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Pourquoi internet et Dieu, c'est presque pareil

Le pape François a affirmé que le réseau était "un don de Dieu". A bien y réfléchir, on peut même aller plus loin.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La fresque "La création d'Adam" de Michel-Ange, peinte au plafond de la chapelle Sixtine, à Rome.  (CATERS NEWS AGENCY/SIPA)

"L'internet est un don de Dieu." Jeudi 23 janvier, le pape a appelé les catholiques à être des "citoyens du numérique" constructifs. A la tête d'1,2 milliard de fidèles et de plus de 10 millions d'abonnés sur Twitter, François a de nouveau promu une Eglise moderne et connectée. 

Le web, lieu de partage ou terre à évangéliser ? Berceau de tous les vices ou néo-jardin d'Eden ? Si internet se débarrasse de plus en plus de sa majuscule, il a beaucoup plus de points communs avec Dieu qu'il n'y paraît.

Comme Dieu, internet est immatériel....

A quoi ressemble internet ? Agé et barbu, comme est souvent représenté le dieu des chrétiens ? Irreprésentable, comme le prophète Mahomet ? Tentaculaire, comme la divinité hindouiste Kali et ses multiples paires de bras ? Ceux qui ont tenté de dessiner le web se sont tous heurtés à un problème : internet peut être représenté de mille façons, il demeure invisible. Et surtout immatériel. Nous avons donc autant de chance de tenir internet entre nos mains que de croiser Dieu au PMU. C'est-à-dire aucune. Sauf si Dieu est l'un d'entre nous, et qu'il prend le bus à l'occasion, comme le pensait la chanteuse Joan Osborne dans les années 90. 

... et omniprésent 

Il est invisible, mais il est partout. La preuve : la société d'hébergement Peer1 a tenté de mettre en images les échanges de données effectués via les serveurs répartis à travers le monde. Et là, surprise ! Le résultat, dévoilé sous forme d'application pour smartphones et tablettes en 2013, forme une galaxie de points interconnectés. Un univers semblable à notre infiniment grand.

Quant aux outils de visualisation du trafic, comme celui-ci qui illustre la relation des pages web entre elles, ils nous plongent carrément dans l'infiniment petit de nos atomes et molécules. Bref, internet s'inscrit dans une vision panthéiste du monde : Dieu/internet est partout, d'ailleurs Dieu/internet EST tout. 

En 2011, le site theinternetmap.com a entrepris de cartographier le réseau.  (THE INTERNET MAP.COM )

Comme Dieu, internet est omniscient...

Internet est né du besoin (et de l'envie) de partager des informations. Le premier réseau jamais lancé, Arpanet, reliait dans les années 70 une poignée d'universités américaines. Alimentés au fil des ans par les savoirs de l'humanité, les réseaux répertorient l'ensemble de ses savoirs, des travaux de nos chercheurs les plus brillants à nos classiques de la littérature, en passant par le pragmatisme cru de nos doutes balancés sur Google, Doctissimo ou Yahoo! Answers. Les requêtes plus métaphysiques sont notamment compilées par le Tumblr Comment devenir un ninja gratuitement ?

Voilà ce qui se passe quand on demande à Google "comment faire", le 24 janvier 2014. (GOOGLE.COM / FRANCETV INFO)

Voilà ce que l'on obtient en tapant "suis-je" dans Google, le 24 janvier 2014.  (GOOGLE.COM / FRANCETV INFO)

A priori, Dieu pourrait vous expliquer comment faire la prière et prendre la juste conscience de votre être. En revanche, pour le caramel, c'est moins sûr. 

... et il voit tout...

L'ennui, c'est que le réseau sait aussi tout de vous. Le scandale de l'espionnage d'internet par la NSA, révélé par l'ancien consultant auprès de l'agence de renseignement américaine Edward Snowden, l'a confirmé : "Big brother is watching you", dit-on dans la langue d'Orwell. En septembre, le New York Times a révélé que la NSA puisait depuis 2010 dans les données qu'elle collectait en ligne pour établir "des graphes sophistiqués des liens unissant certains citoyens américains, permettant d'identifier leurs relations, leur localisation à certains moments, leurs compagnons de voyage et autres informations personnelles".

Emails et mots de passe, historiques de navigation, recherches, documents stockés, activités sur les réseaux sociaux : vous ne serez jamais vraiment anonyme sur internet, prévient Le Nouvel Obs. Tout ce que vous dites et faites en ligne pourra d'ailleurs être retenu contre vous. Si cette idée vous angoisse, sachez que la requête "Comment se préparer au jugement dernier" affiche 1 360 000 résultats. 

 

... quitte à juger sévèrement

Comme la colère divine, l'ire d'internet peut être terrible. Les hacktivistes d'Anonymous sont connus pour partir régulièrement en croisade (tiens, tiens, en croisade) contre le "mal". Dénoncer un viol collectif impuni aux Etats-Unis, protester pour la protection de la vie privée ou contre l'ultralibéralisme : ils défendent une forme de morale et n'hésitent pas à punir, quitte à aller beaucoup trop loin. Le rapport avec Dieu ? Le sentiment de toute-puissance. Menacer un Etat depuis son fauteuil de bureau, n'est-ce pas au moins aussi hégémonique que de noyer l'intégralité de la planète sous prétexte que les hommes sont méchants ?

Cela fait du bien de se confesser sur internet 

Des victimes photographiées et exhibées sur Instagram, des vidéos de crimes publiées sur Facebook ou des menaces de mort postées sur des forums... Certains auteurs de crimes ont connu la gloire en se confessant en ligne. Glauque, mais vrai.

Car internet a son côté obscur : plusieurs millions (milliards ?) de pages plus ou moins légales dédiées à la pornographie, des armes et de la drogue à portée de main sur des sites du Darknet, des appels à la haine permanents et des rumeurs indéfendables... Mais que serait Dieu sans son double maléfique ? 

Comme Dieu, internet est éternel

"Je tournerai sept fois mes pouces avant de tweeter", avertissait Valérie Trierweiler après avoir soutenu un adversaire de Ségolène Royal aux législatives de 2012 sur Twitter. Mercredi, un diocèse britannique a publié un guide des réseaux sociaux à l'usage de ses prêtres dont le message est en substance le même : afin d'éviter que l'e-réputation de l'Eglise soit ternie, il met en garde : "Même si vous supprimez le contenu, il peut avoir été vu, partagé ou référencé ailleurs." Bref, internet n'oublie jamais. Ainsi, une partie des traces que vous laisserez en ligne vous survivront, flottant dans l'immensité de la toile, en apesanteur, comme un vieux profil MySpace ou un avatar Second Life ouvert en 2007. Sur internet, cette zone fantomatique porte un nom évocateur : le purgatoire.

Bon à savoir : Google donne depuis 2013 la possibilité de léguer ses comptes ouverts sur les différentes plateformes de la société, tandis que Facebook peut, certificat de décès à l'appui, changer le profil d'un ami décédé en "mémorial". Un pas vers le droit à l'oubli tel que tentent de l'imposer (tant bien que mal) les autorités. 

Internet a ses propres apôtres 

Pierre, André, Jacques, Jean, Philippe, Barthélémy, Thomas, Matthieu, etc. Les apôtres ont propagé la parole de Jésus, assure la Bible. En ligne : Julian (Assange, fondateur de WikiLeaks), Kim (DotCom, papa de MegaUpload), Aaron (Swartz, pirate martyr), Tim (Berners-Lee, inventeur du "www") assurent, chacun à leur façon, la transmission des préceptes fondateurs d'internet. Sans oublier ses "ambassadeurs", parmi lesquels on retrouve Chuck Norris ou encore Nicolas Cage.

Enfin, les voies d'internet sont impénétrables 

Changer l'eau en vin, accomplir des miracles, marcher sur l'eau... Pourquoi toujours vouloir expliquer scientifiquement ce que dit la Bible (et les forums de discussions de 4chan et 9Gag.) Les réseaux aussi, spirituels avant tout, se jouent des lois de la nature

  (9GAG.COM)

  (25.MEDIA.TUMBLR.COM)

Amen. 

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