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Pourquoi les élus locaux se pressent au Congrès des maires

Depuis mardi, des milliers d'élus sont réunis à l'occasion du 96e Congrès des maires de France, à Paris. Pour certains c'est une occasion de chahuter le gouvernement, pour d'autres c'est avant tout un réservoir à bonnes idées.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des maires rassemblés lors du Congrès des maires de France, le 19 novembre 2013, à Paris. (CHRISTOPHE RAUZY / FRANCETV INFO)

Un Congrès des maires commence toujours par un test d'humilité. Un tapis rouge est bien déployé à l'entrée du Parc des expositions de Paris, mais les milliers d'élus, connus ou anonymes, sont tous obligés, mardi 19 novembre, de patienter dans une longue file d'attente, sous la pluie. Pourtant, aucun ne voulait manquer ce grand rassemblement. Pour les élus locaux, il est autant une source d'inspiration pour leur commune qu'une tribune où l'on peut siffler le Premier ministre. Francetv info détaille les raisons, très diverses, qui ont amené les maires à participer à leur congrès annuel.

Parce qu'on peut y exprimer sa colère

Malgré les appels au "respect" lancés par la direction de l'AMF, Jean-Marc Ayrault n'a pas échappé aux sifflets qui ont accompagné son discours à la tribune du Congrès des maires. Patrick Gandrey, le maire de Tronchy, petite commune de Saône-et-Loire, ne faisait pas partie des siffleurs. Mais pour sa première participation au Congrès, il voulait que son mécontentement face à la réforme des rythmes scolaires soit relayé, comme il l'a confié avant le discours du Premier ministre : "Je suis venu pour dire mon opposition à cette réforme très mal préparée. Je ne compte pas siffler le Premier ministre. Mais si personne ne le fait, je prendrai la parole pour exprimer mon profond désaccord."

La problématique du temps scolaire n'est pas le seul grief des édiles en colère. Aux côtés de Patrick Gandrey, son collègue et voisin, Guy-Pierre Lonjaret, maire de La Frette (Saône-et-Loire), 220 habitants, a lui une autre cible : l'intercommunalité, le regroupement des communes, une tendance très en vogue qui crée des crispations chez certains élus. "Contrairement à ce qu'on entend, ce n'est pas toujours un facteur d'économies !" peste le maire.

Dans l'auditorium, un élu du Sud-Est, rouge de colère, prend le micro pour dénoncer la prolifération du loup dans les Alpes. Annie Tallard, maire de Lastic, dans le Puy-de-Dôme, n'a pas hésité, elle aussi, à intervenir "quitte à se faire des ennemis" : "J'ai voulu poser la question de la survie des petites communes, qui est un non-sens. Chez moi, il y a 110 habitants et personne pour prendre ma suite. Il faut regrouper ces petits bourgs. Je n'avais pas prévu de le demander aujourd'hui, mais j'ai saisi l'occasion."

Parce qu'on y trouve de bonnes idées

Au milieu du grand hall jouxtant l'auditorium du pavillon 4, Jacqueline Ajer, maire de Montalembert, dans les Deux-Sèvres, et Martine Tandeau de Marsac, maire de Royères dans la Haute-Vienne, discutent à bâton rompu. "C'est surtout ça, le congrès, échanger, rencontrer" explique Jacqueline, souriante septuagénaire en foulard fuchsia, qui participe à son 25e congrès. On était à un stand qui vante le mérite des mandarines dans les cantines. Et on s'est trouvé des points communs, notamment notre opposition à la réforme des rythmes scolaires."

Pour elle, le congrès est une sorte de bourse d'échange des bonnes pratiques. "Moi qui ai beaucoup travaillé sur le tourisme, j'en ai ramené beaucoup d'idées sur l'animation notamment, en m'inspirant parfois d'autres maires." Casquette de marin vissée sur la tête, Robert Moioli, adjoint au maire de Sainte-Marie, à La Réunion, voit un intérêt particulier dans ces échanges : "Cela rassure de constater qu'on a tous les mêmes problèmes de financement !"

A quelques mètres de là, sur un banc molletonné, Gérard Bornes, maire de Varennes-sur-Loire, dans le Maine-et-Loire, fait le tri dans les innombrables plaquettes qu'on lui a distribué. "Beaucoup d'idées sont intéressantes, explique dans un sourire le septuagénaire en veste à carreaux un peu usée. Tout à l'heure, un bourgmestre belge a exposé à la tribune sa vision de l'intercommunalité, comment ils gèrent la sécurité, les ordures ou l'éducation là-bas. Il y a des choses à prendre, et je vais rapporter des propositions chez moi."

Parce qu'on peut mettre ses connaissances à jour

Le Congrès est aussi un lieu où un maire poursuit sa formation, selon Martine Tandeau de Marsac, volubile sexagénaire et maire de Royères, dans la Vienne : "Avant d'être élue maire en 2001, je n'avais jamais exercé de mandat, je partais de zéro. Avec les contacts qu'on se fait ici, on apprend, on progresse. Aujourd'hui encore, j'apprends sur la responsabilité et sur la législation qui change tout le temps."

Maurice Iscayes, conseiller municipal de Lamentin, en Guadeloupe, vient chaque année depuis neuf ans au congrès de l'AMF. "Parce que ça permet de savoir où en sont les lois, et surtout vers quoi vont aller les futures lois, expose le jeune élu d'outre-mer en costume bien taillé. Là, comme tout le monde, on se pose beaucoup de questions sur la réforme des rythmes scolaires."

Parce qu'on peut y faire son marché (public)

D'un pas très décontracté, Christophe Valaz, maire du village savoyard d'Esserts-Blay, se penche sur chaque stand du pavillon où se tient le congrès des maires. Il compte bien aller dans le bâtiment voisin où des entreprises spécialisées dans les chantiers et marchés publics exposent leur savoir-faire. "Moi, je ne viens pas particulièrement pour échanger avec des collègues. Ce qui m'intéresse, ce sont les professionnels."

Les rythmes scolaires, l'intercommunalité, ne sont pas les préoccupations principales de ce maire, qui se présente comme "plutôt de gauche", mais qui "pense d'abord" à ses 800 administrés : "Mon problème, en ce moment, c'est la station d'épuration qui est en fin de vie. Alors je viens ici pour voir ce qui se fait."

Parce qu'on y prépare les municipales

De nombreux maires sont actuellement en train de peaufiner leur campagne, à 18 semaines du scrutin. "En participant aux débats, en échangeant les idées et les méthodes pendant trois jours, on trouve des arguments, des ressources, pour construire et justifier notre projet", expose Martine Tandeau de Marsac.

Mais tous les maires se baladant dans les allées du congrès ne sont pas venus en quête d'idées pour leur réélection. Ainsi, Gérard Bornes, âgé de 70 ans, ne se représentera pas aux municipales de mars 2014. Pourtant, il pense aussi à cette échéance électorale en venant porte de Versailles. "Il faut bien finir le mandat, bien connaître les dossiers, pour pouvoir bien les transmettre, comme sur la question des rythmes scolaires par exemple". Comme le maire de Varennes-sur-Loire, beaucoup d'élus municipaux confient leur usure, et rien ne semble pouvoir les empêcher de raccrocher l'écharpe tricolore. Pas même ce congrès qu'ils apprécient tant.

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