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Trois façons de faire la paix avec l'orthographe

Manuels en tête de gondole, applications ou best-sellers des salles de classes revisités, francetv info vous dit comment soigner votre orthographe sans douleur. Ou presque.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
"J'ai bien manger", "S'est Paul qui c'est levé le premier ce matin", "Comment sa va ?"... Autant de fautes qui écorchent bien des yeux. (JACQUES LOIC / PHOTONONSTOP / AFP)

SOCIETE - De plus en plus sollicité à l'écrit, l'homme moderne est un dangereux rédacteur. Un auteur malgré lui, exposé dès qu'il poste un commentaire sur Facebook, soumis à la cyber-opprobre dès que l'orthographe fait défaut, donc des fautes. Ce trouble, dont on affuble traditionnellement les ados (à cause de - en vrac - : internet, langage SMS, téléréalité, mèche, jeux vidéo, etc.), touche en réalité de nombreux adultes, dont certains portent costume-cravate et attaché-case. Ils n'écrivent pas "kikoolol", non. En revanche, "vous trouverais ci-joins mon rapport d'expertise", si. Ou "je revient vers vous", avec le PDG en copie de mail. Comment corriger ces fautes qui vous minent sans retourner en CM2 ?

Alors que les écoliers français sont officiellement de plus en plus mauvais en orthographe, francetv info a comparé trois méthodes pour surmonter ses lacunes.

1 Pour les tradis : les vieux classiques 

Dans certains hôtels britanniques, la Bible a été remplacée par le best-seller coquin Cinquante nuances de Grey. Et en France, pourquoi pas le Bescherelle, LE livre saint de notre école républicaine ? Sa trinité (orthographe - grammaire - conjugaison, amen) convainc chaque année un million de personnes, selon les éditions Hatier. Quant au Bled, publié pour la première fois en l'an de grâce 1946 par Odette et Edouard Bled (oui, il y a une histoire d'amour derrière ce manuel souvent considéré comme un objet de torture), il demeure un incontournable. Sans parler du Grevisse, moins connu mais plus adapté à un usage pratique de la langue depuis soixante-seize ans. L'avantage : on en a tous au moins un sous la main, bien que la nouvelle génération ait tendance à se tourner vers le moteur de recherche Google, moins fiable (mais aussi moins dangereux, selon certains internautes).

Capture d'écran de messages postés en décembre 2011 sur le forum du site www.jeuxvideo.com. (JEUXVIDEO.COM / FRANCETV INFO)

Pourquoi ça marche ? 

L'effet valeur sûre. Sauf que, première découverte à l'ouverture de ces classiques : ils ont été remis au goût du jour. Des formules moins exhaustives et plus ciblées (exemple : Les 50 règles d'or de l'orthographe pour se débarrasser "de 90% des fautes") dédramatisent ces sessions de rattrapage. Jadis bien distincts l'un de l'autre, Bled et Bescherelle proposent désormais tellement d'éditions qu'ils permettent indifféremment de se remettre à niveau dans toutes les disciplines du français, pour un résultat "plus pédagogique et moins théorique", disait Le Figaro au sujet du Bescherelle juste avant la rentrée des classes. Comprendre : l'ère du coaching a refaçonné les austères leçons des premières éditions.

En termes de marketing, l'adulte a même été la cible de la dernière campagne de pub Bescherelle, rappelle Stratégies. Du coup, il devient moins éprouvant psychologiquement de passer devant la caissière avec un exemplaire dans le caddie. Vous ne comprenez que plus tard, au cours du dixième exercice de la page 124, que le plus dur est à venir. Et pour cause, les dicos, manuels et autres glossaires ne sont pas des cours de rattrapage. Plutôt des aide-mémoire pour rédacteurs rigoureux. Cas critiques, passez à l'étape suivante. 

2Pour les studieux : les manuels de coaching

Cette fois, l'embarras, c'est le choix. Dans les grandes librairies, on trouve quantité (jusqu'à un rayon entier !) de ces nouveaux manuels destinés aux adultes. Le français correct pour les Nuls, premier sujet généraliste traité par la version française de la célèbre collection dès 2001, mais aussi des manuels pour "se réconcilier" et "se tester". "36 fiches", "50 exercices", "300 trucs et astuces", 40 règles "de base", ou "règles d'or"... Deux grandes familles se distinguent dans cette pléthore d'ouvrages : d'un côté les manuels à tendance guides, qui rappellent les règles de base avant de proposer des exercices, de l'autre les tests. Dans les deux cas, le "fun" triomphe.  

Pourquoi ça marche ?

Parce que les auteurs redoublent d'énergie pour ne pas adopter un ton de maîtresse d'école. Pour enseigner les règles les plus tordues, l'apprentissage ludique et mnémotechnique semble avoir pris le dessus. Résultat : faire un exercice de grammaire devient aussi divertissant que remplir une grille de sudoku. 

En fait, en partant du principe qu'une mauvaise mémoire cause des difficultés en orthographe, les professeurs, linguistes, auteurs et lexicographes derrière ces conseils sacrifient l'exhaustivité à l'efficacité, quitte à faire l'impasse sur l'enseignement du rarissime plus-que-parfait du subjonctif. Ainsi, à l'indicatif et à la troisième personne du singulier, explique Bernard Fripiat dans Se réconcilier avec l'orthographe, "disons que 'il' est d'origine anglaise", parce qu'il "aime le 't'. Par exemple : il finit, il part, il était". 

Les tests, eux, proposent de se frotter aux problèmes directement avant de se rapporter à la page des corrections. Cela pour ne pas "effaroucher les apprentis", écrit le linguiste Claude Hagège en préface de Orthographe. Testez-vous, révisez, progressez !. C'est plus sympathique, pour "jouer entre amis" notamment, suggèrent certains ouvrages, véhiculant au passage une certaine idée du samedi soir. 

3 Pour les joueurs, le e-learning ?

Avec les jeux de stimulation cérébrale, cartons des consoles portatives (n'est-ce pas docteur Kawashima ?), la frontière s'est effacée entre le jeu vidéo et l'activité de réflexion officiellement pénible. Sur le site du projet Voltaire ou sur Orthodidacte.com, l'entraînement est carrément plus amusant. Mieux, personnalisé. Les sociétés Woonoz et Zeugmo, spécialistes du e-learning (l'apprentissage en ligne), ont toutes les deux mis en place en 2009 leur plate-forme de test respective. Le projet Voltaire comptabilise 800 000 utilisateurs, "dont 600 000 depuis l'année dernière", précise son concepteur, Pascal Hostachy.

Capture d'écran de la page qui indique les points sur lesquels l'internaute devra s'entraîner, à l'issue d'un premier test.  (PROJET-VOLTAIRE.FR / WOONOZ / FRANCETV INFO)

Pourquoi ça marche  ?

Ces outils sont d'autant plus adaptés qu'ils sont nés de la demande des entreprises. "Souvent, on nous signalait des problèmes d'orthographe parmi les salariés des entreprises pour lesquelles nous travaillions, poursuit Pascal Hostachy. On nous disait : 'Avec votre technologie, il faudrait que vous développiez un programme pour que l'on s'exerce'." Dont acte. Le tout dans une fourchette de prix élastique, de l'application gratuite aux formules d'excellence à plus de 90 euros l'année. Le prix pour s'améliorer sans s'ennuyer ?

"Ils ont une approche plus pragmatique de l'orthographe", concède Bruno Dewaele, champion du monde d'orthographe et collaborateur du projet Voltaire. "Eux partent du principe que si l'Education nationale n'a pas très bien réussi à former quelqu'un, il faut le faire autrement."

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