge maintenant les bébés sont considérés comme des jouets ?! Pathétique
— Cei (@Clelia02220) 5 mars 2019
Les parents qui font le #cheesechallenge, vous avez été bercé trop près du mur ?
— CaroLina (@verveine_citron) 4 mars 2019
Un "abus physique et émotionnel"
Contactés par franceinfo, Lisa Ouss, pédopsychiatre à l'hôpital Necker à Paris, et Antoine Guedeney, chef du service de pédopsychiatrie de l'hôpital Bichat-Claude-Bernard, s'indignent eux aussi de cette tendance. "N'importe qui à qui l'on enverrait quelque chose sur la figure trouverait que c'est une agression. Donc, c'est une agression, tranche la première. On voit bien que ce qui fait rire l'autre, c'est l'étonnement du bébé qui n'est pas capable de se défendre. De là à dire que c'est de la maltraitance, je ne pense pas."
"C'est de l'abus physique et émotionnel, qui devrait donner lieu à un signalement, renchérit son confrère. C'est se moquer d'un bébé. Ça n'a rien de drôle du tout. Ce n'est pas à banaliser du tout." "Si le bébé a l'air d'être content, c'est encore pire, avertit le psychiatre. Cela veut dire que c'est quelque chose auquel il est habitué et qu'il réagit en souriant, parce qu'il a compris que c'est la réaction qu'on attendait de lui."
Un "manque de respect" à l'égard des bébés
"C'est prendre son bébé comme un objet de jeu dans un sens très agressif. C'est un indice de plus du manque de respect vis-à-vis des jeunes enfants de la part des parents", analyse le psychanalyste. "Depuis un certain temps, le respect pour les bébés s'est perdu. On leur parle avec des lunettes de soleil alors que le contact visuel est essentiel pour eux. On préfère répondre au téléphone plutôt que de réagir à leurs sollicitations. On les colle de plus en plus en face d'écrans de portables ou de tablettes plutôt que de privilégier l'échange."
"Les très jeunes enfants sont des êtres extrêmement sociaux, en particulier avec les gens qui s'intéressent à eux. Ils sont extrêmement sensibles à toutes les marques d'attention. Et on profite de ça", s'insurge le spécialiste. Et Antoine Guedeney souligne : "Ça peut laisser des traces sur le psychisme. Quand vous enquiquinez quelqu'un, ça induit une réponse violente, qui va ensuite lui être reprochée. Et les enfants reproduiront ça une fois adultes dans la façon dont ils interagiront avec les autres."
De possibles séquelles pour l'enfant
"C'est plus qu'un manque de respect, c'est un manque de compréhension de ce qu'est un bébé, de ce qu'il est capable de faire, de comprendre, et une singulière incapacité à être empathique", argumente la pédopsychiatre Lisa Ouss. "Ce que ne savent pas ces parents, probablement, c'est que le bébé est capable de percevoir, même tout petit, une dimension incongrue de quelque chose qui n'est pas cohérent." Or, ils lui envoient "des signaux incohérents et surtout contradictoires : 'Je suis celui qui t'aime, te protège et t'apprend à découvrir le monde et en même temps je te balance quelque chose sur la figure et je vais en rigoler'." Et la spécialiste d'en conclure : "Le bébé a des indices émotionnels qui ne lui permettent pas de se construire une vision cohérente du monde."
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