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"Ne touchez pas au bouclier fiscal", aurait affirmé Nicolas Sarkozy aux députés UMP, lors d'une réunion à l'Elysée

Cette mise au point présidentielle, mercredi intervient au lendemain de l'échec électoral de l'UMP aux régionales et alors que de nombreuses voix, y compris au sein de l'UMP, réclament la suppression de cette mesure.Une proposition de loi communiste visant à supprimer le bouclier fiscal sera discutée au Sénat en mai.
Article rédigé par France2.fr
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Nicolas Sarkozy (archives) (France 2)

Cette mise au point présidentielle, mercredi intervient au lendemain de l'échec électoral de l'UMP aux régionales et alors que de nombreuses voix, y compris au sein de l'UMP, réclament la suppression de cette mesure.

Une proposition de loi communiste visant à supprimer le bouclier fiscal sera discutée au Sénat en mai.

Le président a toutefois indiqué qu'"un petit effort" serait demandé lors de la réforme des retraites, sans préciser la nature de la mesure. La réunion, qui s'est déroulée quelques heures après le retour de Nicolas Sarkozy de son voyage aux Etats-Unis, était destinée à "crever l'abcès" après la débâcle des régionales, tout en tentant de resserrer les rangs.

Un texte examiné au Sénat le 20 mai
Le Sénat examinera le 20 mai une proposition de loi du groupe communiste et du Parti de gauche (CRC-SPG) visant à abroger le bouclier fiscal, dans le cadre d'une séance d'initiative parlementaire ("niche" parlementaire). Il y a un an, le groupe CRC-SPG avait déjà déposé une proposition dans ce sens, rejetée par la majorité sénatoriale.

Mais les sénateurs du PCF et du Parti de gauche espèrent un vote différent cette année, estimant que "les temps changent", que l"UMP et ses alliés ont été rudement sanctionnés" aux régionales.

Par ailleurs, le nouveau président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac (PS), a demandé à entendre le ministre du Budget, François Baroin, sur la question du bouclier fiscal. Son audition aura lieu le 6 avril.

Nicolas Sarkozy s'accroche au bouclier fiscal
Un grand nombre d'élus UMP réclament de plus en plus ouvertement un aménagement (CSG et CRDS extraites du bouclier contre une sortie de la résidence principale du calcul de l'ISF ?), une suspension, voire la suppression du bouclier fiscal. Créée à l'origine par Dominique de Villepin (avec un plafond à 60%), cette mesure limite à 50% des revenus les impôts dus par un particulier.

Le chef de l'Etat leur a opposé une fin de non-recevoir en lançant: "Ne touchez pas au bouclier fiscal !" Pas question non plus d'extraire la CSG et la CRDS du dispositif. Des députés sarkozystes indiquaient pourtant, dans la journée, que l'exécutif se montrerait ouvert à des mesures visant à taxer davantage les revenus financiers et à revoir les niches fiscales.

Après le revers électoral, Sarkozy garde le cap
Lors de la réunion, Nicolas Sarkozy a affirmé qu'il avait "une totale confiance" en son Premier ministre François Fillon, ajoutant que "ce ne sont pas les journalistes qui nous brouilleront", selon un élu UMP qui a assisté à la réunion. "On ne changera pas de politique économique", a également réaffirmé Nicolas Sarkozy devant les députés. "Les Français ont besoin de stabilité, de repères et de solidité. Nous sommes dans une période où il ne faut ni autisme, ni surréaction", a-t-il également affirmé, selon l'élu UMP.

"C'est comme une chute au ski. Celui qui chute et qui se crispe se fait encore plus mal", a-t-il plaisanté. Nicolas Sarkozy a relevé "la difficulté" d'une élection à mi-mandat et celle de "payer l'addition" sans avoir pu, de par son rôle institutionnel, participer à la campagne.

Il a demandé à ses troupes "de ne pas ouvrir le débat sur 2012 maintenant. Selon lui, "une leçon de ces élections", c'est "le sentiment d'impuissance" qui "exaspère nos concitoyens", a rapporté l'élu. "Il faut se battre pour garder une UMP comme aujourd'hui, qui aille de la droite respectable au centre le plus central", a-t-il enfin assuré, en lançant aux députés: "Pas de fermeture, pas de bunkerisation, pas de règlements de comptes."

Il a également enjoint aux députés UMP de ne pas revenir sur la règle du non-remplacement "d'un fonctionnaire sur deux" partant à la retraite. Certaines voix demandent qu'elle soit assouplie, notamment dans la police.

Sur l'interdiction du voile intégral, Nicolas Sarkozy souhaite aller "le plus loin possible". "Soyez tenaces, soyez combatifs. Je ne cède rien", a insisté le chef de l'Etat, qui entend "poursuivre les réformes".

A l'issue de son discours, le président s'est livré à une séance de question- réponses. L'ambiance était "bonne" et "calme", ont indiqué les participants.

La villepiniste Marie-Anne Montchamp a commenté: "C'est une réunion politique qui visait à redonner confiance et à panser les plaies", ironisant sur un scénario "remarquablement huilé" et "l'habileté tactique" du chef de l'Etat.

Le président a convenu de revoir les parlementaires une fois par mois", s'est félicité Jérôme Chartier.

Pour sa part, Thierry Mariani, ancien fidèle, a cassé quelque peu cette ambiance de "reconstruction", boycottant la réunion en lâchant en direction de Nicolas Sarkozy un laconique "quand on est pris pour un con..."

Enfin, la députée UMP Jacqueline Irles a été saluée par ses collègues pour avoir osé poser au président une question sur son "désamour " avec l'opinion, lors de la réception des députés UMP à l'Elysée. "Je lui ai dit que, pendant sa campagne, il a suscité un espoir exceptionnel et que là, on a l'impression que le désamour était proportionnel à l'espoir qu'il avait généré", a expliqué à la presse l'élue des Pyrénées-Orientales en sortant de l'Elysée.

Des critiques de ténors de droite
"Je pense qu'il faut s'interroger sur ce que l'on appelle le bouclier fiscal parce que les choses ont changé, la crise est venue", avait redit Alain Juppé mardi sur France Info. "Aujourd'hui, il y a une petite minorité de très riches qui ne cessent de s'enrichir", a affirmé l'ancien Premier ministre. "Cela ne me choquerait pas qu'on demande aux très riches de faire un effort de solidarité supplémentaire vis-à-vis de ceux qui souffrent."

Le président de la commission des finances et chef de file des centristes au Sénat, Jean Arthuis, se prononce quant à lui pour la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et du bouclier fiscal ainsi que pour l'instauration d'une tranche supplémentaire dans le barème de l'impôt sur le revenu. "Le bouclier fiscal est une mauvaise réponse au mauvais impôt qu'est l'ISF", dit-il dans une interview parue mercredi dans Libération. Cette mesure, estime-t-il, "est une offense à l'idée que je me fais de la justice fiscale"."Actuellement, l'ISF rapporte à l'Etat trois milliards d'euros. Pour compenser cette perte, je propose que l'on crée une tranche supplémentaire dans le barème de l'impôt sur le revenu qui frapperait les contribuables les plus aisés, et une augmentation de l'imposition des plus-values."

De son côté, le patron des députés UMP, Jean-François Copé, qui se prononçait jusqu'à présent contre une correction du bouclier, a jugé le débat "un peu prématuré" tout en soulignant la nécessité d'en discuter. "Je n'ai pas une religion totalement définitive sur le sujet", a-t-il dit à la presse. "C'est un élément de compétitivité important par rapport aux risques de délocalisation d'un certain nombre de fortunes en France", a-t-il cependant fait valoir.

Le président du groupe Nouveau Centre à l'Assemblée, François Sauvadet, souhaite, lui, "remettre les choses à plat" et renouvelle sa proposition d'extraire la CSG et la CRDS de ce "mauvais impôt".

L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin demande pour sa part l'abrogation du bouclier fiscal, mesure instituée en 2006 alors qu'il était premier ministre.

Le chef de file des sénateurs UMP, Gérard Longuet, souhaite une réflexion sur la fiscalité des revenus de tous les Français dans le contexte de la crise économique.

Bouclier fiscal: 16.000 contribuables bénéficiaires
Ce dispositif de la loi TEPA voté en 2007, a profité l'an dernier à 16.350 contribuables pour un montant de 585 millions d'euros, indiquent les quotidiens Les Echos et Le Figaro dans leurs éditions à paraître jeudi. "Un peu moins de 1000 ménages, qui possèdent les plus hauts patrimoines ont capté, à eux seuls, 63% du coût du dispositif (368 millions d'euros)", indique encore le journal Les Echos, qui ne cite pas ses sources.

Un sondage et un projet de loi

Le groupe PS va déposer une proposition pour demander l'abrogation du dispositif. Jean-Marc Ayrault, chef de file des députés PS, a précisé mercredi soir que la proposition -qui sera déposée mardi et débattue le 20 mai- était une réplique aux déclarations faites par Nicolas Sarkozy. Ce texte qui ne peut être adopté que par la gauche, celle-ci étant minoritaire à l'Assemblée, aura le mérite d'obliger certains élus de la majorité à prendre position sur cette politique fiscale.

Une politique fiscale contestée par 67% des Français, selon un sondage CSA paru jeudi dans Le Parisien/Aujourd'hui en France. Seul un quart des personnes interrogées (25%) estime qu'il faut maintenir cette mesure symbolique du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Près de neuf sondés sur dix (87%) jugent en outre qu'il faut "demander aux plus riches de participer davantage à la solidarité fiscale".


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