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On vous explique ce que sont les "Twitter Files" relayés par Elon Musk et censés révéler un scandale avec le fils de Joe Biden

La publication de documents internes ne fait que confirmer les éléments connus sur la politique de modération du réseau social, mis en cause après la censure d'un article en pleine campagne présidentielle.
Article rédigé par Quang Pham
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le compte Twitter d'Elon Musk (JAKUB PORZYCKI / NURPHOTO / AFP)

Elon Musk promettait une révélation "incroyable". Samedi 3 décembre, le milliardaire, qui a racheté le réseau social à la fin octobre, a permis la publication des "Twitter Files". Derrière ce nom se cache un ensemble de documents internes  diffusés pour faire la lumière, selon le milliardaire, sur la politique de modération du réseau dans le cadre de la suppression d'un article visant Hunter Biden, le fils de Joe Biden. Cette censure d'un papier du New York Post, intervenue en pleine campagne électorale pour la présidentielle de 2020, avait scandalisé le camp républicain, le sénateur du Texas Ted Cruz dénonçant un "biais anticonservateur" sur Twitter. Mais que révèlent vraiment les "Twitter Files"  ? Franceinfo fait le point sur cette affaire qui enflamme le réseau social. 

D'où viennent ces "Twitter Files" ?

Diffusés dans un long fil sur Twitter par le journaliste américain Matt Taibbi, les "Twitter Files" exposent le contenu d'e-mails et de discussions internes censés illustrer, selon Elon Musk, la politique de "suppression de la liberté d'expression" en vigueur par le passé sur le réseau social. La première partie de ces révélations revient donc sur l'épisode controversé de la censure sur Twitter d'un article du New York Post * publié en octobre 2020, trois semaines avant la présidentielle américaine. Sur la base d'e-mails présentés comme provenant de l'ordinateur portable d'Hunter Biden, le tabloïd accusait le fils du président américain d'avoir tiré profit de la position de son père pour ses relations d'affaires avec Burisma, un géant de l'énergie ukrainien. 

Les circonstances à l'origine de cette fuite sont rocambolesques  : les informations ont d'abord été recueillies par un réparateur informatique qui a pu accéder au portable d'Hunter Biden, avant d'être transmises à l'avocat de Rudolf Giulani, l'ancien maire de New York, puis à Steve Bannon, l'ex-conseiller de Donald Trump. De quoi, à l'époque, laisser craindre que les documents présentés par le New York Post aient été manipulés ou acquis de manière illégale. Dans un document officiel diffusé par Politico  le 19 octobre 2020, plusieurs anciens hauts responsables du renseignement américain indiquaient que ces courriels présentaient " toutes les caractéristiques classiques d'une opération de désinformation russe" . Depuis, ces fameux documents ont fini par être authentifiés, en mars 2022, par le Washington Post* et le New York Times*   mais à ce jour, selon Le Point , aucun conflit d'intérêts impliquant directement Joe Biden n'a pu être démontré. Reste que les soupçons sur la véracité de l'information avaient poussé Twitter, mais aussi Facebook, à restreindre la diffusion de l'article. Les "Twitter Files" décrivent les coulisses de cette décision.

Que révèlent ces documents ?

Sur Twitter, le journaliste Matt Taibbi révèle que Twitter a pris des "mesures extraordinaires" pour empêcher la diffusion de l'article du New York Post, telles que la suppression des liens, la publication d'avertissements indiquant que la publication pourrait être "dangereuse" et le blocage  de sa transmission par messages directs, "un outil jusqu'alors réservé aux cas extrêmes, comme la pédopornographie". La décision est alors justifiée par la politique de modération de Twitter qui proscrit la diffusion de contenus issus d'un piratage informatique – ce dont était soupçonné le New York Post – et pouvant être utilisés, d'après le règlement du réseau*, à des fins de "manipulation du débat public".

Mais cette procédure est loin de faire l'unanimité au sein du groupe, assure Matt Taibbi. Plusieurs employés soulignent ainsi l'absence de certitudes quant à la réalité du piratage. "J'ai du mal à comprendre sur la base de quelle disposition de notre politique, nous pouvons signaler cela comme 'non sûr'. Je pense que le meilleur argument [pour expliquer] cette affaire en externe serait que nous attendons de comprendre si cette histoire est le résultat de contenus piratés", écrit Trenton Kennedy, responsable de la communication, dans un mail interne publié par Matt Taibbi. Nous ferons face à des questions difficiles à ce sujet, si nous ne disposons pas d'une argumentation solide."

Plus largement, Matt Taibbi révèle que les demandes de modération du réseau social étaient devenues "routinières", émanant aussi bien du parti républicain que du parti démocrate. En 2020, des requêtes provenant de la Maison Blanche, occupée alors par Donald Trump, comme de l'équipe de campagne de Joe Biden ont ainsi été honorées, remarque le journaliste. Sans en apporter la preuve, Matt Taibbi affirme toutefois que le système était "déséquilibré" en faveur des démocrates en raison des orientations politiques "à gauche" des employés de Twitter. 

S'agit-il de nouvelles révélations ?

Non, pas vraiment, car les "Twitter Files" ne font en fait que corroborer des éléments déjà rendus publics à l'époque de l'affaire. Devant la bronca des républicains, le réseau social était revenu sur sa décision de bloquer l'article du New York Post au bout de deux jours. Par ailleurs, en novembre 2020, Jack Dorsey, l'ancien patron de Twitter, avait dû s'expliquer lors d'une audition devant le Sénat (PDF, en anglais) sur les dysfonctionnements de la politique de modération du réseau social et le contexte de la censure de l'article sur le fils de Joe Biden.

Quelles sont les réactions ?

Sur Truth Social*, le réseau social alternatif fondé par Donald Trump après avoir été banni de Twitter, l'ancien président des Etats-Unis a réagi en dénonçant une "fraude massive" pendant l'élection présidentielle, accusant les "Big Tech" de collusion avec les démocrates. La Maison Blanche*, quant à elle, a commenté la publication des "Twitter Files" en considérant que ces derniers ne représentaient qu'une "distraction" ne révélant que de "vieilles histoires"

"Ce n'est pas vraiment la preuve irréfutable, que nous espérions", a reconnu Miranda Devine, éditorialiste au New York Post, sur Fox News*. "J'ai le sentiment qu'Elon Musk a retenu certains documents" a-t-elle ajouté, suggérant (sans les apporter) que des preuves existeraient sur l'implication du FBI et des services de sécurité dans la censure de l'article du New York Post. Elon Musk a promis la publication d'un second volet des "Twitter Files", sans préciser s'ils seront en lien avec l'affaire Hunter Biden.

* Les liens signalés par un astérisque renvoient vers des contenus en anglais.

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