Les meurtres d'une mère et de ses 4 enfants ont été commis à la manière d'une "exécution méthodique"
C'est ce qu'estiment les enquêteurs, alors que les autopsies ont montré que tous ont été tués par une armé à feu, sans doute une arme de calibre 22 long rifle, avec au moins deux balles dans la tête. Benoît, le plus jeune, a aussi été touché trois fois dans la poitrine.
Les deux chiens de la famille ont également été abattus et ensevelis.
Des analyses toxicologiques sont attendues dans les prochains jours pour savoir si les victimes, tuées dans leur sommeil, ont été "droguées" avec des sédatifs, comme l'a dit le procureur de Nantes dans un de ses communiqués.
L'enquête a établi que le père de famille avait récemment hérité d'une carabine de son père, qui n'a pas été retrouvée, et qu'il avait acheté des munitions le 12 mars. Xavier Dupont de Ligonnès s'était en outre inscrit récemment dans un club de tir. Il a été confirmé que le père de famille, gérant d'une petite société de commercialisation d'espaces publicitaires sur internet, rencontrait des difficultés financières.
Les corps d'Agnès de Ligonnès et de ses 4 enfants ont été retrouvés le 22 avril dans leur maison à Nantes. Le père n'a donné aucun signe de vie depuis ce jour et un mandat de recherche international a été lancé à son encontre.
Recherche dans le monde entier
Le père, Xavier Dupont de Ligonnès, activement recherché par les enquêteurs, reste introuvable. Le mandat de recherche contre lui, émis par le parquet de Nantes, a été lancé dans l'espace Schengen dans un premier temps puis étendu au monde entier mardi.
Mais l'homme ne fait toujours pas l'objet d'un mandat d'arrêt, les enquêteurs voulant à ce stade entendre son "témoignage", sa culpabilité n'étant "pas démontrée", avait souligné vendredi, le procureur.
Une information judiciaire a été ouverte vendredi "contre X" pour assassinats au lendemain de la découverte des corps.
Les éléments recueillis
La voiture du père de famille a été retrouvée dans la nuit de jeudi à vendredi sur le parking d'un hôtel Formule 1 de Roquebrune-sur-Argens, dans le Var, où la famille avait résidé avant de s'établir en Loire-Atlantique. Il s'agit d'une Citroën C5 bleue métallisée immatriculée 235CJG44. Xavier Dupont de Ligonnès a passé la nuit du 14 au 15 avril à l'hôtel. Il est établi qu'il a dû se présenter à l'accueil de l'hôtel pour obtenir sa chambre car il n'a pas eu recours à la borne automatique devant l'établissement, selon la même source.
Selon les derniers éléments du dossier, il avait dîné et couché auparavant dans une auberge du Pontet, dans le Vaucluse, dans la nuit du 12 au 13 avril. Il était seul au volant de sa voiture, a indiqué le procureur de Nantes. Le 14 avril, il a effectué un retrait bancaire de 30 euros à Roquebrune-sur-Argens. Après une nuit à l'hôtel F1 le 15 avril, il a quitté l'établissement et abandonné son véhicule.
La famille Dupont de Ligonnès était portée disparue depuis le début du mois d'avril.
Sa femme aurait eu des soupçons dès 2002
Agnès Dupont de Ligonnès aurait eu, dès 2002, des soupçons vis-à-vis de son mari, selon une amie d'enfance interrogée par Le Figaro. "Elle s'était aperçue que son mari avait dilapidé tout l'argent de son propre héritage", a dit au quotidien cette femme qui a requis l'anonymat pour des raisons de sécurité. "Elle s'était aussi rendu compte que les activités professionnelles de son époux ne rapportaient rien", a-t-elle ajouté.
SMS laconiques
Un ami de l'un des fils de la famille, Thomas, a déclaré au Parisien que ce dernier, étudiant à Angers, avait reçu le 5 avril un appel téléphonique de son père lui demandant de rentrer à Nantes parce que sa mère avait eu un accident de vélo. "Apparemment, elle n'était pas en danger, mais son père a insisté pour que Thomas rentre à Nantes", a ajouté cet ami.
Il a expliqué au journal avoir envoyé des SMS à Thomas au cours des jours suivants mais n'avoir reçu que des réponses très laconiques. "Ce genre de phrases très courtes, cela ne lui ressemblait pas", a-t-il dit. "Quand j'ai appris par la presse qu'une famille nantaise était portée disparue, j'ai tout de suite compris qu'il s'agissait de celle de Thomas", a ajouté cet étudiant.
Des problèmes d'argent
"Il semble effectivement que ses revenus soient relativement faibles", a déclaré le procureur de la République, qui a précisé que Xavier Dupont de Ligonnès aurait déclaré aux impôts seulement 4000 euros de revenus annuels.
Décrit comme un "père de famille normal et discret", il avait par ailleurs "un certain nombre de dettes", selon le procureur. L'une de ces dettes, d'environ 50.000 euros, aurait été contractée auprès d'une ancienne maîtresse qu'il aurait récemment menacée par lettre. "On a eu du bon temps ensemble, maintenant tu vas connaître le malheur", aurait-il écrit à cette femme, chef d'entreprise dans le Val-d'Oise, selon Le Figaro. Craignant pour sa sécurité, elle s'est rendue dans la nuit de jeudi à vendredi au commissariat d'Asnières (Hauts-de-Seine). Elle a expliqué "avoir entretenu une relation intime il y a deux ans avec cet homme et qu'elle lui avait prêté 50.000 euros en 2009 contre une reconnaissance de dette", a expliqué cette source, confirmant des informations de presse.
Elle avait engagé une procédure de recouvrement pour récupérer son argent, leur relation intime ayant depuis pris fin, selon plusieurs sources concordantes.
L'enquête sur les disparitions avait été réorientée en "séquestration" et "assassinat" après la découverte jeudi matin d'un premier corps sous la terrasse. Selon une source proche de l'enquête, aucune trace de lutte ou de violence n'a pour le moment été constatée au domicile où toutes les armoires avaient été vidées. Selon une source policière, les unités centrales des ordinateurs ont disparu. Aucun appel téléphonique, ni connexion à internet, n'ont été constatés depuis le 3 ou le 4 avril à partir de la ligne de la maison.
La famille de Dupont de Ligonnès, installée depuis plusieurs années dans le quartier, était apparemment sans histoire. Selon le quotidien Presse-Océan, un huissier avait été mandaté le 5 avril pour venir réclamer "une créance de plus de 20.000 euros" au domicile de la famille, qui aurait été confrontée à des difficultés financières.
Un scénario préparé à l'avance ?
Loin du coup de folie, les enquêteurs penchent pour l'hypothèse d'un scénario méticuleusement préparé à l'avance, selon des informations obtenues sur place : le bail de la maison avait été résilié, des lettres adressées aux amis et à la direction de l'école pour les prévenir du départ de la famille.
Avant de disparaître, celle-ci a laissé des messages "délirants et contradictoires", notamment en expliquant qu'elle émigrait en Australie. A certains proches, le père, Xavier Dupont de Ligonnes, 50 ans, a expliqué dans une lettre "qu'il était agent secret et qu'il partait dans le cadre d'un programme de protection des témoins", selon le procureur Xavier Ronsin.
Le directeur de l'établissement privé fréquenté par les enfants les plus jeunes a reçu un courrier évoquant une "mutation professionnelle urgente" en Australie, avec "un chèque pour solde de tout compte jusqu'à la fin de l'année scolaire".
Un voisin assure avoir vu le père, il y a 15 jours, vêtu d'un short et de chaussures bateau, mettant "des gros sacs dans sa voiture", une "C5". Un témoignage confirmé par au moins une autre personne. Le voisin, cité ci-dessus, dit avoir vu Agnès pour la dernière fois le dimanche 4 avril. "Quelques jours après", les deux labradors "ont hurlé à la mort pendant toute la nuit et, après, plus rien".
La famille habitait avec ses deux labradors, dans une maison grise à un étage située sur un boulevard très passant de Nantes, et dont tous les volets sont fermés. Un petit carton blanc scotché à l'emplacement de la boîte à lettres indique : "Courrier à retourner à l'expéditeur. Merci".
Non loin de la maison est garée une Golf noire appartenant, selon des voisins, à la mère de famille. Dans le pollen qui s'est déposé sur le véhicule ont été tracés à la main les mots suivants: "T'avais pas le droit. Tu nous manques. PK".
Un lien avec une autre disparition ?
Les enquêteurs ont jugé "prématuré" tout rapprochement avec la disparition de Colette Deromme, une mère de famille de 50 ans qui n'a plus donné signe de vie depuis le 14 avril. Celle-ci habitait Lorgues, un village où a séjourné la famille nantaise avant 2003.
Les enquêteurs ont par ailleurs reconstitué une partie de l'itinéraire du père depuis le 12 avril. Sa trace se perd à Roquebrune-sur-Argens, dans le Var. Après une nuit à l'hôtel le 15 avril, il quitte l'établissement et abandonne son véhicule.
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