Record de plaintes reçues par la Cnil en 2023 : les Français "de plus en plus sensibles à la protection de leurs données", constate la présidente de la Cnil

Le dernier rapport d'activité de la Cnil révèle avoir reçu 16 433 plaintes pour l'année 2023, un nombre record.
Article rédigé par franceinfo
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Le siège de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), le 12 mai 2022. (ERIC PIERMONT / AFP)

Le nombre de plaintes reçues par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a atteint un record en 2023. 16 433 plaintes ont été adressées l'an dernier par le grand public, un nombre en hausse de 35% par rapport à 2022 (12 193 plaintes avaient été déposées cette année-là). C'est ce qui ressort du rapport d'activité 2023 de la Cnil que franceinfo révèle, mardi 23 avril. "Les individus sont de plus en plus sensibles à la protection de leurs données", constate mardi sur franceinfo Marie-Laure Denis, présidente de la Cnil.

Les domaines dans lesquels les usagers constatent le plus d'atteinte à leur vie privée sont principalement liés aux différents usages d'Internet, à leur lieu de travail ou à leurs échanges commerciaux. Dans le détail, plus d'un tiers des plaintes (35%) sont liées à l'utilisation d'Internet, près d'une sur cinq au travail (18%) et autant pour des relations commerciales.

2 600 plaintes liées au droit d'accès aux données

C'est notamment parce que les personnes ne parviennent pas à exercer leurs droits qu'elles sollicitent la Cnil. La Commission a ainsi reçu plus de 2 600 plaintes liées au droit d'accès aux données et plus de 2 500 liées au droit à l'effacement de ces données. Dans le monde du travail, certains salariés considèrent la géolocalisation "comme excessive" et dénonce "une surveillance permanente". D'ailleurs, "la CNIL a sanctionné à hauteur de 32 millions d'euros en 2023 Amazon France Logistics pour une surveillance qu'elle considérait excessive de ses salariés", a souligné la présidente de la Cnil.

Les dispositifs de vidéoprotection ou vidéo surveillance suscitent également des craintes de la part des personnes qui alertent la Cnil. Cela concerne plus de 1 000 plaintes. La majorité des signalements (60%) relèvent de dispositifs déployés dans l'univers professionnel, un tiers (35%) dans les logements, individuels ou collectifs, et 5% dans les espaces commerciaux. La Cnil rappelle aux détenteurs de dispositifs qu'il faut limiter le champ de vision des caméras au strict nécessaire, comme ne pas filmer l’intérieur d’un logement.

Le rapport de la Cnil montre également que les internautes tiennent à ce qu'on leur demande leur consentement lors de leurs recherches sur internet. 1 400 plaintes concernent les cookies déposés sur les équipements numériques. Les personnes pointent notamment un défaut d'information du dépôt de ces traceurs ou une absence d'option de refus. Et plus de 500 plaignants contestent un fichage par les banques. Dans certains cas, la Cnil rappelle qu'elle doit refuser la plainte, car la personne n’apporte pas d’éléments permettant d’engager des actions. Soit les faits sont trop imprécis, soit ils ne révèlent pas de violation à la protection des données. Ainsi, en 2023, plus de 4 400 demandes ont ainsi dû être rejetées.

340 contrôles en 2023

Plus globalement, la Cnil a procédé en 2023 à 340 contrôles, que ce soit sur la base des plaintes reçues (57% des contrôles) que sur sa propre initiative, en fonction de l'actualité ou de thématiques prioritaires définies sur l'année (37%). Ces contrôles ont donné lieu l'an dernier à 42 sanctions (soit deux fois plus qu'en 2022), dont 36 amendes pour un montant total de près de 90 millions d'euros (89 179 500 euros). Ces sanctions sont en lien avec la sécurité des données, le traitement des données de santé, les droits et la surveillance des salariés, le commerce en ligne, la gestion des cookies ou encore la prospection commerciale. Elles ont visé aussi bien de petites entreprises que des multinationales, le secteur privé comme le secteur public.

Pour exemple, des amendes ont été prononcées contre une société de transport de fret aérien pour 200 000 euros, une revue littéraire pour 10 000 euros, un distributeur d'offre de télévision payante (600 000 euros), ou encore un chirurgien-dentiste, des communes, des sociétés de conseil informatique, des jeux en ligne. Des ministères ont également eu des rappels à l'ordre. "Notre but, c'est vraiment que les pratiques, quand elles sont mauvaises, soient changées. C'est ce à quoi on s'attelle, y compris dans le traitement des plaintes", explique la présidente Marie-Laure Denis.

'Il suffit de s'adresser à l'entreprise ou à l'administration pour que ces pratiques changent"

Marie-Laure Denis

à franceinfo

Au-delà des contrôles et des sanctions, la Cnil rappelle dans son rapport qu'elle agit pour l'éducation au numérique et la sensibilisation du grand public. Elle a ainsi mené 81 interventions en 2023 dans 9 régions françaises. Elle a pu rencontrer notamment près de 1 500 jeunes et plus de 1 700 enseignants et médiateurs. Une mission de sensibilisation du grand public aux droits informatiques et libertés a aussi été créée l'an dernier. Elle a pour but de favoriser la prise en main de leurs droits par les Français en s'appuyant sur les organismes publics et le tissu associatif local.

L'arrivée de l'Intelligence artificielle amène également des plaintes de la part des internautes : "On a quelques plaintes, effectivement, qui peuvent concerner des acteurs récents, en tout cas de l'IA générative. La Cnil cherche vraiment à accompagner l'essor des technologies et les accompagner pour que l'innovation soit vertueuse et respectueuse des droits", a expliqué Marie-Laure Denis. La Cnil a accompagné les fournisseurs des Jeux de Paris, de caméras dites augmentées pour détecter des comportements suspects.

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