Education, santé, transports… On fait le point sur la situation en Nouvelle-Calédonie après plus d'une semaine d'émeutes

Sur l'archipel, les collèges et les lycées sont fermés jusqu'à au moins vendredi et l'accès aux soins est toujours compliqué pour les malades, huit jours après le début des violences.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un barrage routier à Ducos, en Nouvelle-Calédonie, le 21 mai 2024. (DELPHINE MAYEUR / AFP)

Depuis le 13 mai, le "Caillou" est en proie à des violences inédites en près de quarante ans. Alors que six personnes ont été tuées depuis le début des émeutes, Emmanuel Macron va se rendre "dès ce soir" en Nouvelle-Calédonie, a annoncé la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, à l'issue du Conseil des ministres mardi 21 mai. L'état d'urgence est toujours en vigueur, dans l'attente d'une éventuelle prolongation. Cette flambée des tensions, qui découle du vote d'une réforme constitutionnelle voulue par Paris et que refusent les indépendantistes, a des conséquences sur le quotidien des Calédoniens. Franceinfo fait le point sur ces crises en simultané. 

Les collèges et les lycées n'ont pas rouvert

Les élèves calédoniens n'ont plus accès aux salles de classe. Alors que seuls les établissements scolaires de Nouméa étaient fermés à cause des émeutes depuis le 14 mai, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a annoncé dimanche dans un communiqué de presse la suspension des cours en collège et lycée, de mardi à au moins vendredi, dans l'ensemble de l'archipel.

Plus de 28 000 élèves sont concernés par ces fermetures, qui prendront fin "lorsque toutes les conditions de sécurité seront réunies", détaille le texte. "Cette période sera mise à profit pour élaborer les meilleurs scénarios d'une reprise des activités d'enseignement intégrant toutes les dimensions matérielles, humaines et psychologiques", avance également le gouvernement calédonien. Plusieurs établissements ont notamment été dégradés depuis le début des émeutes.

Concernant le premier degré et ses 32 000 écoliers, les communes et provinces décident directement de leurs modalités de fonctionnement, ajoute le communiqué. Comme le rapporte Nouvelle-Calédonie La 1ère, les écoles qui ont fermé proposent une continuité pédagogique pour que les enfants puissent travailler à la maison. A Pouembout, les parents d'élèves sont par exemple appelés à venir récupérer des dossiers pour leurs enfants directement à la mairie, comme l'explique la municipalité sur Facebook.

Mais selon le responsable d'un centre de formation en alternance, interrogé par Le Parisien, cette continuité pédagogique reste plus difficile à mettre en place que lors du Covid-19 pour le second degré et le supérieur. Les élèves "ne sont pas en capacité de se connecter, d'autres ne sont pas chez eux. Quant aux professeurs, une partie d'entre eux assurent des veilles sur les points de vigilance de leur quartier", détaille Charles Roger, également directeur de la Chambre de commerce et d'industrie.

L'économie locale a subi d'importants dégâts

Les émeutes ont aussi des conséquences économiques. Environ 400 entreprises et commerces ont subi des dégradations, "notamment par incendie", dans Nouméa et les communes limitrophes, a annoncé le procureur de la République de Nouméa. La chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie avait appelé lundi à "préserver le peu qu'il reste" de l'économie de l'archipel. Elle estime, pour sa part, que "plus de 150 entreprises ont été pillées et incendiées, laissant plus de 1 000 employés sans travail".

David Guyenne, le président de la chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie a estimé sur France Culture que "le milliard d'euros" de dégâts serait atteint. Un bilan considérablement revu à la hausse puisque ce chiffre était de 200 millions d'euros quelques jours plus. À l'échelle de la Nouvelle-Calédonie, "c'est considérable" et "tous les secteurs d'activité sont touchés", détaille le chef d'entreprise. "Le commerce en majorité, bien sûr, mais aussi des industries et surtout beaucoup d'entreprises de services, notamment les concessionnaires automobiles", ajoute-t-il.

L'accès aux soins est difficile pour les malades

Le système de santé subit également de plein fouet la crise calédonienne. Pour Yannick Slamet, membre du gouvernement local en charge de la santé, "la problématique, c'est que le personnel est là, mais il faut qu'il puisse accéder" aux établissements de santé et "la relève doit pouvoir retourner chez elle", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Selon lui, les stocks de médicaments sont toutefois "disponibles et suffisants"

Outre les soignants, beaucoup de patients ne peuvent pas rejoindre les centres médicaux. Si un poste médical avancé a notamment été aménagé dans le centre-ville de Nouméa, pour accueillir le public qui ne peut être évacué vers le médipôle de Koutio, en raison des barrages routiers, on dénombre plusieurs victimes collatérales de ces émeutes. 

Un habitant du Grand Nouméa, souffrant de diabète, a été découvert mort chez lui mercredi. "Une ambulance venait le chercher tous les jours pour faire sa dialyse à Dumbéa. Mais depuis le début des émeutes, aucune n'a pu venir dans son quartier à cause des barrages", a raconté sa nièce à Nouvelle-Calédonie La 1ère. Juste après le début des émeutes, une femme enceinte de Boulouparis a également perdu son bébé faute de pouvoir se rendre à l'hôpital.

Renaloo, une association agréée de patients atteints de maladies rénales, a aussi demandé mardi la mise en œuvre d'un plan d'action d'urgence. Alors que 700 personnes sont dialysées sur l'archipel, "les structures de dialyse sont inaccessibles, saccagées" et "les livraisons sont rendues impossibles, y compris pour les patients dialysés à domicile", alerte Renaloo. 

Des routes sont encore bloquées et l'aéroport fermé

"Les opérations de déblaiement des axes routiers se poursuivent dans l'agglomération de Nouméa. Les nombreux moyens matériels déployés sur le terrain permettent le retrait des carcasses et le nettoyage des 76 barrages déjà neutralisés sur l'axe principal", a affirmé le Haut-Commassariat de la République dans un communiqué publié mardi. Au moins 21 grandes surfaces ont par ailleurs pu rouvrir et sont progressivement réapprovisionnées. 

Dans les supermarchés, la peur des pénuries est justement au cœur des préoccupations. Mais le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se veut rassurant. "Il y a deux mois de stocks", a assuré l'un de ses membres, concédant toutefois que la situation est contrastée en fonction des régions, à cause des blocages routiers. Selon lui, "on a une réelle difficulté à approvisionner les magasins de Païta, du Mont-Dore et de Dumbéa, sans oublier Ducos"

La fermeture de l'aéroport de Nouméa-La Tontouta aux vols commerciaux a par ailleurs été prolongée jusqu'à samedi à 9 heures (minuit à Paris, dans la nuit de vendredi à samedi). Malgré ce nouveau report, l'Etat a mis en ligne un formulaire pour organiser la prise en charge des touristes français bloqués dans l'archipel

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