Ayrault, Premier ministre immobile ?
Près de quatre mois après sa nomination, le chef du gouvernement est de plus en plus accusé de ne pas agir assez vite.
POLITIQUE - Jean-Marc Ayrault est-il un Premier ministre "immobile" ? Près de quatre mois après sa nomination à Matignon, et alors que la conjoncture économique continue de se dégrader, l'accusation revient avec de plus en plus d'insistance, aussi bien dans les rangs de l'UMP qu'à la gauche du PS ou à la une des médias. Jean-Marc Ayrault se retrouve obligé de se défendre, affirmant qu'il n'a pas "bullé" pendant ses vacances. FTVi en profite pour revenir sur ce que le chef du gouvernement a fait jusqu'à présent.
Il a beaucoup consulté, discuté, missionné…
Au cours de la campagne présidentielle, François Hollande avait prévenu : s'il était élu, une politique "apaisée" succèderait à une politique "agitée". Jean-Marc Ayrault a donc opté pour une méthode simple, celle du "dialogue rénové" : ne pas trancher sans avoir, au préalable, rencontré, discuté, consulté, auditionné, confronté...
Fin mai, le Premier ministre a reçu les partenaires sociaux un à un avant de les rassembler mi-juillet à l'occasion de la grande conférence sociale, pour préparer les réformes à venir. Début juillet, le Premier ministre a également réuni les acteurs du monde éducatif pour "une consultation" sur les rythmes scolaires, promettant de "trancher" ultérieurement. Toujours début juillet, il a confié à Louis Gallois "une mission" sur la compétitivité des entreprises, ouvrant la porte à "la mise en œuvre d'actions concrètes d'ici à la fin de l'année".
Dans le même temps, il a chargé l'inspection générale de l'administration d'"une mission" sur la réforme de l'Etat, dont les conclusions sont attendues fin septembre. Mi-juillet, il s'est associé à François Hollande pour mettre en place une commission sur la rénovation de la vie politique, chargée de faire part de ses préconisations à l'automne. Pour lutter contre la pauvreté et la précarité, Jean-Marc Ayrault a enfin prévu de convoquer "à l'automne" une grande conférence avec les associations, les collectivités locales et les organismes de protection sociale. Là encore, les mesures n'interviendront qu'une fois l'étape du dialogue passée.
Il a annoncé des réformes… pour plus tard
Cette impression de flottement a été renforcée par le fait que la plupart des réformes annoncées depuis début mai ne le sont pas pour une application immédiate. En dehors de quelques mesures symboliques et promises durant la campagne – la baisse du salaire des ministres de 30%, le retour de la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, ou le plafonnement des salaires dans les entreprises publiques par exemple –, la plupart doivent suivre un trajet qui prend du temps, entre audits, consultations puis examen législatif.
Début juillet, Jean-Marc Ayrault a annoncé que la mise en place des "contrats de génération" et des "emplois d'avenir", censés favoriser l'insertion des jeunes sur le marché du travail, ne pourrait commencer que début 2013. La grande réforme fiscale promise par François Hollande, elle, se fait finalement par étapes successives : après un premier train en juillet, le Parlement examine de nouvelles propositions en octobre, avant, très probablement, un troisième volet courant 2013. Idem pour le relèvement du plafond du livret A : alors qu'il devrait être doublé, il n'a finalement été revalorisé que de 25%, et doit l'être à nouveau de 25% à la fin de l'année.
Sur le plan sociétal, Jean-Marc Ayrault a confirmé que l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples homosexuels entrerait en vigueur en 2013, que la fin du cumul des mandats interviendrait d'ici aux élections de 2014, et que le droit de vote des étrangers aux élections locales serait bel et bien voté, sans que le calendrier ne soit cependant précisé.
En marge de ces annonces à effet différé, les principaux indicateurs économiques ne cessent de se dégrader. Les mesures bel et bien mises en place (abrogation de la hausse de la TVA prévue au 1er octobre, augmentation de l'allocation de rentrée scolaire de 25%, coup de pouce de 2% pour le smic, encadrement des loyers, baisse des prix des carburants de 6 centimes…) peuvent alors sembler dérisoires.
Il a perdu du temps à recadrer ses ministres
Jean-Marc Ayrault a également été contraint de passer beaucoup (trop ?) de temps à recadrer plusieurs de ses ministres.
En mai, celui de l'Education, Vincent Peillon, qui promet un retour de la semaine à cinq jours de classe en primaire ; en juin, celle du Logement, Cécile Duflot, qui propose de dépénaliser la consommation de cannabis ; en juin toujours, la ministre de l'Ecologie d'alors, Nicole Bricq, qui souhaite remettre en cause certains forages pétroliers ; en août, les ministres de l'Intérieur et la Justice, Manuel Valls et Christiane Taubira, qui s'opposent sur la question des camps de Roms ; en août encore, ceux de la Culture et du Budget, Aurélie Filippetti et Jérôme Cahuzac, qui s'écharpent sur l'éventuel retour de la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques ; début septembre, celui du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui "regrette" que son collègue Pierre Moscovici ait choisi la banque Lazard pour conseiller le gouvernement sur la constitution de la future Banque publique d'investissement…
Dimanche 2 septembre, le Premier ministre, passablement agacé par ces couacs en série, a haussé le ton : "Si ça devait continuer, je dirais que chacun devra prendre ses responsabilités. C'est clair, c'est net."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.