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Royal et Aubry, deux caractères opposés en mission pour Hollande

Chacune à leur manière, les deux meilleures ennemies du candidat socialiste ne ménagent pas leur peine pour lui apporter le petit "plus" qui avait cruellement manqué en 2007.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Ségolène Royal, Martine Aubry et François Hollande, le 28 août 2011 à La Rochelle (Charente-Maritime). (PATRICK KOVARIK / AFP)

Cette fois, le candidat socialiste à la présidentielle ne pourra pas déplorer un manque de soutien de son parti. Ses deux meilleures ennemies, Ségolène Royal et Martine Aubry, ne ménagent pas leur peine pour apporter à François Hollande le petit "plus" qui avait si cruellement fait défaut en 2007. Chacune à leur manière.

A Marseille, mardi 7 février, Ségolène Royal est arrivée ornée de boucles d'oreille en forme de rose. Enfin un signe d'allégeance de la part de celle qui avait pris pour habitude de rebrousser le poil de ses camarades ? Quatre mois presque jour pour jour après sa raclée au premier tour de la primaire (6,9%) et ses larmes diffusées en boucle sur les chaînes de télé, la présidente de la région Poitou-Charentes renoue avec le terrain, un exercice qu'elle affectionne toujours autant.

Pour la première fois, ce n'est plus son propre destin que Ségolène Royal est venue défendre, mais bien celui de son ex-compagnon. C'est d'ailleurs l'aîné de leurs quatre enfants, Thomas Hollande, discrètement impliqué dans la campagne numérique de son père, qui a organisé ce médiatique déplacement pour sa mère. Avec un objectif : remobiliser les quartiers populaires qui s'étaient massivement portés sur son nom en 2007, "mais qui ne sont pas revenus aux urnes aux élections intermédiaires", explique-t-elle. Ni à la primaire. L'ex-candidate affirme être là "pour valoriser le projet, faire de la pédagogie". Elle estime demeurer l'une des plus légitimes pour parler aux catégories populaires. "Les gens disent : 'Ségolène Royal, on comprend ce qu'elle dit'", confie-t-elle.

Royal à la reconquête de la ferveur passée

Direction donc les quartiers nord de la ville, défavorisés. Dans une cité, Ségolène Royal échange avec quelques habitants, puis se rend dans un collège, où elle fait irruption dans une classe de physique-chimie, avant de s'entretenir à huis clos avec des parents d'élèves. Quelques heures plus tard, en meeting dans une salle bien remplie du centre de Marseille, elle retrouve ses accents de 2007 en s'adressant à la jeunesse comme une mère de famille : "Si vous séchez les cours, si vous ne respectez pas vos enseignants, vous n'abandonnez pas seulement l'école, vous abandonnez votre pays, et ce qui est pire, vous vous abandonnez vous-mêmes."

Entre-temps, emmenée par le local de l'étape, le socialiste Patrick Mennucci, elle se paie, au pas de charge, un petit bain de foule avec la "France métissée" dans les étroites rues commerçantes du quartier de Belsunce. Les ressorts sont les mêmes qu'il y a cinq ans, mais la ferveur n'est plus identique. En la voyant surgir d'une pâtisserie orientale ou d'un bistrot, certains badauds ne masquent pas leur surprise. Doivent-ils crier "Ségolène, Ségolène" ? Ou "Hollande président" ? Dans le doute, ils s'abstiennent.

Ségolène Royal elle-même n'abuse pas du patronyme du père de ses enfants. Dans son discours, elle ne prononce que deux fois le nom de celui qu'elle assure soutenir avec "ardeur et loyauté". Le reste du temps, elle préfère évoquer "le candidat".

Aubry, la campagne sérieuse

L'attitude tranche avec celle de Martine Aubry, qui elle n'éprouve aucune gêne à citer abondamment le nom de François Hollande. Loin des incantations retenues de son ex-rivale, la première secrétaire dit n'avoir qu'un seul objectif : "Faire en sorte que François Hollande soit complètement libéré pour parler à la France et à la nation." En clair, rendre coup pour coup à la droite. Et veiller à ne pas se laisser entraîner par les polémiques créées par la majorité, dit-elle, qui visent à masquer le bilan du gouvernement.

Mercredi, en déplacement à Reims, elle ne veut pas s'appesantir sur l'affaire des civilisations de Claude Guéant : "Le sujet du jour, c'est la TVA sociale, qui est présentée en conseil des ministres !", appuie-t-elle, soucieuse de se montrer concrète. Bouclier protecteur pour François Hollande, Martine Aubry se voit aussi comme l'atout numéro 1 du candidat. "Depuis le premier soir après la primaire, je suis sa première supportrice", assure-t-elle devant les journalistes en visitant une PME.

Alors, la patronne du PS a prévu de multiplier les déplacements pour soutenir son champion, seule ou à ses côtés. "Deux à trois fois par semaine", notamment en "ratissant l'est de la France et les villes moyennes, là où ne se situe pas notre électorat traditionnel", précise son entourage. Comme elle l'a fait à Reims, ville arrachée à la droite en 2008, Martine Aubry veut mener une campagne sérieuse, en faisant sien le programme de François Hollande.

"Première supportrice" et Première ministre ?

Pendant près d'une heure, devant des militants socialistes, elle déroule avec assurance et abnégation les propositions de la "plate-forme présidentielle". Economie, emploi, fiscalité, compétitivité, Europe, justice, services publics, institutions… Tout y passe. Il ne manque que la solennité pour que le propos ressemble à un discours de politique générale.

La première supportrice se verrait-elle en Première ministre ? Au PS, il se dit que le poste lui est promis. Mais hors de question de l'avouer : "C'est totalement ridicule de parler de portefeuilles ministériels. Mon seul objectif, c'est qu'il y ait un président de gauche le 6 mai." Elle se dit même vexée par les intentions qu'on lui prête : "Cela laisse à penser que dans ce pays, on n'agit que par intérêt personnel."

Martine à Matignon, Ségolène au perchoir ? A l'inverse de la maire de Lille, la Pictocharentaise ne fait plus mystère de ses ambitions. Depuis plusieurs semaines, elle fait part de son intérêt pour la présidence de l'Assemblée nationale. Mais ne veut plus en parler. A tout journaliste qui s'enquiert de la suite de sa carrière politique, elle répond, inlassablement : "Vous le savez très bien." Au PS, désormais, on joue collectif. En tout cas jusqu'au 6 mai.

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