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Paris. La circulation va-t-elle droit dans le mur ?

Le projet de fermeture et de réaménagement des voies sur berges, qui permettaient de traverser la capitale, provoque la colère des automobilistes. 

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Dès septembre 2012, les quais rive droite (à gauche, sur la photo) seront réaménagés au niveau de l'Hotel de Ville pour laisser plus de place aux piétons. (GUILLAUME BAPTISTE / AFP)

SOCIETE - Si vous avez conduit récemment à Paris, vous avez sûrement rencontré quelques difficultés. La capitale est en plein chamboulement : des travaux perturbent la circulation dans les quartiers centraux des Halles ou de la République. Le projet de piétonnisation des voies sur berges, des deux côtés de la Seine, constitue un nouvel obstacle pour les automobilistes. Une partie de la rive droite devrait être réaménagée dès cet automne, la rive gauche l'annnée prochaine.

Fini, donc, la traversée d'ouest en est via les quais. Après des mois de bataille politique, impliquant notamment l'ancien Premier ministre François Fillon, le projet des voies sur berges a été débloqué par le nouveau titulaire du poste, Jean-Marc Ayrault, mi-juillet. Mais de nombreux Franciliens accusent la mairie d'une politique ouvertement anti-voitures et, surtout, pointent l'absence de projet de transport alternatif, notamment de transports en commun. 

Le projet : faire "respirer" Paris

Depuis 2001, le trafic automobile a baissé de 24% à Paris. Le maire, Bertrand Delanoë, a fait de la réduction du trafic automobile une de ses priorités. "La domination de la voiture dans Paris, c'est une époque révolue", explique-t-on à la mairie. Depuis plusieurs années, le projet "Paris respire" ferme des quartiers à la circulation le week-end pour que les piétons puissent se balader tranquillement. Vélib' et Autolib' rentrent dans cette démarche, qui a également une vocation écologique. Les travaux de cette année poursuivent cet objectif.

• Rive droite. La chaussée sera en partie rétrécie et six feux rouges seront créés, pour permettre la construction de traversées piétonnes et de pistes cyclables. Bus, voitures, vélos et promeneurs cohabiteront donc dans un paysage urbain "favorisant une ambiance de plantes 'vagabondes et rustiques' qui exprime la proximité avec la Seine", dixit la municipalité. Dès septembre, le trafic devrait être réduit de 20%, selon Le Parisien, qui publie une carte détaillée des chantiers.

Rive gauche. La voie express sera complètement fermée aux voitures entre le musée d'Orsay et le pont de l'Alma, sur 2,3 km. A la place, les berges proposeront aux badauds une promenade agrémentée d'un parc, des cafés, des lieux de spectacle. Conséquence, "jusqu’à 1 000 véhicules supplémentaires par heure sont attendus sur les quais hauts" du VIIe arrondissement, poursuit le quotidien régional. Ouverture prévue au plus tôt au printemps 2013.

Place de la République. Prévue au printemps 2013, la réouverture de cette grande place de l'est de la capitale restreindra un peu plus l'accès aux voitures. Le nouveau tracé accordera 70 % de l'espace aux piétons. Le carrefour giratoire sera supprimé, seule la circulation côté sud de la place restera possible.

Grands boulevards. Dans la continuité de ce projet, les Grands boulevards de la rive droite (Montmartre, Poissonnière, Bonne Nouvelle, Saint-Denis et Saint-Martin) seront remis en double-sens (contre un sens est-ouest actuellement). Fin des travaux prévue en décembre 2012.

La crainte des usagers : encore plus de bouchons

Pour de nombreux automobilistes, la fermeture de ces voies est inacceptable. "Elles sont un axe central de Paris et un poumon économique, dont la construction a coûté très cher. Pourquoi les mettre à la poubelle ?" réagit Daniel Quero, de l'association 40 millions d'automobilistes. "On veut décourager les automobilistes mais on ne propose pas d'alternative, comme la création de nouveaux parkings aux portes de Paris ou l'amélioration des transports en commun."

A l'automne 2011, malgré un avis favorable, la commission chargée de l'enquête publique se faisait l'écho des réserves des usagers. Plus loin, elle écrivait même : "S'agissant des transports collectifs, la commission souligne l'absence réelle d'offre alternative à ce jour, le trafic RATP étant actuellement au même niveau qu'en 2000 à Paris, même si une très légère augmentation est sensible depuis 2007." Une étude menée par le cabinet Sémaphores, relatée par Le Parisien début août, indique que si les conducteurs d'Ile-de-France ne changent pas radicalement d'itinéraire, le centre de la capitale risquera la paralysie "aux heures de pointe"

Extrait du rapport de la commission d'enquête publique établi en 2011 sur le réaménagement des voies sur berge, à Paris. (FTVI)

Les entreprises aussi s'inquiètent d'un tel projet. La Fédération française du bâtiment, par exemple, affirme qu'elle craint notamment "une augmentation du coût des travaux dans le reste de Paris" en l'absence des voies express. Elle a d'ailleurs engagé un recours, avec le Medef Ile-de-France et la CGPME régionale, pour "faire annuler et/ou de suspendre" le projet.

La réponse de la mairie : adapter ses comportements

Il est encore impossible de savoir précisément l'impact qu'auront ces deux chantiers sur la cirulation globale dans la capitale. Mais la mairie de Paris assure d'ores et déjà que les pertubations seront minimes. "Le projet a fait l’objet d’études approfondies qui montrent que les reports sont parfaitement absorbables, explique la mairie à FTVi. Ils se répartissent sur l’ensemble du réseau parisien avec quelques points spécifiques identifiés. Parmi eux, on s'attend à une augmentation de 150 véhicules par heure sur le boulevard périphérique, dont la capacité est de 5 000 véhicules par heure."

Le projet de réaménagement des voies sur berges, officiellement lancé en 2010, n'a pas seulement pour but de rendre plus accessible aux piétons ce site classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Il entre également dans le cadre d'un "nouveau partage de l’espace public, au bénéfice des autres modes de circulation que la voiture, ce qui inclut le vélo, les piétons, mais également les transports en commun", répond la mairie. La municipalité garantit que "l'augmentation des moyens dont disposent les transports en commun fait partie du projet", mais n'est pas encore en mesure de chiffrer cet apport supplémentaire.

Ces garanties sauront-elles calmer les usagers ? "Ces voies sur berge ne gênaient personne et permettaient aux voitures, notamment aux taxis, de se déplacer sans souci, regrette Alexis, un conducteur résidant dans le XIIIe arrondissement de Paris. A part les touristes, qui va vraiment profiter de ces berges ?" Pour attirer les habitants, la mairie a prévu, entre autres, des activités "sportives et culturelles. Paris ne deviendra jamais une ville musée", promet-on. A l'horizon 2014, l'objectif affiché est de réduire de 15% le nombre de véhicules et leur usage. Le pari sera-t-il tenu ?

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