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Apple, Spotify, Tidal : la guerre du streaming musical est-elle une bonne nouvelle pour vous ?

Apple lance lundi son nouveau service de musique en ligne. Entièrement payant, il devrait offrir un certain nombre d'artistes en exclusivité, et bouleverser un marché dominé par les gratuits Spotify et Deezer.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le service de streaming d'Apple devrait coûter 10 dollars par mois, selon les observateurs, pour un accès illimité à sa bibliothèque musicale. (CHAD SPRINGER / AFP)

Pour l'industrie musicale, l'avenir, c'est le streaming. Alors que les chiffres de ventes de la musique en ligne ont baissé en 2014 aux Etats-Unis, le leader du marché, Apple, ouvre, lundi 8 juin, un nouveau service d'écoute de musique en ligne. Un marché dans lequel s'est déjà lancé le rappeur Jay-Z avec Tidal, le 30 mars dernier.

Le point commun de ces offres : elles seront illimitées, mais obligatoirement payantes, là où les services les plus populaires dans ce domaine, comme Spotify ou Deezer, proposent des offres gratuites aux auditeurs qui acceptent la publicité. Cette nouvelle bataille du streaming musical risque de bouleverser la façon dont nous écoutons de la musique sur internet. Est-ce une bonne nouvelle pour vous ? Francetv info pèse le pour et le contre.

Non, vous ne trouverez plus toute votre musique au même endroit

Pour convaincre les auditeurs d'abandonner leurs mp3 pour le streaming, Deezer et Spotify offraient un argument de poids : regrouper en une bibliothèque de titres à peu près tout ce que vous pouviez avoir envie d'écouter, surtout au rayon des nouveautés. Mais cela pourrait bien changer. En coulisses, les nouveaux acteurs du marché du streaming bataillent pour décrocher l'exclusivité sur la discographie de certains artistes, et ainsi convaincre les adeptes du gratuit d'ouvrir leur porte-monnaie.

En avril, l'agence Bloomberg rapportait qu'Apple était en négociation avec une douzaine d'entre eux, citant la chanteuse britannique Florence and the Machine. Mais l'énorme prise de guerre de la marque à la pomme pourrait être le rappeur Kanye West, avec lequel "les négociations continuent", révèle le site Buzzfeed, même si elles ne devraient pas être conclues à temps pour le lancement du nouveau service du groupe.

Ce mercato de la musique est facilité par les conditions de rémunération des artistes par Spotify, que beaucoup jugent peu avantageuses : en novembre, une des stars les plus influentes de la pop, la chanteuse Taylor Swift, a retiré son catalogue du site, à la veille de la sortie de son nouvel album. "Mon opinion est que la musique ne devrait pas être gratuite", expliquait-elle quelques mois plus tôt dans le Wall Street Journal. Elle fait elle aussi partie des artistes qu'Apple tenterait d'attirer dans ses filets.

L'autre nouveau venu, Tidal, a montré dès sa conférence de presse de lancement, en avril, qu'il avait lui aussi des artistes dans son camp : Jay-Z et son épouse, Beyoncé, étaient accompagnés sur scène d'une vingtaine de mégastars de la musique mondiale, des Daft Punk à Rihanna et Nicki Minaj. Ces deux dernières, notamment, ont publié leur dernier clip en exclusivité sur Tidal. Préfigurant peut-être un futur où les fans devront trancher entre leur musique et celle de Taylor Swift.

... mais vous ne raterez pas grand-chose d'important

Si Apple et Tidal comptent bien sur les exclusivités pour se distinguer, leur offre dans le domaine s'annonce assez pauvre. Toujours à en croire les sources proches d'Apple citées par Buzzfeed, les négociations entre la firme californienne et Kanye West portent uniquement sur son prochain album, et la stratégie d'Apple serait de viser des exclusivités limitées dans le temps.

De son côté, Tidal n'a conservé qu'une dizaine de jours, en avril, l'exclusivité du nouveau clip de Rihanna, "American Oxygen", avant que la chanteuse ne le poste sur YouTube. Et les internautes un peu imaginatifs n'auront aucun mal à trouver (illégalement) en ligne "Feeling Myself", la dernière vidéo de Beyoncé et de Nicki Minaj, théoriquement réservée aux abonnés du service. Quant à la vingtaine d'artistes réunis pour le lancement de Tidal, vous pouvez toujours écouter leurs disques gratuitement sur Spotify ou Deezer, y compris ceux de Jay-Z.

Une limite stratégique pour Tidal que Billboard explique par les contrats des services de streaming : ils ne sont pas conclus avec les artistes, mais avec leurs labels, qui négocient l'accès à la totalité de leur catalogue, sans que les musiciens aient vraiment leur mot à dire. Et ces labels ont tout intérêt à ce que les titres de leurs artistes soient disponibles sur le plus grand nombre possible de plateformes, puisque les classements de vente américains prennent désormais en compte les lectures audio et vidéo sur internet.

Non, car Apple pourrait bien imposer le streaming payant à tout le monde

A voir le flop que fait Tidal, on pourrait être tenté d'enterrer le streaming payant : l'application se classait, lundi, à la 331e place des plus téléchargées sur iPhone aux Etats-Unis, selon le site App Annie. Spotify était 14e. La preuve, selon Slate, que les internautes ne sont pas prêts à payer 20 euros par mois, simplement pour un son de meilleure qualité.

Mais les partisans de la gratuité ont sans doute davantage à craindre d'Apple Music. iTunes, le magasin de musique en ligne d'Apple, possède déjà des centaines de milliers de clients, auxquels la firme californienne pourra proposer son abonnement de 10 euros mensuels, comme une alternative à l'achat d'un album pour le même prix, estime le Wall Street Journal.

Doug Morris, le patron de Sony Music, a livré, dimanche, sa vision très pragmatique des choses : "Ce qui leur donne un avantage, c'est 178 milliards de dollars sur leur compte en banque." Il prédit qu'Apple accompagnera le lancement de son service par un déluge de publicité, rapporte Billboard, et se félicite de l'arrivée de ce nouvel acteur : "La marée fait monter tous les bateaux." Faut-il comprendre que le label s'imagine déjà revoir à la hausse ses contrats avec les sites de streaming ? Si c'est le cas, le principal concurrent d'Apple aura du mal à suivre : Spotify gagne des abonnés, mais perd chaque année plus d'argent, rappelle le GuardianPour survivre, il sera peut-être contraint d'abandonner sa gratuité.

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