Airbnb reverse 58 millions d'euros aux communes : "Une sous-estimation évidente" pour le maire de Deauville
"Nous fixons le tarif de la taxe de séjour, mais nous n'avons aucun moyen de contrôle de la réelle occupation des différentes offres d'hébergement", explique l'élu.
Philippe Augier, maire de Deauville (Calvados), a estimé vendredi 10 janvier sur franceinfo qu'on "ne pourra pas aller contre le phénomène Airbnb", qui va reverser 58 millions d’euros de taxe de séjour à 28 000 communes, plus du double qu’en 2018. "Une sous-estimation évidente", pour le maire qui regrette l'absence d'un "moyen de contrôle de la réelle occupation des différentes offres d'hébergement" par les plateformes de location de meublés touristiques.
franceinfo : Combien la ville de Deauville va-t-elle toucher de la part d'Airbnb ?
Philippe Augier : Cela ne nous a pas encore été annoncé. L'année dernière, nous avons touché 82 000 euros. 58 millions entre 28 000 communes même si on ne compte pas Paris, ça fait 2 000 euros par commune. On imagine bien que ça n'est pas la réalité des choses. Ce n'est pas la réalité des taxes de séjour. Vous savez que ce montant est déclaratif, c'est-à-dire qu'on n'a pas les moyens de contrôle. C'est Airbnb qui décide de combien ils vont donner aux différentes communes. Nous fixons le tarif de la taxe de séjour, mais nous n'avons aucun moyen de contrôle de la réelle occupation des différentes offres d'hébergement. Il est évident que tant que ce sera déclaratif de cette façon-là, on sera, si je puis dire, sous-payé.
Pensez-vous que le montant est sous-estimé ?
C'est bien sûr très largement sous-estimé. Les contrôles sont difficiles. Il y a des mesures qui ont été prises quand même par les gouvernements successifs. Notamment, aujourd'hui, il y a une obligation de déclaration de la part des loueurs de meublés. Et évidemment, à partir du moment où le loueur déclare qu'il met son appartement en location, on commence à avoir un moyen de contrôle, mais en dehors de ça, il y a une sous-estimation évidente.
Comment résister à Airbnb quand on est une commune ?
Airbnb ce n'est pas seulement la levée de la taxe de séjour qui pose problème. Je pense d'abord fondamentalement que c'est une tendance sociétale et qu'on n'ira pas contre le phénomène Airbnb. Sauf qu'il faut faire en sorte que les entreprises qui vivent et qui gagnent beaucoup d'argent à travers le monde grâce à ce nouveau modèle économique soient dans une situation de compétition avec les entreprises dite normales, égalitaires. Aujourd'hui, on impose des règles aux hôteliers, aux résidences du tourisme, aux résidences hôtelières, etc. Des règles extrêmement contraignantes.
Quel impact a eu ce phénomène Airbnb à Deauville ?
D'abord, ils ne sont pas à égalité sur le plan fiscal, administratif, sur les contraintes réglementaires, etc. Ça, c'est un vrai sujet. Le deuxième sujet, c'est que ça perturbe complètement la vie des immeubles. Les gens viennent passer une nuit ou n'ont aucun respect pour l'immeuble dans lequel ils viennent dormir, donc ils dérangent les voisins, créent des problèmes annexes en matière d'ordures, de bruit, etc. Donc, on a une vraie perturbation des immeubles. D'ailleurs, la direction générale d’Airbnb est consciente de la réalité de ce problème-là. Finalement, je crois que c'est un problème sociétal inévitable. Mais on doit fixer un certain nombre de règles qui respectent la concurrence, la compétition, mais qui, surtout, fassent en sorte que ça ne gêne pas le reste de la population.
Airbnb réagit
A la suite de cet entretien, la société Airbnb a tenu à réagir via un communiqué assurant que contrairement à ce qu'affirme Philippe Augier "le montant [de la taxe de séjour] collecté et reversé par Airbnb pour chaque commune ne relève en aucun cas d'une décision d'Airbnb". Selon la plateforme, ce montant "varie en fonction du tarif imposé par la commune et du nombre de voyageur(s) ayant séjourné annuellement dans la commune par l'intermédiaire de la plateforme." Ainsi, Airbnb précise avoir "collecté et reversé fin 2019 plus de 133 000 euros de taxe de séjour à la commune de Deauville, en application des tarifs fixés par la Mairie de Deauville."
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